Proposition de loi visant à assurer la présence des professionnels de santé dans les zones déficitaires
par MM. Jean-Marc AYRAULT, François DOSÉ, Pascal TERRASSE, Gaëtan GORCE, François BROTTES, Jean-Louis BIANCO, Mmes Catherine GÉNISSON, Marylise LEBRANCHU, MM. Augustin BONREPAUX, Jean-Claude VIOLLET, Mme Elisabeth GUIGOU, MM. Gérard BAPT
Mesdames, Messieurs, La répartition territoriale des professionnels de santé est l'une des conditions essentielles de l'égal accès aux soins pour les populations non seulement rurales mais aussi pour certaines populations en zones urbaines ou rurbaines. Jamais il n'y a eu en France autant de médecins. Au 1er janvier 2001, 196 000 médecins en exercice étaient recensés en France, soit une densité de 332 médecins pour 100 000 habitants. Si ce nombre a triplé depuis le début des années 1960, il cache des disparités inacceptables en termes d'égalité d'accès aux soins pour la population. Aujourd'hui, de nombreuses communes rurales et de nombreux quartiers urbains périphériques sont tout simplement dépourvus de médecin. La répartition géographique des médecins sur le territoire comporte des écarts marqués en faveur des régions du sud (PACA, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Aquitaine) mais également en faveur des grandes villes, et en particulier des villes universitaires. A Paris, il y a 325 médecins généralistes pour 100 000 habitants, dans la Nièvre, 144, en Ariège, 178, en Ardèche, 141, dans la Meuse, 128 (chiffres DREES 2003). Ces inégalités de répartition se retrouvent également au sein des départements. Certains départements apparemment bien dotés ont des cantons à faible densité médicale (les Alpes-Maritimes, par exemple). Il est donc également important d'avoir une analyse par canton ou par bassin de vie. La démographie médicale comme le choix des spécialités et des lieux d'exercice par les étudiants ont répondu bon an mal an aux besoins de soins de la population sur le territoire. Pour de multiples raisons, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Sans intervention réelle des pouvoirs publics, une telle situation risque d'empirer rapidement. Une projection en 2020 fait apparaître une baisse de la proportion de médecins par habitant de 24 %. Mais en incluant divers facteurs, en particulier, le vieillissement du corps médical, la tendance à une réduction du temps de travail et la demande en soins accrue du fait du vieillissement de la population, cette baisse serait plus proche de 40 % que de 24 %. Le rapport Descours, en particulier, a analysé les raisons de l'inégale répartition des professionnels libéraux de santé sur le territoire. Il apparaît que les critères de choix d'installation sont moins liés aux revenus qu'aux conditions de vie plus contraignantes dans les zones déficitaires : exercice isolé et éloigné des centres hospitaliers, multiplication des permanences, difficultés à trouver un remplaçant, sentiment d'insécurité dans les zones urbaines sensibles. Une étude du CREDES sur la démographie médicale au 1er janvier 2002 fait le même constat. Il est capital de valoriser l'image du médecin généraliste qui s'installe à la campagne ou dans des quartiers en difficultés. D'autant plus que sa présence et son travail permettent d'éviter le recours aux services d'urgence pour des soins qui ne le nécessitent pas. Mais cette valorisation n'est pas une question de rémunération, elle est avant tout une question de reconnaissance sociale de cette profession tout particulièrement dans ces zones défavorisées. Le 12 novembre 2003, à propos de l'installation des médecins, le Ministre Jean-François Mattéi a expliqué dans l'hémicycle qu'il « faudra probablement, un jour, des dispositions plus contraignantes [que les mesures incitatives], comme celles qui s'appliquent pour des pharmacies ». L'horizon 2013 avancé apparaît lointain alors que certains territoires connaissent d'ores et déjà une pénurie de médecins. Or le gouvernement ne propose actuellement que des mesures incitatives et financières qui ne résoudront rien. La solution proposée par Jean-François Mattéi, par le biais d'amendements au projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, est à la fois inefficace et inégalitaire. Elle vise à permettre aux collectivités locales d'accorder des indemnités de logement et de déplacement aux médecins qui s'installeraient dans une zone désertifiée. Elle leur permet également d'accorder « une indemnité d'étude et de projet professionnel à tout étudiant en médecine, à partir de la première année de troisième cycle, s'il s'engage à exercer comme médecin généraliste pendant au moins cinq ans dans l'une des zones » déficitaires en offres de soins. L'incitation n'est pas la bonne réponse à l'installation des professionnels de santé dans les zones désertifiées. En outre, il est inadmissible que cette incitation relève des collectivités territoriales et non de l'Etat. Généraliser le financement par ces collectivités de telles aides conduit inévitablement à un accroissement des inégalités. En effet, ce sont souvent des collectivités locales les plus défavorisées, connaissant déjà la fermeture de services publics et de commerces de proximité, qui sont concernées par la pénurie de professionnels de santé. Les communes n'auront pas les moyens financiers de mettre en œuvre ces mesures. Ainsi, on peut noter que ce sont les départements qui connaissent un déficit dans l'accès aux soins qui ont également les potentiels fiscaux les plus faibles... Cette solution concrétise une nouvelle fois le désengagement de l'Etat sur le dos des collectivités locales. Pour garantir l'accès aux soins, le gouvernement en appelle à la responsabilité des élus locaux ! Cela signifie qu'à terme, les collectivités les plus défavorisées n'auront plus accès au système de santé. Il est pourtant important de rappeler que notre Constitution garantit l'égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Dans cette perspective, décider aujourd'hui de la mise en place d'un système qui va au-delà de la seule incitation que chacun reconnaît insuffisante désormais, permet de commencer de répondre aux besoins énormes mis en avant par les différents rapports qui se sont succédés sur la question de la démographie médicale. Il apparaît donc souhaitable de mettre en place des dispositions reposant sur une autre logique pour favoriser l'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires. Il est nécessaire d'engager une remise à plat du système de santé dans le cadre d'un projet d'aménagement du territoire cohérent et s'appuyant sur les professionnels de santé. Il est nécessaire d'identifier les besoins des populations, de fixer des objectifs de qualité dans l'accès aux soins, de préciser le rôle de chaque acteur du système de santé dans la chaîne de soins (par exemple, le rôle de l'hôpital local ou celui des réseaux de soins entre la médecine de ville et l'hôpital). Il s'agit tout d'abord d'intégrer l'installation des professionnels de santé dans les schémas d'organisation sanitaire (article 1er). Cet article reprend l'amendement déposé par les députés socialistes avant l'article 38 du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Les articles suivants ont pour objet de faciliter le regroupement des médecins au sein des maisons de santé. L'article 2 inscrit dans la loi des objectifs clairs en matière d'aménagement du territoire. L'inscription dans la loi d'orientation et d'aménagement du territoire renforce la responsabilité de l'Etat dans la création des maisons de santé afin de garantir un égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire. L'article 3 instaure dans le code de la santé publique en matière de politique de prévention l'objectif d'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires. Ainsi, pour répondre à un des objectifs de la politique de prévention qui est de réduire les inégalités territoriales de santé, l'Etat favorise l'installation des professionnels de santé dans les zones déficitaires en matière d'offre de soins, en créant des maisons de santé. L'article 4 donne une base juridique aux consultations médicales dans le cadre des maisons de santé.
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