Chers Amis,
Nous l’avons vu tout au long de cette soirée, la situation dramatique que connait France Telecom est symptomatique d’un phénomène ancien : le travail est en crise. Ce malaise n’est pas le produit d’une prétendue réserve des Français à l’égard du travail ou de l’effort, contrairement à ce que l’on a voulu nous faire croire. Au contraire, les Français sont, de tous les salariés européens, ceux qui sont le plus attachés au travail, qui accordent le plus d’importance à la valeur du travail ; en revanche, ils sont aussi ceux qui expriment la plus grande insatisfaction au travail. La raison doit en être recherchée dans la course à la productivité dans laquelle sont engagées nos entreprises. Cette course est à l’origine d’une bonne part des maux que nous devons affronter. Non qu’elle soit contestable par elle-même au regard des enjeux de la compétition mondiale. Mais, parce qu’elle entraîne des conséquences redoutables. À cet égard, le chômage est tout aussi bien une illustration de ce malaise qui fait porter la totalité de l’effort sur les 30/50 ans, plutôt que de favoriser par l’insertion professionnelle et la formation, la productivité globale de la population. La conséquence, c’est aussi la persistance d’un haut niveau d’accidents du travail, le développement des maladies professionnelles, l’accroissement de la pénibilité. Qu’il me soit à cet égard permis de rappeler que ce malaise du travail n’est pas seulement psychologique : la pénibilité physique augmente également, contrairement à ce que l’on voudrait laisser croire. Ainsi, le nombre d'accidents du travail entraînant une incapacité est de plus de 1000 par jour ! Le Gouvernement porte dans cette évolution, et le Président de la République en particulier, une grande responsabilité puisqu’il a abordé le travail à l’envers, considérant que celui-ci ne devait être vu que d’un point de vue strictement individuel, à l’écart de toute approche collective. Il a surtout voulu encourager les heures supplémentaires, ce qui est une erreur économique en période de crise, mais, ce qui l’est aussi et surtout du point de vue humain et social que nous avons aujourd’hui à examiner.
1) Comment en est-on arrivé là ?
Trois raisons expliquent cette évolution :
La première, c’est que l’on a de manière totalement artificielle, tout au long de ces vingt à trente dernières années, séparé, arbitrairement sous couvert de lutte contre le chômage, l’emploi et le travail. On a voulu distinguer les deux, faisant de nos politiques, d’abord des politiques de l’emploi. À bien y regarder, toutes les politiques mises en place depuis la première crise des années 70, ont eu pour seul objet d’essayer de créer ou de préserver de l’emploi. C’est sous cette forme qu’ont été mises en place les politiques d’exonération des cotisations sociales, mais aussi celles de réduction du temps de travail.
Je veux insister aujourd’hui sur ce point qu’il est absurde de séparer l’un de l’autre. l’une des urgences qu’il nous faut assumer est bien au contraire de mettre un terme à cette situation et de réunifier politique du travail et politique de l’emploi. Le plus malheureux exemple de cette séparation est sans doute la création d’un secrétariat à l’emploi dans le Gouvernement actuel, rattaché au Ministère de l’Economie avec le Ministère du Travail qui en est totalement distinct, à la fois géographiquement et sur le plan du fonctionnement. Comment, en effet, séparer politique de l’emploi et politique du travail ? La réduction du temps de travail ne peut ainsi être pensée indépendamment des questions d’organisation du travail. Et les politiques de formation ne peuvent être examinées sans mesurer leur incidence sur la capacité et l’employabilité des salariés et sur les opportunités d’emploi qui peuvent se présenter.
La seconde raison concerne les rapports entre l'individualisme et le collectif et le déséquilibre qui s'est opéré au détriment du second. Cette évolution était lourde de dangers :
Tout d’abord, c’était prendre le risque d’encourager des aspirations individuelles, sans pouvoir les satisfaire. C'est-à-dire, alimenter une frustration par rapport au travail. Si l’individualisation des salaires, des horaires, des tâches est une réalité, elle s’accompagne rarement d’une promotion professionnelle dont elle pourrait être la conséquence. Celle-ci est au contraire bloquée, piégée et ce n’est pas un des moindres problèmes de notre société. Il en va de même pour le pouvoir d’achat.
Ensuite, séparer l’individuel du collectif, c’était se priver des moyens de faire progresser les choses. Il faut au contraire réintroduire la négociation sociale dans ces domaines et de manière active. Il s’agit désormais moins de garantir des droits collectifs que de garantir collectivement les droits individuels qui ne doivent cesser de progresser : droit au repos hebdomadaire, droit à une vie familiale normale, droit à l’organisation de son temps.
La troisième cause de la situation que nous décrivons et cela a été bien nalysée par Thomas Philippon, c’est enfin, la persistance en France des méthodes de management qui sont totalement décalées par rapport aux besoins de notre économie. Cet effort de productivité s’est accompagné du maintien du mode de management archaïque, fondé sur des hiérarchies éloignées du terrain, sur un capitalisme que Philippon n’a pas hésité à qualifier « d'héritiers » qui accroit la pression sur les salariés par une approche technique et verticale plutôt que par par le dialogue social. Ainsi 65% des entreprises cotées en France sont elles placées sous contrôle familial, en particulier dans les industries à forte densité de main d'oeuvre, le plus souvent au détriment d'un management professionnel. Il en résulte un déficit de collégialité, des rigidités dans l'organisation et un frein à la croissance et au développement.
2) Qu'est-ce que cela coûte ?
Cher ! Tant d'un point de vue social et humain qu'économique. Cette situation est en effet d'autant plus préoccupante qu'elle est en contradiction avec les objectifs affichés des entreprises : alors qu'elles attendent de leurs salariés de plus en plus d'engagement, de motivation, de savoir faire, elles ne leur offrent en contrepartie que la stagnation du pouvoir d'achat, la précarité de l'emploi, l'absence de perspective professionnelle.
Les accidents du travail ne reculent pas, les maladies professionnelles progressent. Ce blocage coûte cher : le coût des accidents du travail et des maladies professionnelles a été estimé à 3% du PIB. Mais il affaiblit plus globalement la dépression économique.
3) Quelles sont alors les pistes à suivre pour sortir de cette situation ?
La première, c'est de jouer la transparence pour faire la vérité sur la réalité de la vie au travail : les statistiques sur les accidents du travail doivent être rendues publiques par branches et par entreprises pour susciter la réflexion et le débat.
La deuxième, c’est de remettre la question de l’organisation du travail au cœur des négociations sociales. Il ne peut y avoir d’amélioration de la situation des salariés au travail, aussi bien en termes de stress que d’accidents du travail, si cette question de l’organisation ne redevient pas un sujet central de la négociation sociale. Il lui faut là une volonté qui fait aujourd’hui défaut, on le voit bien sur la question du stress. C'est dans cette optique qu'il faudrait réorienter et relancer la négociation sur la GPEC. C'est aussi par ce moyen que l'on pourra mettre en place une vraie politique des âges au travail.
Ensuite, réformer notre système d'assurance « accidents du travail ». Les entreprises paient au coût réel au-delà de 200 salariés, ce qui les conduit à multiplier les sous-déclarations et à faire appel à la sous-traitance; Elles n'ont par ailleurs le bénéfice de leurs efforts de prévention qu'au terme de trois ans. C'est pourtant cette logique qu'il faut privilégier
Enfin, revoir en profondeur nos modes de management en favorisant l’émergence de nouveaux droits de négociation, c’est à une nouvelle génération de lois Auroux qu'il faut songer qui permettrait effectivement d’introduire soit dans le cadre de l’entreprise, soit dans le cadre de la branche, soit dans le cadre territorial, les éléments d’une négociation qui permettent aux acteurs sociaux de reprendre en main ces questions.
Bravo pour avoir animé cette réunion très riche avec des intervenants de très grande qualité, les interventions dans la salle, bien que limitées, étaient justes.
Je travaille à Pôle Emploi et nous subissons de plein fouet ce "mal au travail" depuis maintenant plusieurs mois sans que la direction ne prennent les moyens nécessaires pour y remédier.
Je souhaite ajouter que le gouvernement à créer un nouveau statut celui de l'auto-entrepreneur, ce statut permet à d'anciens salariés de créer leur propre entreprise et de proposer leurs services à des entreprises.
Les entreprises emploient souvent d'ex salariés avec ce nouveau statut en comprimant les prix des interventions ce qui leur fait faire des économies et qui transfert le stress et les charges sur ses auto-entrepreneurs obligés de courrir après de nouveaux marchés pour réussir à gagner péniblement leur vie
Rédigé par : www.facebook.com/profile.php?id=1411043737 | 30 octobre 2009 à 18:42
Merci d'avoir très bien animé cette réunion hier ! Les intervenants étaient très intéressant ! Dommage pour les questions sur la fin, il ne restait plus trop de temps! Amitiéss!
Rédigé par : Nicolas | 29 octobre 2009 à 15:40