L'Assemblée nationale va débattre aujourd'hui de nouveau, et je m'en réjouis, de la fin de vie. La loi du 22 avril 2005 à laquelle j'ai voulu contribuer activement a constitué, on le sait trop peu un véritable progrès. Il ne fait aucun doute qu'elle soit appelé à évoluer dans le sens d'une reconnaissance progressive de la possibilité offerte au médecin, à la demande du malade en raison de ses souffrances, de mettre par un geste actif un terme à la vie de son patient. Mais la question décisive reste bien le rythme auquel doit être conduite cette évolution. Et aussi de la manière d'y procéder! Trop de questions ont en effet été insuffisamment explorées. Trop de réticences, souvent légitimes demeurent. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours privilégié une approche par étape. Et j'ai toujours voulu éviter ou repousser un débat qui de politique deviendrait partisan et qui surtout se réduirait à une confrontation de point de vue, entre les partisans et les adversaires d'un délicat et angoissant « droit à mourir ». Pour toutes ces raisons ma préférence va aujourd'hui à la mise en place d'une commission d'exception, telle que décrite dans la proposition de loi jointe à ce blog. Notre seul objectif doit demeurer me semble-t-il de rechercher les solutions, toutes les solutions, permettant d'apaiser le malade dans les conditions que lui même et seulement lui même jugera digne... C'est dans cet esprit que j'interviendrai ce matin en séance en ayant la préoccupation de ne pas participer à une bataille, mais de permettre un dialogue, de ne pas espérer une victoire mais de favoriser simplement un progrès.
Veuillez trouver ci-dessous l'exposé des motifs de ma proposition de loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des patients en fin de vie a constitué un véritable progrès, en permettant, dans le prolongement de la loi Kouchner sur le droit des malades, de faire respecter la volonté des malades en fin de vie. Elle n’a cependant pas permis d’apporter une réponse satisfaisante à certaines situations particulièrement critiques qui, tout en rentrant dans le champ de la loi existante, ne relèvent pas des dispositions légales qu’elle prévoit. Il importe donc, en dehors de l’actualité médiatique, de tout parti pris philosophique ou religieux, de trouver, pour de simples raisons d’humanité, des réponses à ces cas souvent les plus douloureux.
Les progrès réalisés par la loi du 22 avril 2005 sont certes indéniables. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la polémique engagée en février dernier en Italie sur le cas d’Eluana Englaro. La loi du 22 avril 2005 affirme en effet le droit de tout patient à refuser un traitement, y compris si ce refus a pour conséquence d’abréger la vie.
L’article L. 11114 du code de la santé publique dispose ainsi :
« Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. »
Le cinquième alinéa de l’article 1110-5 précise ensuite que :
« Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 11112, la personne de confiance visée à l’article L. 11116, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. »
Il en ressort que :
• Si le malade dépend d’un traitement, il a le droit d’obtenir l’interruption de celui-ci, ce qui lui garantit l’accès aux soins palliatifs. Le médecin, pour le soulager et accompagner son agonie, peut alors pratiquer une sédation, même si celle-ci risque d’avoir pour effet secondaire d’abréger la vie.
• Si la personne souffrant d’une affection grave et incurable ne dépend pas d’un traitement, « sa demande de mort » ne peut être en revanche prise en compte.
Cette dernière situation est particulièrement choquante lorsque la maladie s’accompagne de douleurs physiques ou psychologiques insupportables.
Pour y répondre, deux options sont envisageables :
• La première, qui a été défendue par plusieurs personnalités entendues par la dernière mission dite « Léonetti » d’évaluation de la loi de 2005, consisterait à préconiser purement et simplement, le recours au suicide. Il parait difficile de s’y rallier, non seulement au regard de la violence d’une telle option mais aussi en raison de l’inégalité entre les personnes que créerait une telle alternative. À titre personnel, l’auteur de la proposition y serait favorable – mais elle ne fait pas consensus et a pour effet de polariser le débat public au lieu de le faire évoluer.
• La deuxième, reviendrait à modifier la loi du 22 avril 2005, pour autoriser le médecin, dans un tel contexte, à mettre fin directement à la vie du malade à la demande expresse et confirmée de celui-ci. Cette option reviendrait à lever l’interdit qui protège aujourd’hui toute vie humaine.
Aussi, parce qu’ils sont irréconciliables, ces deux points de vue doivent être dépassés.
C’est tout le sens de cette proposition de loi qui s’inspire, sans les reprendre complètement, des conclusions du Comité consultatif national d’éthique relatives à l’exception d’euthanasie.
Ce dépassement est d’autant plus nécessaire, que l’auteur de la présente proposition est profondément convaincu qu’il n’existe pas une réponse au problème éthique de la fin de vie mais autant de réponses que de situations et de personnes directement concernées. L’ambition qui devrait nous guider devrait être par conséquent, de garantir à terme une véritable liberté de choix au malade, en fonction de son état, de l’idée qu’il se fait des conditions de sa fin de vie, des souffrances qu’il endure.
L’évolution observée aux Pays-Bas est ainsi riche d’enseignement. Après avoir reconnu tout d’abord le droit de chacun à obtenir la mort dans des conditions précisément définies, ce qui en clair signifie la légalisation de l’euthanasie, la loi hollandaise a ensuite favorisé le développement des soins palliatifs dans des conditions très proches de la législation française. Cette évolution s’est aussitôt traduite par une diminution (mais non une disparition) des demandes d’euthanasie, pour voir au contraire augmenter les demandes de soins palliatifs et d’interruption de traitement.
La présente proposition de loi marque un pas supplémentaire dans cette direction. Elle vise à permettre à un patient, atteint d’une maladie grave et incurable, victime de souffrances psychologiques ou physiques insupportables, entrant dans le champ de la loi du 22 août 2005 mais ne pouvant bénéficier de ses dispositions parce que ne dépendant pas d’un traitement, de se voir offrir une issue.
Elle s’inscrit dans la perspective d’une évolution progressive de la législation visant à garantir, à terme, la liberté du choix de sa mort à chaque patient.
L’article 1110-5 du code de la santé publique pourrait être complété de la façon suivante : « Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne victime d’une affection grave et incurable, qui exprime le souhait d’une mort médicalement assistée, il peut saisir la commission mentionnée à l’article R. ... du présent code, afin d’obtenir un avis éthique, médical et juridique sur la situation à laquelle il est confronté. Cet avis peut être demandé par le malade lui-même. Le rapport de la commission est inscrit dans le dossier médical à toutes fins utiles. »
Quel est le sens de cette proposition ? Elle ne remet pas en cause l’interdit pénal : nul n’est a priori autorisé à provoquer volontairement la mort. Elle permet, en revanche la prise en compte de situations exceptionnelles et même de les reconnaître comme telles. Constituée à l’échelon régional et composée de médecins, de juristes et d’éthiciens, la commission pourra être saisie chaque fois qu’un malade ou un médecin se trouvera confronté à une situation à laquelle il ne pourrait, par lui-même, trouver une réponse adaptée, soit d’un point de vue strictement médical, soit d’un point de vue légal, face à une demande d’accompagnement à la mort réitérée par le malade. La commission aura pour mission de caractériser la maladie, en particulier sa gravité, de constater l’absence de traitement susceptible de permettre une guérison ou une amélioration sensible ; de s’assurer de la conscience du malade et du caractère volontaire et réitéré de sa demande ; et d’indiquer s’il existe, ou non, une issue légale à celle-ci. L’avis de la commission sera, comme il a été indiqué, inscrit au dossier médical et pourra être utilisé, en cas de contestation de la légalité d’un acte qu’aurait pu être amené à pratiquer un médecin. Elle permettra au juge de vérifier si le médecin est intervenu en « état de nécessité », ce qui lui vaudra alors excuse absolutoire.
Il convient de rappeler en effet que la loi elle-même exonère parfois un acte a priori illicite, normalement constitutif d’une infraction lorsqu’il s’appuie sur un fait justificatif reconnu par la loi pénale. Cette proposition, chacun le comprend, a d’abord une vertu pédagogique plus que normative. Elle n’exonère pas le médecin de responsabilité individuelle. Mais a pour objet de lui permettre de l’exercer dans un cadre plus sécurisé, pour lui comme pour le patient. Elle ne constitue qu’une étape sur le chemin qui devrait nous conduire à reconnaître à chaque malade la liberté de choisir les conditions de sa mort. À cet égard, cette proposition vise à dépassionner un débat qu’il ne sera pas possible de régler à coup de grands principes.
Veuillez trouver ci dessous un lien vers un article d'Eric Favereau, paru sur son blog de Libération.fr
A mon avis,la loi devrait être basée sur quelques axes fondementaux:
*l'enregistrement des Directives Anticipées dans la Carte Vitale
*le choix pour chaque citoyen en fin de vie entre la mort palliative et la mort par injection létale
*l'aide au suicide assisté pour les personnes adultes ayant une incapacité physique d'au moins 80% et qui en font la demande réitérée avec raisons valables et justifiées
Rédigé par : Unpatientimpatient | 28 mars 2013 à 16:03
Bonjour,pourriez-vous accélérer le processus de la nouvelle loi qui devrait voir le jour à propos de l'euthanasie,de la mort dans la dignité,et du suicide assisté?Je découvre vos écrits sur ces sujets seulement maintenant.Bien à vous.
Rédigé par : Unpatientimpatient | 28 mars 2013 à 15:45
OUI à l'aide au suicide, mais NON à l'euthanasie !
Au sujet de la différence entre l'euthanasie et l'aide au suicide, il faut distinguer entre les arguments juridiques, éthiques et religieux. On ne peut pas simplement affirmer sans nuance qu'il n'existe pas de différence entre les deux : dans un cas c'est le patient lui-même qui s'enlève la vie (aide au suicide) alors que dans l'autre c'est le médecin qui la retire. Il faut d'abord préciser sur quel terrain (juridique, éthique ou religieux) on tire notre argumentation. Si l'on se situe sur le terrain de l'éthique, on peut raisonnablement soutenir qu'il n'existe pas de différence. Cependant, si l'on se situe sur le terrain juridique, il existe toute une différence entre l'euthanasie (qualifié de meurtre au premier degré dont la peine minimale est l'emprisonnement à perpétuité) et l'aide au suicide (qui ne constitue pas un meurtre, ni un homicide et dont la peine maximale est, au Canada, de 14 ans d'emprisonnement). Dans le cas de l'aide au suicide, la cause de la mort est le suicide du patient et l'aide au suicide constitue d'une certaine manière une forme de complicité. Mais comme la tentative de suicide a été décriminalisée au Canada en 1972 (et en 1810 en France), cette complicité ne fait aucun sens, car il ne peut exister qu'une complicité que s'il existe une infraction principale. Or le suicide (ou tentative de suicide) n'est plus une infraction depuis 1972. Donc il ne peut logiquement y avoir de complicité au suicide. Cette infraction de l'aide au suicide est donc un non-sens. Les juges L'Heureux-Dubé et McLachlin (dissidentes dans l'arrêt Rodriguez), de la Cour suprême du Canada, affirment dans l'arrêt Rodriguez (1993) :
« En résumé, la loi établit une distinction entre le suicide et le suicide assisté. Le second est criminel, le premier ne l'est pas. Cette distinction a pour effet d'empêcher des gens comme Sue Rodriguez d'exercer sur leur personne l'autonomie dont jouissent les autres. «[S]ur le seul plan de la logique», pour reprendre les commentaires de la Commission de réforme du droit du Canada, la distinction "est extrêmement difficile [à justifier]»: Document de travail 28, Euthanasie, aide au suicide et interruption de traitement (1982), à la p. 60. Bref, elle est arbitraire ».
En revanche, l'euthanasie volontaire est présentement considérée comme un meurtre au premier degré. Le médecin tue son patient (à sa demande) par compassion afin de soulager ses douleurs et souffrances. Il y a ici une transgression à l'un des principes éthiques et juridiques des plus fondamentaux à savoir l'interdiction de tuer ou de porter atteinte à la vie d'autrui. Nos sociétés démocratiques reposent sur le principe que nul ne peut retirer la vie à autrui. Le contrat social « a pour fin la conservation des contractants » et la protection de la vie a toujours fondé le tissu social. On a d'ailleurs aboli la peine de mort en 1976 (et en 1981 en France) ! Si l'euthanasie volontaire (à la demande du patient souffrant) peut, dans certaines circonstances, se justifier éthiquement, on ne peut, par raccourcit de l'esprit, conclure que l'euthanasie doit être légalisée ou décriminalisée. La légalisation ou la décriminalisation d'un acte exige la prise en compte des conséquences sociales que cette légalisation ou cette décriminalisation peut engendrer. Les indéniables risques d'abus (surtout pour les personnes faibles et vulnérables qui ne sont pas en mesure d'exprimer leur volonté) et les risques d'érosion de l'ethos social par la reconnaissance de cette pratique sont des facteurs qui doivent être pris en compte. Les risques de pente glissante de l'euthanasie volontaire (à la demande du patient apte) à l'euthanasie non volontaire (sans le consentement du patient inapte) ou involontaire (sans égard ou à l'encontre du consentement du patient apte) sont bien réels comme le confirme la Commission de réforme du droit au Canada qui affirme :
« Il existe, tout d'abord, un danger réel que la procédure mise au point pour permettre de tuer ceux qui se sentent un fardeau pour eux-mêmes, ne soit détournée progressivement de son but premier, et ne serve aussi éventuellement à éliminer ceux qui sont un fardeau pour les autres ou pour la société. C'est là l'argument dit du doigt dans l'engrenage qui, pour être connu, n'en est pas moins réel. Il existe aussi le danger que, dans bien des cas, le consentement à l'euthanasie ne soit pas vraiment un acte parfaitement libre et volontaire »
Eric Folot
Rédigé par : Eric Folot | 18 juillet 2010 à 19:31
"Notre seul objectif doit demeurer me semble-t-il de rechercher les solutions, toutes les solutions, permettant d'apaiser le malade dans les conditions que lui-même et seulement lui-même jugera dignes..."
Deux remarques sur ce point.
1) L'euthanasie ne saurait être un moyen d'apaiser les souffrances d'un malade. On ne supprime pas en effet les souffrances d'une personne en supprimant la personne elle-même, ou en l'aidant à se supprimer, pas plus, par exemple, qu'on ne supprime une tâche sur un vêtement en détruisant celui-ci. Il s'agit là d'une impossibilité non pas morale mais purement logique.
2) Dans la mesure où le malade demande l'aide d'un médecin, et donc de la société puisque l'activité de soins est une activité socialement organisée et encadrée, il ne peut plus lui appartenir de déterminer seul à quelles conditions sa dignité est ou non préservée. De la même façon, dès lors qu'ils font appel à l'institution scolaire pour instruire leurs enfants, les parents ne peuvent pas décider seuls de ce que ceux-ci étudieront à l'école.
Rédigé par : chatel | 23 novembre 2009 à 13:04
Le calendrier du PS n'est pas bon, si j'ai bien compris il y aura les primaires et le congré en 2011, c'est absurde, ça fera deux campagnes la même année, avec les déchirements qu'on connait, le plus simple les primaires serviront de congré c'est à dire les candidats présentent leurs projets(motions) celui ou celle qui arrive en tête, scrutin à la majorité relative, remporte la majorité au conseil nationaal, 2 ème tour, celui qui l'emporte devient le candidat et le 1 er secrétaire.
Il faut que tous les candidats s'engagent à signer une charte qui fait en sorte qu'un candidat ne s'attaque pas à la personne d'une autre mais critique seulement son projet, celui qui ne respecte ces règle est éliminé
source DA
Rédigé par : passer le message à Ségolène | 20 novembre 2009 à 10:19
C EST UN DISCOURS MODESTE ET TRES HUMAIN JE PENSE QU IL EST BON D EN PARLER DE LA SORTE D AVANCER PAS A PAS HUMBLEMENT
Rédigé par : girard | 19 novembre 2009 à 21:06