Madame la ministre des affaires étrangères dénonce « les polémiques stériles, inutiles » : c'est toujours ce que l'on dit quand le Parlement pose des questions embarrassantes pour le gouvernement. On me pardonnera peut être de continuer sur le même registre.
On sait que Michèle Alliot-Marie a, le mardi 12 janvier, évoqué par deux fois sa « proposition » d'apporter au gouvernement tunisien le « savoir faire » de notre pays dans le domaine du maintien de l'ordre. On sait aussi maintenant qu'un transfert de matériel de maintien de l'ordre devait être envoyé le vendredi 14 janvier, jour de la fuite du Président Ben Ali.
On sait également qu'à cette fin une demande d'autorisation à exporter des poudres et explosifs (AEPE), a été déposée par l'entreprise Sofexi, filiale du groupe Marck. Un formulaire Cerfa n°13375*01, a été envoyé au ministère de l'Intérieur, au ministère de la Défense, à la direction générale des douanes et droits indirects et à la direction générale des entreprises, qui dépendent du ministère de l'Économie, des Finances et de l'industrie.
Un avion ayant finalement été affrété dans le courant de la semaine du 10 au 14 janvier, on peut supposer que ces différents ministères ont donné un avis favorable. On peut supposer également que cette demande d'envoi de matériel a été formulée pendant les événements, puisque, contrairement à ce qui a été indiqué par le ministre du Budget, le matériel ne comportait aucun gilet pare-balles, ce qui aurait demandé automatiquement une autorisation à exporter du matériel de guerre (AEMG), bien plus longue à obtenir. Dans la précipitation des événements, le régime de Ben Ali aurait ainsi choisi cette option pour être livré rapidement.
Ce que l'on ne sait pas en revanche, c'est quand cette demande d'autorisation a été faite et quand elle a été finalement autorisée. L'on sait seulement qu'elle a été finalement, et au dernier moment, empêchée. Sur son blog, le journaliste de Marianne Jean-Dominique Merchet, affirme que « le patron du groupe a reçu un appel d'une haute autorité de l'Elysée, lui signifiant que cette livraison était hors de question ». La réalité semble différente, d'après les informations du site Rue 89 recueillies auprès de la société Hesnault, chargée du transport du matériel, : « le vendredi matin, le bureau de douane a signé les documents autorisant l'exportation des marchandises. Cependant, le matériel étant considéré comme sensible, les douaniers ont donc décidé d'une « visite intégrale » du matériel, c'est-à-dire d'une vérification pièce par pièce ». Le transporteur a pris soin de rappeler que ces visites sont ordinaires et régulières, étant donné que le « système informatique des douanes déclenche systématiquement ce type de visite pour le matériel autorisé ». La société Marck indique d'ailleurs sur ce point qu'elle a été prévenue par le transitaire.
Le matériel étant déjà sorti du magasin sous douane vers l'emballeur, la société SFE, avant l'inspection, les douaniers ont donc exigé le retour de la marchandise pour qu'elle puisse être inspectée lundi matin. Ce qui explique le blocage du matériel à Roissy. Actuellement, les colis sont toujours à la Sogafro, la plateforme de fret. « Le transporteur Hesnault, rappelle Rue 89, attend les instructions de Sofexi concernant l'envoi du matériel et ne lie « pas du tout » le blocage du matériel aux événements tunisiens ».
L'AFP semble confirmer cette version des faits qui écrit, « lors des opérations de contrôle, les douaniers se sont rendus compte que des palettes manquaient par rapport aux documents présentés. Ces opérations ont alors été interrompues, a précisé la direction des douanes, pour reprendre le lundi. Des "anomalies" ont été alors relevées lundi, comme "l'incapacité" de la société à présenter l'ensemble des marchandises, conduisant les douanes à stopper les contrôles et à prévenir les autorités gouvernementales ». C'est alors seulement que le ministère des Affaires étrangères aurait demandé de suspendre les opérations de contrôle.
Peccadilles ? Peut être ! Polémiques stériles ? Certainement pas !
Au regard des dégâts qu'a causé la « sortie » de Madame Alliot-Marie, ne serait-il pas utile de savoir à quel moment l'autorisation d'exporter ce matériel a été donnée par les ministères concernés ?
En clair, la « proposition » de Mme Alliot-Marie, avait-elle déjà reçu un début d'exécution ou bien s'inscrivait-elle dans une mécanique d'échange de « savoir faire » plus régulier ? Et dans ce cas, d'autres matériels ont-ils été exportés à la Tunise de Ben Ali et si oui, quand ? Obtenir des réponses à ces questions permettrait de clarifier ce qu'a été réellement, ce que l'on hésite à appeler la « stratégie » du gouvernement dans cette affaire ! Madame Alliot-Marie devrait même nous remercier de poser ces questions puisque si les réponses s'avéraient positives, cela reviendrait à dire que ce ne serait plus sa seule responsabilité qui serait engagée mais celle de tout le gouvernement. Vous avez dit : « polémique stérile ? ».
Gaëtan Gorce
Ce n'est pas une polémique stérile .Le comportement des responsables qui sont au gouvernement montre que si l'on gratte le vernis on ne trouve pas toujours des démocrates qui malgré leurs belles paroles ne trompent personne .Soyons sans illusion la mentalité des Thiers , des Stolypine existe toujours même en France , beaucoup ne sont prêts à n' accepter que" l'opposition de sa Majesté"
C'est bien d'avoir posé ces questions , toutes sont utiles .
Espérons que l'évolution sera positive pour les Tunisiens et que la démocratie malgré ses imperfections pourra s'installer durablement et devenir un phare pour les pays voisins.
girard
Rédigé par : girard | 25 janvier 2011 à 22:29