"Et quoi que vous en pensiez,
n'oubliez pas le festival de Blues de La Charité les 22-24 août prochains"...
Si notre système politique nous apparaît aujourd'hui difforme, nul doute que nos vieux partis y soient pour quelque chose qui, non seulement refusent de se réformer, mais s'obstinent à vouloir faire tenir un hexagone dans un carré.
En d'autres termes, si l'échiquier politique s'est figé, c'est à l'évidence parce que les pièces ne sont pas à leur place.
Et d'abord à droite ! Nul, de ce côté-là, ne veut voir que l'analyse topographique livrée par René Rémond voici plus d'un demi-siècle est désormais obsolète. Au triptyque décrit alors a succédé un face à face d'autant plus cocasse que trois partis s'y disputent les deux premiers rôles.
Aux légitimistes, orléanistes et bonapartistes ont succédé deux grands courants mélangeant les traditions historiques mais dessinant au final deux tendances bien marquées : l'une européenne et libérale, ouverte sur le double mouvement que constituent aux deux bouts de la chaîne la mondialisation, pour ce qui est de l'économie, l'individualisation, pour ce qui relève du social. Cette droite là se veut de son temps et éprouve plus le besoin de s'adapter que de changer ; l'autre nationaliste et sociale, identitaire même, recyclant au service d'une pensée conservatrice une partie des vieux idéaux de la République : l'importance de l'Etat associée à un appel à l'ordre et à la solidarité, la laïcité mobilisée contre l'émergence de l'Islam et voisinant du coup avec la nostalgie des racines catholiques de notre vieille nation...
Cette polarisation n'a certes été rendue possible que par l'effondrement du gaullisme qui sut, quelques décennies durant, synthétiser ces différentes cultures. Mais sa méthodique éradication, à laquelle se consacrèrent dès le début des années 70, des héritiers bien infidèles, a réouvert la boîte de Pandore faisant ressurgir les vieux démons agitant une droite plus désorientée que réellement décomplexée.
Son problème est qu'en effet trois partis se partagent ces deux droites dont la ligne de démarcation passe précisément à l'intérieur de l'UMP (dont l'avenir parait du coup d'autant plus incertain). Soit émergera en son sein une personnalité fédératrice capable de surmonter des contradictions aujourd'hui insolubles (Juppé ?), soit son courant libéral rejoindra l'UDI tandis que son versant "identitaire" finira, sous une forme ou sous une autre, par s'accoupler avec le FN.
Pour autant, si le problème semble pour l'heure moins prégnant à gauche, il n'en est pas moins aigu.
À l'instar de l'UMP, le PS est en effet (pour combien de temps encore ?) à la convergence de deux sensibilités que l'effondrement de la culture révolutionnaire devrait conduire à renforcer. Comment ne pas voir désormais ressurgir deux gauches si proches de celles que l'on pouvait identifier avant que le feu de 1917 ne les consume ?
D'une part, des Républicains, hommes d'ordre et de progrès, attachés à la Nation, et donc rétifs à l'intégration européenne, amoureux de l'Etat, et donc perplexes face à la mondialisation comme à l'égard d'une trop large décentralisation : Chevènement hier, Valls aujourd'hui, en constituent l'archétype ; de l'autre les héritiers du socialisme de Jaurès tournés vers la coopération, européenne à l'extérieur, sociale à l'intérieur, ouverts aux réformes sociétales, solidaires avec les populations issues de l'immigration, dont Rocard hier semblait le parangon mais auquel on reconnaît aujourd'hui peu d'héritiers tant ceux-ci s'efforcent de brouiller les cartes en ne revendiquant pas ouvertement leur culture politique !
C'est pourtant sur cette base que les reclassements devraient s'opérer pour faire revivre ce quadrille bipolaire si cher à Duverger. "L'agit-prop" sans issue qui caractérise Mélenchon témoigne de cette incontournable réalité, lui qui s'efforce en vain d'associer ces deux traditions dans un discours pseudo-révolutionnaire qui ressemble plus aux harangues des hommes de 48, déjà immobilisés par la même imposture, qu'aux sentences sans appel des Hommes de la Première République…
Tant que pareille réorganisation restera en suspens, la confusion règnera au sein d'un système politique où les étiquettes resteront contredites par la réalité des actes et des discours. Combien de temps encore les Républicains de Gauche se voudront ils européens autrement que de raison ?
Et les nationalistes de droite, sociaux, sans renier la mondialisation ? Mystère des hommes et des appareils.
Mais plus tôt s'opéreront ces ajustements, plus vite le débat politique reprendra des couleurs...
Votre analyse M. Gorce est toujours aussi riche que vos propositions, et l'exigence intellectuelle dont vous faites preuve vous honore. Hélas, en lisant votre billet, on ne peut que s'affliger de l'horizon politique qui s'est si étroitement réduit, tant en termes temporels (2017 c'est demain!) qu'en termes de champs, puisque chacun cherche la bonne posture, celle qui lui donnera le plus d'espace sans le compromettre (JF Copé est un modèle du genre, petit chiraquien, devenu grand libéral et... ce qu'il est aujourd'hui sans qu'on ne sache plus vraiment le définir). Je conviens avec vous que les responsables politiques naviguent à vue, c'est aussi pour cela que les citoyens sont désorientés. Nous ne sommes peut-être pas en 1958 comme le pensent certains, mais il règne comme un parfum de IVe République.
Rédigé par : Damien | 27 juin 2013 à 22:52