La politique menée par le gouvernement est à la fois inévitable et intenable.
Inévitable, puisque nous ne pouvons cultiver les déficits de tous ordres sans encourir de sanction : voilà de trop longues années que ni le budget de l'Etat ni celui de la protection sociale ne sont financés, limitant nos capacités d'action et d'innovation.
Intenable, cependant, parce qu'en ajoutant la rigueur à la crise, nous asphyxions à notre tour la croissance et faisons monter la colère sociale entretenue par le chômage et le sentiment des inégalités.
Il nous faut à tout prix sortir de cette contradiction et choisir, pour ce faire, entre l'une des deux voies qui s'offrent â nous.
Se placer, tout d'abord, résolument dans la perspective d'un retour à l'équilibre pour 2017, ne sera supportable pour l'économie et la société française qu'à 4 conditions :
- la première, je le dis et l'écris depuis plus d'un an, consistera à reconnaître la gravité de la crise pour pouvoir appeler chacun à la mobilisation.
- la deuxième passera par une réforme de l'Etat, pas dans l'esprit de la RGPP, mais en associant au contraire fonction publique et élus dans la redéfinition des tâches et des méthodes de l'administration à tous les étages: centraux, déconcentrés mais aussi décentralisés (la réforme territoriale pourrait en fournir le support si elle ne se contentait pas de conserver ce qui est).
- le troisième temps nécessiterait de faire du retour à l'équilibre de notre protection sociale l'occasion d'une réforme en profondeur : nous ne dépensons pas trop, nous dépensons mal. Le rendement de notre politique sociale ne cesse de diminuer, ce qui revient à dire que le système coûte de plus en plus cher alors que la qualité du service rendu (ou le niveau des prestations) décroît. C'est là qu'il faut trouver la source des économies à venir (en bousculant les lobbys de tout poil) et non sur le dos des cotisants ou des usagers.
- enfin, nous devrons faire le plus tôt possible le choix d'un nouveau plan d'investissements tourné vers la recherche, l'innovation, les infrastructures indispensables pour compenser par des dépenses d'avenir la baisse des dépenses courantes de fonctionnement. L'enjeu de cette démarche sera tout aussi bien de convaincre, par la force de l'exemple, nos partenaires européens de s'engager sur la même voie tant il est vrai que l'efficacité d'un tel effort ne peut venir que de sa démultiplication à l'échelle de l'Union.
La seconde option est plus délicate mais pourrait sembler dictée par le bon sens.
Elle supposerait de prolonger l'effort jusqu'à la fin de cette année mais de remplacer ensuite l'objectif 2017 de retour à l'équilibre comptable par celui de retour à l'équilibre structurel, c'est à dire corrigé des effets de la conjoncture. Cet objectif pourra être atteint au vu des mesures qui viennent d'être annoncées sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter en 2015 ou 2016. Cette option serait à la fois économiquement la plus raisonnable mais aussi la plus aventureuse dans la mesure où rien ne nous garantit qu'elle ne déboucherait pas sur une hausse des taux d'intérêt. Que nous ne pourrions prévenir qu'à la condition de mener les réformes structurelles évoquées plus haut !
Peut-être conviendrait-il dès lors de commencer par l'une et de finir par l'autre si le plan de relance coordonné de l'investissement que nous devrions négocier avec l'Allemagne une fois les élections d'outre-Rhin passée, ne devait pas voir le jour !
A défaut d'opérer ces choix, qui permettraient d'enclencher une contre-offensive politique, notre avenir restera suspendu à la perspective d'une éventuelle éclaircie économique. Mais, si celle-ci nous permettrait peut-être de redresser la tête pour un temps, elle serait loin de régler les problèmes de fond qui nous minent et qui empêchent la France d'influer vraiment sur l'avenir de l'Union.
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