L'avenir a une drôle d'histoire. Depuis son invention, ne l'a-t-on pas d'abord confondu avec « l'espérance » et une promesse de résurrection ? Puis avec le progrès de la raison et les miracles de la science ?
Revenue des deux, notre société ne croit plus en son avenir, oublieuse que c'est en faisant un détour par le passé qu'elle pourra le retrouver.
L'histoire est en effet ce qui nous apprend que pour les civilisations aussi « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ! ». C'est en se rappelant ce qui les a modelées, façonnées, sculptées même, que les Nations pourront retrouver foi en leur avenir et du coup capacité à le construire.
Si rien n'est écrit, rien ne va non plus de soi et celui qui garde un cap a plus de chance d'infléchir la trajectoire qu'un autre qui se borne à prendre le vent.
Tel est bien, en ce lendemain de 14 juillet, l'enjeu auquel doivent se confronter et notre République et celles et ceux qui la dirigent.
Comment ne pas se réjouir d'entendre hier le Président parler de la « patrie », qui reste la seule communauté de volonté dont nous disposons ? Non pour évoquer une incertaine identité, ni pour justifier une quelconque agressivité extérieure, mais pour mobiliser toutes celles et tous ceux qui, réunis sur notre sol, veulent partager, comme tant de générations avant eux, le même destin.
Le patriotisme est l'antidote au renoncement et la meilleure pédagogie de l'action. C'est parce que nous sommes la pointe d'une longue histoire que nous avons à la fois le pouvoir et le devoir d'agir. L'exemple de ceux qui nous ont précédé nous invite et nous oblige. Il nous dit aussi que vouloir reste possible.
Si une partie de la droite prétend défendre la France pour ce qu'elle est, et une partie de la gauche pour ce qu'elle a, c'est pour ce qu'elle peut et ce qu'elle doit que nous devons agir. Nous ne pouvons nous résigner à subir sans trahir celles et ceux qui, à chaque moment, durent (et surent) trouver les moyens de préserver notre souveraineté, c'est-à-dire le droit de décider par et pour nous-mêmes ! Enfants d'un long passé, nous portons un héritage qu'il est une seule façon d'honorer : non en se retournant sur lui pour le vénérer, mais en se tournant vers l'avenir pour l'enrichir encore.
Ainsi n'est-ce pas pour complaire à je ne sais quelle loi des marchés, que nous voulons et devons redresser nos comptes mais pour retrouver les marges de manœuvre sans lesquelles nous ne serons plus une grande nation . Et pourquoi voulons-nous le rester ? Parce que nous sommes les dépositaires d'une vision du monde, forgée depuis la Révolution, dont la pertinence, d'une certaine conception des droits humains à celle de la paix, reste entière. Le paradoxe de l'universel, c'est qu'il a besoin pour prospérer d'être enraciné.
La Nation doit donc redevenir à gauche une idée neuve. Ce qui interdit d'en faire un refuge. Aussi devrions-nous aller de l'avant en Europe et préciser nos conditions pour une intégration approfondie : oui à un budget fédéral s'il relève d'instances démocratiques et s'accompagne d'une remise en question des politiques de concurrence. A défaut, il nous faudra explorer d'autres voies… ! Non à l'accord de libre-échange avec les États-Unis surtout s'il doit nous conduire à diluer un peu plus ce qu'il nous reste d'identité européenne !
C'est au contraire vers le sud qu'il nous faut regarder : le paradoxe serait que nous nous désengagions de l'Afrique au moment même où elle amorce enfin son développement. N'est-ce pas l'occasion de s'appuyer pour le coup sur une histoire commune et d'inventer l'avenir sous la forme d'une nouvelle politique de coopération, respectueuse des peuples et de leur savoir-faire comme de leur environnement? Plutôt que de laisser le champ libre aux États-Unis et à la Chine ? Et ne faut-il pas reprendre en urgence le dossier de la Méditerranée où se joue autant culturellement qu'économiquement notre avenir ?
La France a su, au carrefour de la décolonisation et de la guerre froide, tracer son chemin. Ce fut l'apport de de Gaulle (qui ne se fit d'ailleurs pas contre l'Europe).
La donne, certes, a changé mais les enjeux restent les mêmes : garder à notre Nation son statut d'acteur majeur des affaires du monde ! Non par une volonté d'hégémonie dont nous n'avons plus la capacité depuis 1918 mais tout simplement pour exister, c'est-à-dire faire vivre une ambition qui va au-delà d'une vision égoïste de nos intérêts d'Etat. Y parvenir supposera des choix ! Mais convaincre qu'il s'agit là de notre simple devoir aidera à les faire : la France, notre patrie, n'a certes plus les moyens de tout faire. Mais elle peut se donner ceux d'accomplir l'essentiel et c'est bien là ce qui importe. Jamais plus qu'en ce lendemain de 14 juillet, face au scepticisme généralisé, la question n'aura mérité d'être soulevé. A nous élus, citoyens, de jouer…
Vous les hommes politiques êtes assez singulier, sachez que le patriotisme ne se décrète pas , pendant des années vous nous avez rebattu les oreilles avec toutes sortes de sujets, avec l'Europe en particulier, bref de tout sauf de la France.
Vos sujets de préoccupation furent divers mais rarement français.
D'abord sachez que les temps ont changé, nous ne sommes plus en 1914, avec le bourrage de crâne que firent sur ordre les hussards noirs de la République pour demander ce qui ne se fît même pas au Moyen Age faire combattre des ouvriers agricoles ou de pauvres ouvriers d'industrie pour défendre l'ordre bourgeois(les serfs du Moyen Age n'allaient pas au combat)
Alors pour moi qui aime profondément mon pays je me méfie toujours en certaines occasions de l'appel au Patriotisme,je n'ai rien de commun avec un Tapie ou un Cahuzac et je vous exhorte vous les politiques à ne pas dire "en avant " mais suivez moi!
girard
Rédigé par : girard | 01 août 2013 à 20:34
Le patriotisme est un sujet complexe. Je trouve illusoire d'essayer d'en donner une définition universelle, à moins d'en rester à des généralités, des banalités. Chacun en a une définition qui dépend de sa propre histoire. Je me suis efforcé d'écrire la mienne pour mes petits enfants, à partir de ce que je sais de l'histoire de mes ancêtres, et en l'affinant en se rapprochant de notre époque, celle de mes parents et de moi-même. C'est malheureusement un long texte qui ne peut pas figurer dans un blog comme celui-ci. J'aimerais pourtant le faire connaître à Gaëtan Gorce pour lequel j'ai beaucoup d'estime.
Rédigé par : Bothorel Pierre | 25 juillet 2013 à 17:19
"Comment ne pas se réjouir d'entendre hier le Président parler de la « patrie », qui reste la seule communauté de volonté dont nous disposons ?" (...) "Nous ne pouvons nous résigner à subir sans trahir celles et ceux qui, à chaque moment, durent (et surent) trouver les moyens de préserver notre souveraineté, c'est-à-dire le droit de décider par et pour nous-mêmes !"
Entièrement d'accord. Mais cette prémisses s'accordent mal avec la conclusion qui en est tirée : "Aussi devrions-nous aller de l'avant en Europe et préciser nos conditions pour une intégration approfondie".
Il faut tout au contraire, me semble-t-il, abandonner le rêve d'une "intégration approfondie", dès lors que ce dernier implique de renoncer, non pas tant, du reste, à ce que nous sommes, mais à ce que nous souhaitons être. La suite du billet semble d'ailleurs l'admettre implicitement ( "A défaut, il nous faudra explorer d'autres voies… !").
D'une façon plus générale, la gauche aurait tout intérêt selon moi à rompre avec certains automatismes de pensée consistant à valoriser systématiquement l'échelon européen (ou l'échelon local) au détriment de l'échelon national. Ce billet n'échappe d'ailleurs pas tout à fait à ce défaut. En effet, après avoir affirmé à juste titre que le patriotisme ne postule pas une quelconque "identité nationale", Gaëtan Gorce précise que s'il faut refuser l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis c'est surtout parce qu'il risque de "nous conduire à diluer un peu plus ce qu'il nous reste d'identité européenne !". Autrement dit, le concept d'identité nationale doit être récusé -ce que je crois aussi- mais le concept d'identité européenne ne pose quant à lui aucun problème.
Rédigé par : chatel | 25 juillet 2013 à 07:42
Cher Gaëtan,
Quel talent ! si seulement ta parole pouvait être portée haut et fort dans les médias.
En attendant ça fait du bien.
Au plaisir.
Guy
Rédigé par : Guy Paris | 24 juillet 2013 à 22:51