A peine avons-nous vu voici une quinzaine l'Elysée inviter Jaurès à sortir de la scène, que Matignon suggérait à Clemenceau cette semaine d'y faire son retour.
C'est bien en effet du Tigre que veut s'inspirer Manuel Valls qui a réussi aussi bien que possible son double examen de passage.
Non seulement il a su accompagner le vote de confiance d'un discours assez fort de nature à asseoir sa crédibilité, mais qui plus est, il est sorti vainqueur du bras de fer qu'a cherché à lui imposer une partie de sa majorité. Et il l'a fait de la plus satisfaisante des façons : en plaçant chacun devant ses responsabilités ! ...Oui, l'enjeu est bien celui du redressement du pays ! Oui, chacun doit agir en conscience de cette situation qui appelle vérité et courage ! Sur tout cela, rien à redire...
Reste le point faible de la démonstration : l'absence d'initiative européenne sans laquelle le processus enclenché risque d'être contre-productif, mais j'y reviendrai...
C'est plutôt sur le profil politique du nouveau Premier ministre que je voudrais d'abord insister tant les deux questions au fond me semblent logiquement liées.
Valls, en effet, se définit plus comme un homme de gauche que comme un socialiste !
De là vient le malentendu et les faux -procès qui lui sont sans cesse intentés !
Ce qui revient à dire, si l'on veut bien remonter à ces moments fondateurs de notre vie politique que furent les années qui allèrent de l'affaire Dreyffus à la création de la SFIO, qu'il se rattache plus au courant républicain radical incarné par l'ancien maire de Montmartre qu'au mouvement ouvrier. Or, si les Radicaux partagent alors avec les socialistes la volonté d'approfondir la démocratie et de rechercher la justice en matière sociale, ils le font au nom d'une certaine idée de la République et non d'un projet visant à transformer la société. Leur horizon n'est pas la Révolution (la seule qu'ils rêvèrent est derrière eux…) et s'ils sont attachés à la réforme, c'est moins pour changer le monde que pour le rapprocher des réalités, celles que façonnent l'industrie, la connaissance, la science, en un mot le progrès auquel ils s'identifient. C'est du coup plus dans l'éducation qu'ils voient le moyen d'améliorer la condition humaine que dans la propriété collective...
Leur vision est au total celle d'un Etat garant de l'intérêt général et dont l'autorité, des lors qu'elle procède du suffrage universel, ne saurait être contestée. C'est d'ailleurs sur ce sujet que dans leur fameuse joute parlementaire, Clemenceau met en difficulté Jaurès : le second reprochant au premier d'avoir réprimé la révolte des mineurs de Fourmies est interpellé sans ménagement par le ministre de l'Intérieur : "A ma place, M. Jaurès, lui dit en substance "le premier flic de France", auriez vous laissé molester des individus, brûler des boutiques, se répandre le désordre ?" sans obtenir de véritable réponse.
Le tout s'inscrit dans une vision simple de ce qu'est le devoir d'un citoyen et plus encore d'un élu : le patriotisme, l'attachement à la nation soudée par le vote populaire. Ce patriotisme n'est pas démenti par l'internationalisme du socialisme jauressien mais tempéré chez le député de Carmaux par le sentiment d'une solidarité des peuples qui commande un inéluctable rapprochement auquel n'adhèrera jamais le scepticisme de Clemenceau.
Jamais celui-ci au fond n'acceptera de s'écarter du réel au nom de l'idéal... mais jamais Jaurès, lui, n'acceptera de choisir entre l'un et l'autre !
C'est à l'évidence de cette gauche des premiers radicaux, que se réclame aujourd'hui Manuel Valls : libérale mais sociale, soucieuse de la cohésion nationale et du coup attachée au credo républicain de l'unité par la recherche de l'intérêt général, la laïcité, l'autorité publique ! Et c'est bien cette gauche là qu'il cherche à incarner, plutôt avec bonheur, mais non sans risque, depuis un mois.
Si elle doit aller à son terme, cette vision devra en effet le conduire à se montrer en matière européenne partisan d'une Europe des Nations, écartant après l'utopie sociale, l'utopie fédéraliste, et plaidant donc pour un renforcement de la coopération intergouvernementale, d'abord à l'échelle de la zone euro. On n'imagine guère Clemenceau à Bruxelles mégotant sur les droits de la France...
Mais là se trouve sans doute le principal risque de conflit....entre l'Elysée et Matignon. Si Hollande n'est sans doute pas Jaurès, il ne s'inscrit pas non plus dans la filiation du "Père la victoire"... Prudence et pragmatisme étant ses armes favorites, chacun a compris qu'il n'avait nulle envie de rouvrir le dossier européen.
Or, la stratégie de redressement républicain voulu par le Premier ministre ne peut réussir que si elle s'accompagne d'une relance de l'activité à l'échelle européenne à laquelle l'Allemagne ne pourra consentir qu'en échange d'une consolidation de la zone euro (cf mes précédents blogs) à laquelle Hollande n'est pas prêt.
Du coup, l'on peut présumer que le discours du Premier ministre, qui est celui, dans le champ national, de la clarification, ne pourra longtemps cohabiter avec celui de la prudence et de l'ambiguïté qu'entretient l'Elysée sur l'Europe.
Dire la vérité, comme le préconisait Mendes France auquel Valls se réfère à juste titre, c'est la dire tout entière ! Mais si elle est bonne à entendre pour le pays, le sera-t-elle rue du Faubourg St Honoré ? Rien, malheureusement, n'est moins sur ! Aussi, plutôt que d'épiloguer sur le Pacte de responsabilité, sans issue politique possible, est-ce sur ce sujet que devraient se concentrer les "41 Frondeurs" de l'Assemblée : s'il est clair désormais que le Pouvoir ne changera pas de politique économique, peut-être est-il encore possible de lui faire reconsidérer l'enjeu européen ?
Bientôt 50 ans cette pub d'ESSO" mettez un tigre dans votre moteur" Valls en Clemenceau voire! l'avenir le dira , mais de Jaurès à Clemenceau nous restons dans la cour des grands, le tigre est un personnage multiple , le même et pourtant si différent du maire de Montmartre à l'affaire Dreyfus en passant par la crise viticole de 1907 et la vacherie qu'il fit au pauvre Marcellin Albert, des très durs répressions de 1909 immortalisées par l'assiette au beurre , c'est aussi l'homme de la victoire , l'ami de Monet , le cruel pince sans rire qui après avoir révoqué un préfet qui lui dit "monsieur le ministre j'ai une famille il faut bien que je "vive" et qui lui répond :"je n'en vois pas la nécessité "Celui à qui on annonça la mort de Foch:" le Maréchal s'est éteint cette nuit":" ce n'était pourtant pas une lumière".
Un grand homme pour l'histoire mais dur pour le présent comme le fut Richelieu, mieux vaut voir leur portrait dans les livres d'histoire que de vivre sous leur gouvernement.
Il y a un grande différence entre Jaurès et Clemenceau , Jaurès est venu dans le sens droite gauche Clemenceau se disait de gauche étant jeune (pensons à Blanqui) pour finir conservateur .Si l'on a le sens de l'histoire on ne peut pas les opposer ils sont complémentaires.
Si dans 3 ans on peut encore comparer Valls à Clemenceau il aura gagné et toutes les portes lui seront ouverte.
girard
Rédigé par : girard | 06 mai 2014 à 20:22