En ce jour anniversaire du 6 mai comment ne pas revenir sur les trois premières années du quinquennat et chercher à en comprendre la logique ? Un premier constat s'impose : si les choix effectués par le Président de la République peuvent se comprendre, ils n'ont manifestement pas été compris. Parce qu'ont été commises à la base deux erreurs qu'il faut bien qualifier d'originelles.
La première, celle qu'il était possible d'éviter, est une occasion manquée : pourquoi ne pas avoir tenu, dès juin 2012, en dressant l'implacable bilan de nos prédécesseurs, un discours de vérité ? Nous avons été nombreux à l'époque à souhaiter que le nouveau pouvoir prenne l'opinion à témoin de la situation dramatique dans laquelle la droite avait laissé le Pays. Cela aurait sans doute obligé à présenter un plan de redressement rigoureux (et l'on sait que François Hollande n'a jamais aimé "la sueur et les larmes") mais comment ensuite mener une politique de rigueur sans donner le sentiment soit d'avoir sous-estimé la gravité de la réalité soit de l'avoir délibérément masquée ? Le procès en crédibilité désormais instruit en permanence y trouve une inépuisable source d'arguments.
La deuxième erreur au fond n'en est pas une. En tout cas, ce n'est qu'après coup que l'on peut désormais en juger. Elle réside dans le choix qui a été fait de substituer à la lutte qui devait être menée pour obtenir une relance européenne un pacte national construit exclusivement sur la baisse des cotisations sociales. C'est de son échec à convaincre ses partenaires au premier sommet européen auquel il a participé en juin 2012 que le Président a tiré la conclusion qu'il n'avait d'autre issue que d'entrer dans la bataille de la compétitivité.
Ce choix, je l'ai dit, pouvait se comprendre : face à la résistance de nos partenaires, était-il possible de renoncer à la carte nationale ? Le problème est que l'option choisie reposait sur des appréciations erronées.
D'abord de nos marges de manœuvre en Europe : nous nous sommes résignés trop vite, nos ministres considérant à tort que le poids de la France se mesurait à l'état de ses comptes, à conduire à son terme le débat sur la relance européenne. C'était laisser le champ libre au conservatisme allemand en se privant pour longtemps du soutien de l'Italie et de l'Espagne déçus par notre précoce apathie.
Mauvaise appréciation ensuite de l'impact attendu de la baisse des cotisations sociales : non seulement parce que celles-ci ont été étalées dans le temps, ce qui a réduit leur impact ; mais aussi parce que notre problème de compétitivité ne vient pas, sauf pour certaines de nos PME, du coût du travail. Si l'on veut bien considérer son coût unitaire, c'est à dire par unité produite, ce coût est resté stable en France en euros constants depuis 20 ans et a collé à celui des autres pays de la zone euro... à l'exception de l'Allemagne non pas tant d'ailleurs dans l'industrie que dans les services. Notre déficit d'efficacité est du coup d'abord lié à la faiblesse de l'investissement, l'insuffisance de notre stratégie industrielle, notre retard en matière de recherche et de dialogue social, tous problèmes qui se sont plutôt aggravés depuis 3 ans alors qu'ils devraient être au cœur des réformes.
D'où mon/notre insistance à obtenir la réorientation des crédits promis aux prochaines échéances du Pacte de responsabilité vers l'investissement. Pourquoi ne pas mettre en place un crédit d'impôts destiné à financer la transition énergétique qui doit constituer l'axe des politiques d'avenir en conformité avec les perspectives de la Conférence Climat de décembre ?
En politique, une erreur ne se reconnaît jamais, disait François Mitterrand, mais se corrige.
Là est la troisième erreur qui nous menace et qu'il ne faut pas commettre parce qu'elle serait, cette fois, inexcusable parce qu'irrécupérable !
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