Jacques Julliard, qui fut l'un des inspirateurs de la deuxième gauche, le dit lui même. Citant Michel Rocard, qui n'a jamais incarné le gauchisme, ne parle-t-il pas, dans son dernier édito de Marianne, de "capitalisme criminel " pour qualifier le modèle économique qui tourne aujourd'hui à plein régime. Celui-ci n'a de cesse de s'affranchir de toutes les règles et n'a que faire de l'intérêt social et encore moins de l'intérêt collectif. C'est ce que la crise de 2008 a montré au grand jour. Difficile dans ces conditions d'en revenir, comme prétend le faire François Hollande à la social-démocratie. Outre le fait que celle-ci ne signifie rien pour les Français, la social-démocratie reposait sur un compromis avec les forces économiques conclu à l'échelle nationale. Or, le cadre national a, sur le plan économique, explosé et les grandes entreprises mondiales qui dominent les marchés, comme d'ailleurs les start-up qui les titillent, n'ont que faire de compromis sociaux : l'évasion fiscale, la mise en concurrence des territoires et des salariés à l'échelle de la planète entière leur fournissent un espace de jeu suffisamment large pour qu'elles n'aient plus à s'embarrasser des peuples ou des démocraties.
Aussi sommes-nous, à notre corps défendant peut-être, engagé dans une épreuve de forces. Et celle-ci prend une dimension nouvelle quand on songe non plus seulement aux conséquences sociales de ce capitalisme sauvage, mais aussi à ses effets sur l'équilibre de la planète aujourd'hui gravement menacé. De conférences sur le climat en sommets mondiaux, la preuve est faite que nous courrons à la catastrophe sauf à mettre en cause la logique, et non pas seulement les effets, du modèle dominant.
C'est à ce niveau que se pose la question du rôle de la gauche : ceux qui plaident l'adaptation et la modernisation ont plus d'un satellite de retard. L'enjeu est de s'attaquer non au marché mais au système qui a libéré celui-ci de toute entrave ! J'ai déjà dit et écrit cent fois que l'une des défaillances de ce gouvernement est de ne pas suffisamment préparer l'avenir en promouvant la transition énergétique (c'est à dire en ajoutant de vrais moyens aux bonnes paroles) pour favoriser notamment la relance ET la reconversion de nos industries, en portant à l'échelle de l'Union Européenne un projet offensif pointant les responsabilités des désordres actuels et en se faisant le propagandiste de nouvelles formes de coopération internationale.
Comment ainsi ne pas s'indigner de tout ce temps perdu en fausses réformes tirant vers une fausse modernité, comme le travail du dimanche, alors qu'il nous faudrait faire émerger un nouveau modèle privilégiant les économies d'énergie, le dialogue social, l'investissement dans la recherche, d'autres formes d'organisation du travail et de management ? Et surtout en ayant la lucidité de porter sur l'économie actuelle un jugement sans appel plutôt que de continuer à en faire une référence obligée.
Le temps, du coup, est bien venu de réhabiliter le concept de "socialisme", en lui adjoignant certes le préfixe "éco-", pour réaffirmer notre volonté de réorganiser le système économique et social autour de l'intérêt collectif, par la démocratie et dans un souci de justice.
La bataille est du coup aussi intellectuelle ou conceptuelle. Il faut reprendre et imposer dans le débat les mots de la gauche : solidarité, justice, intérêt collectif, service public, peuple...
L'idée socialiste n'a jamais été aussi nécessaire et d'actualité. Il serait d'autant plus curieux, et absurde, que ceux qui en sont les dépositaires renoncent à la revendiquer.
Bon résumé de constats et d'analyses réitérées à de multiples reprises depuis 1983 comme les pièces d'un puzzle que personne ne semble capable de composer. "L'audace ou l'enlisement" était le titre d'un bel ouvrage
Je crains que jamais personne n'ait eu la capacité de proposer à ceux qui se reconnaissaient dans le socialisme une offre suffisamment puissante pour leur faire choisir l'audace.
Si ce n'était aussi désespérant il serait amusant de détailler les similitudes de la période actuelle avec celle de 1997.
On ne peut donc que souscrire à cette pétition de principe
"Le temps, du coup, est bien venu de réhabiliter le concept de "socialisme", en lui adjoignant certes le préfixe "éco-", pour réaffirmer notre volonté de réorganiser le système économique et social autour de l'intérêt collectif, par la démocratie et dans un souci de justice."
Mais la question est de dessiner le chemin et de fédérer les promoteurs
d'une telle volonté politique; sans oublier le cadre politique au sein duquel une telle démarche serait susceptible de prospérer
Salut et fraternité
Daniel Jaeckle
Rédigé par : jaeckle daniel | 24 juin 2015 à 16:49
Belle analyse, oui "l'idée socialiste n'a jamais été aussi nécessaire et d'actualité"mais oû le bat blesse c'est que justement ceux qui sont censés être les dépositaires ont trahi la confiance des "déposants ".
Un pape je crois Jean Paul 2 avait dit que le communisme était intrinsèquement pervers, il avait raison , mais il se gardait bien de dire que le capitalisme était pareil .
C'est très net quand le communisme s'est effondré, le capitalisme à pu reprendre son vrai visage , la place était net , l'avenir radieux , sans opposition idéologique, je ne dis pas que le communisme était une bonne chose je dis qu'il a freiné le retour du capitalisme pur et dur.
Ce qui est affligeant c'est que certains "dépositaires", du socialisme fassent le travail du capital , honte à eux qui entraineront la totalité des socialistes dans les poubelles de l'histoire.
girard
Rédigé par : rene girard | 15 juin 2015 à 19:34
"Il faut reprendre et imposer dans le débat les mots de la gauche : solidarité, justice, intérêt collectif, service public, peuple..."
C'est entendu. Mais il faut aussi préciser dans quel cadre il y a lieu de "réorganiser le système économique et social autour de l'intérêt collectif, par la démocratie et dans un souci de justice."
Personne ne peut croire que ce cadre puisse être l'Europe et que, miraculeusement, tous les pays de l'Union européenne accepteront de rompre avec la logique libérale qui inspire le projet européen pour assurer la promotion de la solidarité, de l'intérêt collectif et du service public...
Personne n'est prêt à attendre que l'Europe se transforme pour que devienne possible ce qu'elle s'est justement employée avec succès à rendre impossible.
Rédigé par : chatel | 15 juin 2015 à 18:41