PROPOSITION DE LOI
Visant à mieux prendre en compte les demandes des malades en fin de vie exprimant une volonté de mourir
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des patients en fin de vie a constitué un véritable progrès, en permettant, dans le prolongement de la loi Kouchner sur le droit des malades, de faire respecter la volonté des malades en fin de vie. Elle n’a cependant pas permis d’apporter une réponse satisfaisante à certaines situations particulièrement critiques qui, tout en rentrant dans le champ de la loi existante, ne relèvent pas des dispositions légales qu’elle prévoit. Il importe donc, en dehors de l’actualité médiatique, de tout parti pris philosophique ou religieux, de trouver, pour de simples raisons d’humanité, des réponses à ces cas souvent les plus douloureux.
Les avancées opérées par la loi du 22 avril 2005 sont indéniables, qui affirme le droit de tout patient à refuser un traitement, y compris si ce refus a pour conséquence d’abréger la vie.
L’article L. 11114 du code de la santé publique dispose ainsi :
« Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. »
Le cinquième alinéa de l’article 1110-5 précise ensuite que :
« Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort. Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans
préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 11112, la personne de confiance visée à l’article L. 11116, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. »
Il en ressort que :
Cette dernière situation est particulièrement choquante lorsque la maladie s’accompagne de douleurs physiques ou psychologiques insupportables.
Pour y répondre, deux options sont envisageables :
Aussi, parce qu’ils sont irréconciliables, ces deux points de vue doivent être dépassés.
C’est tout le sens de cette proposition de loi qui s’inspire, sans les reprendre complètement, des conclusions du Comité consultatif national d’éthique relatives à l’exception d’euthanasie.
Ce dépassement est d’autant plus nécessaire, que l’auteur de la présente proposition est profondément convaincu qu’il n’existe pas UNE réponse au problème éthique de la fin de vie mais autant de réponses que de situations et de personnes directement concernées. L’ambition qui devrait nous guider devrait être par conséquent, de garantir à terme une véritable liberté de choix au malade, en fonction de son état, de l’idée qu’il se fait des conditions de sa fin de vie, des souffrances qu’il endure.
L’évolution observée aux Pays-Bas est ainsi riche d’enseignement. Après avoir reconnu tout d’abord le droit de chacun à obtenir la mort dans des conditions précisément définies, ce qui en clair signifie la légalisation de l’euthanasie, la loi hollandaise a ensuite favorisé le développement des soins palliatifs dans des conditions très proches de la législation française. Cette évolution s’est aussitôt traduite par une diminution (mais non une disparition) des demandes d’euthanasie, pour voir au contraire augmenter les demandes de soins palliatifs et d’interruption de traitement.
La présente proposition de loi marque un pas supplémentaire dans cette direction. Elle vise à permettre à un patient, atteint d’une maladie grave et incurable, victime de souffrances psychologiques ou physiques insupportables, entrant dans le champ de la loi du 22 août 2005 mais ne pouvant bénéficier de ses dispositions parce que ne dépendant pas d’un traitement, de se voir offrir une issue.
Elle s’inscrit dans la perspective d’une évolution progressive de la législation visant à garantir, à terme, la liberté du choix de sa mort à chaque patient.
L’article 1110-5 du code de la santé publique pourrait être complété de la façon suivante : « Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne victime d’une affection grave et incurable, qui exprime le souhait d’une mort médicalement assistée, il peut, avec l’accord du malade, saisir la commission mentionnée à l’article R. ... du présent code, afin d’obtenir un avis éthique, médical et juridique sur la situation à laquelle il est confronté. Cet avis peut être demandé par le malade lui-même. Le rapport de la commission est inscrit dans le dossier médical à toutes fins utiles. »
Quel est le sens de cette proposition ? Elle ne remet pas en cause l’interdit pénal : nul n’est a priori autorisé à provoquer volontairement la mort. Elle permet, en revanche la prise en compte de situations exceptionnelles et même de les reconnaître comme telles. Constituée à l’échelon régional et composée de médecins, de juristes et d’éthiciens, la commission pourra être saisie chaque fois qu’un malade ou un médecin se trouvera confronté à une situation à laquelle il ne pourrait, par lui-même, trouver une réponse adaptée, soit d’un point de vue strictement médical, soit d’un point de vue légal, face à une demande d’accompagnement à la mort réitérée par le malade. La commission aura pour mission de caractériser la maladie, en particulier sa gravité, de constater l’absence de traitement susceptible de permettre une guérison ou une amélioration sensible ; de s’assurer de la conscience du malade et du caractère volontaire et réitéré de sa demande ; et d’indiquer s’il existe, ou non, une issue légale à celle-ci. L’avis de la commission sera, comme il a été indiqué, inscrit au dossier médical et pourra être utilisé, en cas de contestation de la légalité d’un acte qu’aurait pu être amené à pratiquer un médecin. Elle permettra au juge de vérifier si le médecin est intervenu en « état de nécessité », ce qui lui vaudra alors excuse absolutoire.
Il convient de rappeler en effet que la loi elle-même exonère parfois un acte a priori illicite, normalement constitutif d’une infraction lorsqu’il s’appuie sur un fait justificatif reconnu par la loi pénale. Cette proposition, chacun le comprend, a d’abord une vertu pédagogique plus que normative. Elle n’exonère pas le médecin de responsabilité individuelle. Mais a pour objet de lui permettre de l’exercer dans un cadre plus sécurisé, pour lui comme pour le patient. Elle ne constitue qu’une étape sur le chemin qui devrait nous conduire à reconnaître à chaque malade la liberté de choisir les conditions de sa mort. À cet égard, cette proposition vise à dépassionner un débat qu’il ne sera pas possible de régler à coup de grands principes.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
L’article L. 1110-5 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne en phase avancée et non terminale d’une affection grave et incurable, qui exprime le souhait d’une mort médicalement assistée, il peut saisir une commission ad hoc de médecins, de psychologues et de juristes praticiens et de représentants de la société civile afin d’obtenir un avis éthique médical et juridique sur la situation à laquelle il est confrontée. Les modalités de désignation des membres de la commission ad hoc sont définies par décret en Conseil d’État. Cet avis doit permettre de caractériser la maladie dont souffre le patient, le caractère libre et réitéré de sa demande, l’existence ou l’absence d’issue juridique à cette demande. Le rapport de la commission est inscrit dans le dossier médical à toutes fins utiles. »
Vous pouvez également télécharger cette PPL en cliquant sur le lien suivant :
Téléchargement PPL fin de vie GGorce - juillet 2012
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
Si vous souhaitez écouter ou réécouter l'émission d'hier soir, "Le débat du jour", sur RFI, dans laquelle je débattais avec Tugdual Derville, vous pouvez le faire à cette adresse :
http://www.rfi.fr/emission/20120307-euthanasie-active-faut-il-legaliser
Rédigé par Gaëtan Gorce | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
Chers amis,
Je serai ce soir l'invité de l'émission "Le débat du jour" sur Radio France Internationale de 19h10 à 19h30. Je débattrai avec M. Tugdual Derville, sur le thème "Euthanasie active, faut-il légaliser" ?
Vous pouvez écouter l'émission sur 89.0 FM, ou sur le site de la radio : http://www.rfi.fr/
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D'accord pour un débat, mais avant la présidentielle et en le préparant bien
J'ai toujours exprimé ma conviction que le débat sur la fin de vie n'a pas été clos par l'adoption de la loi du 22 avril 2005. J'ai par ailleurs toujours été favorable à une évolution progressive de notre législation. Pour autant, il n'est pas possible de considérer que l'attitude du médecin de Bayonne rentre dans le cadre de ce qu'il est possible d'accepter, dans la mesure où le consentement des patients et la collégialité doivent toujours constituer un impératif absolu.
En revanche, à la différence de Jean Leonetti, je considère que la grande discussion publique sur l'euthanasie qu'il propose doit être engagée avant la présidentielle car ce sont les français eux-mêmes qui doivent être invités à le trancher. Je fais la proposition que ce débat soit préparé par un groupe de travail composé de représentants de toutes tendances pour déterminer les grands thèmes d'une discussion et éviter qu'elle ne se transforme en polémique partisane.
J'avais regretté que cette question de la fin de vie ne soit pas évoquée dans les forums qui avaient précédé la loi bioéthique, c'est cette occasion qui a été perdue par le ministre de la santé de l'époque qu'il faut aujourd'hui rattraper.
Elle permettra en particulier d'assurer une large information sur la loi du 22 avril 2005 et que les différents gouvernements successifs n'ont pas eu le courage d'assumer.Il est regrettable que le ministère de la santé ne fasse pas plus d'efforts pour faire connaître une loi votéé à l'unanimité, ce qui permettrait aussi d'éviter des malentendus et des drames comme celui que l'on vient de connaître.
Gaëtan Gorce, député de la Nièvre,
Ancien président de la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie.
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Le 2 mars 2010, une nouvelle allocation permettant aux proches d'un malade en fin de vie de passer ses derniers jours à ses côtés avait été votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Depuis lors, je m'étais ému que le décret d'application ne soit toujours pas sorti, malgré l'attente que cette mesure avait fait naître. C'est la raison pour laquelle j'avais interpellé à plusieurs reprises Mme Bachelot et M. Bertrand.
Je me réjouis que ce décret ait enfin été publié et que ce nouveau droit qui s'inspire du principe d'humanité puisse être désormais mis en œuvre.
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L'Assemblée nationale va débattre aujourd'hui de nouveau, et je m'en réjouis, de la fin de vie. La loi du 22 avril 2005 à laquelle j'ai voulu contribuer activement a constitué, on le sait trop peu un véritable progrès. Il ne fait aucun doute qu'elle soit appelé à évoluer dans le sens d'une reconnaissance progressive de la possibilité offerte au médecin, à la demande du malade en raison de ses souffrances, de mettre par un geste actif un terme à la vie de son patient. Mais la question décisive reste bien le rythme auquel doit être conduite cette évolution. Et aussi de la manière d'y procéder! Trop de questions ont en effet été insuffisamment explorées. Trop de réticences, souvent légitimes demeurent. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours privilégié une approche par étape. Et j'ai toujours voulu éviter ou repousser un débat qui de politique deviendrait partisan et qui surtout se réduirait à une confrontation de point de vue, entre les partisans et les adversaires d'un délicat et angoissant « droit à mourir ». Pour toutes ces raisons ma préférence va aujourd'hui à la mise en place d'une commission d'exception, telle que décrite dans la proposition de loi jointe à ce blog. Notre seul objectif doit demeurer me semble-t-il de rechercher les solutions, toutes les solutions, permettant d'apaiser le malade dans les conditions que lui même et seulement lui même jugera digne... C'est dans cet esprit que j'interviendrai ce matin en séance en ayant la préoccupation de ne pas participer à une bataille, mais de permettre un dialogue, de ne pas espérer une victoire mais de favoriser simplement un progrès.
Veuillez trouver ci-dessous l'exposé des motifs de ma proposition de loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des patients en fin de vie a constitué un véritable progrès, en permettant, dans le prolongement de la loi Kouchner sur le droit des malades, de faire respecter la volonté des malades en fin de vie. Elle n’a cependant pas permis d’apporter une réponse satisfaisante à certaines situations particulièrement critiques qui, tout en rentrant dans le champ de la loi existante, ne relèvent pas des dispositions légales qu’elle prévoit. Il importe donc, en dehors de l’actualité médiatique, de tout parti pris philosophique ou religieux, de trouver, pour de simples raisons d’humanité, des réponses à ces cas souvent les plus douloureux.
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