
Monsieur le Président, Mme la Préfète, très
cher Maître, très chers amis des mots,
Qu'il me soit permis de vous souhaiter à
toutes et tous une nouvelle fois la bienvenue.
De remercier celles et ceux qui nous
apportent leur concours : mécènes et médias, professionnels et bénévoles,
attelés à la tâche depuis un an pour faire naître cette nouvelle édition et qui
acceptent sans barguigner de se payer de...mots.
Né de la ville du Livre et de ses libraires,
imaginé par votre serviteur et promptement crée par Marc Lecarpentier ici à nos
côtés, le Festival a su, je crois,
gagner les cœurs et peut se présenter aujourd'hui non seulement comme un pur
moment de plaisir et de convivialité mais comme le plus bel outil dont
disposent et notre Ville et le Département pour se faire connaître. Au point
que du Festival naîtra bientôt une Cité, du mot, qui prendra ses quartiers je
l'espère dès l'automne dans notre prieuré et développera tout au long de
l'année expositions, spectacles, conférences dont le Festival, à la charnière
de Mai et Juin, restera le point d'orgue. Nous n'attendons plus que les
délibérations du Département et de la Région qui ne sauraient tarder pour créer
cette moderne Babel qui palpite déjà de projets !
Cher(e)s ami(e)s du Mot, il me revient, en
vous accueillant, de saluer d'abord notre invité d'honneur, qui fut Comte avant
d'être conteur, et compte aujourd'hui Quai Conti : bienvenue à vous, cher
Maître. Nous sommes honorés de compter,
parmi nous, l'ambassadeur de Génousie qui ne manquera pas j'en suis sûr d'accepter,
du pays voisin de Synovie, les épanchements...
Je veux aussi avoir plus qu'un mot, une
pensée amicale et reconnaissante pour celui qui fut voici 2 ans notre invité
d'honneur : Stéphane Hessel dont l'esprit de jeune homme nous avait à la fois
ravi et servi d'exemple.
Ce Festival, chers amis des Mots, je l'ai
voulu ! Mais sans savoir qu'il m'obligerait chaque année à ce curieux exercice
qui consiste à prononcer un discours d'ouverture qui soit en phase avec
l'esprit de l'événement. Trop sérieux s'abstenir ! Je n'aurai pas imaginé que
pour ouvrir la porte de ce plaisir je devrais chaque année me fabriquer une
clef de mots que le mauvais serrurier que je suis a, cette fois encore, façonné
maladroitement, au dernier moment dans la voiture qui tout à l'heure me
ramenait du Sénat. Mais comment résister à l'appel des mots ?
Jouer avec les mots, c'est reconnaître qu'ils
ont un autre sens que celui qu'on leur donne.
C'est s'autoriser l'absurde, la poésie, le mystère. C'est surtout revendiquer
une liberté, mot magique : s'il ne devait en rester qu'un, ce devrait être
celui-là, n'est-ce pas ?
Aussi nul ici n'en fait commerce : à La
Charité, chacun se donne le mot ! Et l'on est prié de le faire passer à son
voisin.
Pas d'accapareurs, de traders, de
spéculateurs: si le mot a la cote, il échappe ici à toute coterie. Nos actions
ne se négocient pas, nos obligations sont morales, nos statuts ceux d'une
société magnanime, notre capital de sympathie !
Mais lorsqu'il s'agit de défendre le mot,
alors nous sommes intransigeants !
C'est que le mot est à ce point bousculé,
menacé, tailladé, écartelé par le langage de la politique ou des médias qu'il a
besoin pour résister de son petit village gaulois. La Charité sera celui-là et
s'il m'est naturellement interdit de vous livrer la recette de notre potion
magique, celle-ci associe une bonne dose d'humour, un peu d'érudition
auxquelles rajouter, après les avoir portés à ébullition, tout simplement du
plaisir et de la passion.
Nous ne sommes donc pas une secte, mais sans doute une confrérie
!
Ce dont témoigne chaque année cette inauguration qui veut que ce soit
seulement après force gestes, cris, grimaces et facéties que le festival puisse
être officiellement déclaré ouvert.
Comme si l'on cédait à un rite qui ne serait
pas sans rappeler celui de ces joueurs de rugby de l'hémisphère sud. Un peu comme le Français, cher maître, a son
académie, le mot ici a son Haka d'amis. Né à Auck-langue, interprété par des
joueurs aussi brillants que Joshua Lomot, il est devenu notre hymne, celui des
All-blagues et de leurs supporters.
Avec Alain Rey en défense de la langue
française, Lecarpentier et Roca sont nos trois quarts pleins ou trois quarts
vides c'est selon : plutôt que de passer le ballon entre les barres, n'ont-ils
pas plutôt tendance à s'y rendre pour l'y boire ? Mais notre quinze ne s'arrête
pas à ces deux piliers, de bars : une mêlée compacte va bientôt s'emparer pour
4 jours du terrain, je n'en citerai aucun sauf
peut être M. de Obaldia parce qu'il est à l'honneur (talonneur). Je
joue, comme vous le voyez faisant ce discours introductif, à l'ouverture, et,
comme il est normal pour le mot, vous trouverez pléthore d'écrivains,
d'auteurs, de comédiens en première, deuxième ou troisième ligne. Bref,
l'équipe est au complet.
Si bien que notre festival, malgré les affres
des temps, je veux dire l'argent, est de nouveau à flot, doté d'un nouveau
carénage. Comptant le nombre de ses éditions, puisqu'il s'agit de la neuvième,
l'on pourrait même dire que le voici remis à neuf. Un neuf, à la coque solide
et résistante !
Mais je le dis aussi presque religieusement
puisqu'avec ce neuf, passons-nous de l'octave à la neuvaine, prolongeant d'un
jour une belle liturgie où nul pourtant ne se fait plus prier. Même Roca, notre
Saint Vincent à nous, après une année d'absence, est de retour si bien que
comme lui, tout est désormais rentré dans les ordres.
Neuf, chiffre symbole de tous les grands
livres : qu'il s'apparente à la vérité ou pousse à la patience ou la méditation.
Neuf, comme les neuf chœurs des anges, ô bonheur éthéré, d'où nous avons
extrait Archanges, Chérubins et Séraphins dont quelques uns se sont à
l'évidence glissés sur cette estrade parmi des Tamerlan des chœurs.
Nous entendrons tout à l'heure avec Vincent
un écho de cette divine musique et s'il a pour l'heure son auréole sous le bras
il ne tardera pas à la coiffer, nous prouvant que l'existence du dieu des mots
tient à un cheveu. Peut être revêtira-t-il pour officier aube et chasuble :
j'en serais le premier surplis !
Je ne cesserai donc, en prélude à la fête, de
m'extasier sur ce neuf et ce qui l'a fait éclore : comme l'œuf vient de la
poule, ce 9 vient de la foule, la foule des amis des mots tous venus
(rythme rap) :
faire la teuf
pour un 9,
tous et toutes, meufs et keufs,
Beaufs et profs,
prolos et bobos
à gogos,
aficionados
du mot
machos ou gigolos,
cathos
et cocos,
barjos frigides et travelos torrides,
francs maçons et faux jetons,
(rythme soutenu) :
amis d'Hippocrate et amas d'hypocrites,
architectes experts ou futures mamans,
as sans sœur très remontés ou frères à bras
qui leur en tombent,
...mais aussi amis des mots de tous âges et
de toutes conditions.
Hommes de lettres négligeant laissant
échapper un joli petit P,
ou frileux redoutant les courants de R,
édentés ne mâchant pas leurs mots,
amateurs de vin bouché pourtant ouverts à la
discussion,
navigateurs à la dérive prenant le O à Vichy
et leur temps à La Charité,
comédiens traversant une mauvaise phrase,
mathématiciens additionnant les bourdes,
orateurs endettés par l'inflation de leurs
frais de bouche,
prêtres perdant de vue la ligne d'oraison,
saltimbanques propres sur eux,
"bons bourgeois"et
"Innocentines",
filles de rien et gens de peu,
grands ducs et petits marquis,
"femmes faites et défaites cherchant
l'âme soeur",
tous prêts a se mettre en quatre pour un neuf
!
Il en manque bien sûr:
-nous comptions sur le maire de Lyon, c'eût
été notre neuf de Collomb. Mais en vingt !
- le maire de Paris aurait pu aussi monter
sur notre bateau : après ces 40 jours de pluie, tout était prêt pour accueillir
l'arche Delanoë. Mais fabriquer de la mauvaise humeur avec du mauvais temps,
c'eût été confondre tristesse et précipitations, amorçant en pleine mer le
détournement de quelques bons vieux dictons : comme on fait son i on se couche
ou encore le "on ne tête qu'aux miches" qui pourrait me valoir une
exclusion temporaire du jardin des mots....
Mais si ce neuf vient de la foule, il vient
aussi de la houle, porté par une vague de passions et d'applaudissements,
remuée par le vent soufflant... "dans les branches de sassafra…". Comment, sur ces rivages, ignorer Peguy, et
ses vers dont on retrouva l'écho dans la Grande Vadrouille :
"
Étoile de la mer voici la lourde nappe
Et
la profonde houle et l’océan des blés"
Sur le flot tumultueux de notre Loire
miroitent ainsi mots scintillants et phrases bleutées que nous n'aurons de
cesse de pêcher, à proprement parler, à la ligne toute cette semaine.
Ce neuf vient de la foule, de la houle, de la
"soul" aussi. Ici, où se dérouleront au cours d'un été qui reste
espéré, un festival de Piano puis de Blues, il existe une musique des mots,
menuet des aphorismes, rondo des allitérations, fugue d'anaphores, sonate de
Litotes, symphonie d'éloquence.
Le festival joue, lui, sa neuvième : hymne à
la joie entonné par notre neuf de choeur, hymne à....laya du spectacle
atteignant des sommets radieux et mélodieux!
Célébrons joyeusement ce mariage, dont la
gaité ne fait aucun doute, entre des mots que la conjonction "et" a
depuis longtemps su unir, qu'ils soient féminins ou masculins. Le mot est aux
mots...Aller plus loin reviendrait à disputer du sexe des anges ! Mais là, d'un
coup, les mots me manquent !
Bref, que la fête commence !