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Que l’on ne s’y trompe pas : c’est bien à la fin du Parti socialiste que l’on est en train d’assister, sauf sursaut aujourd’hui imprévisible. Et la « défaillance morale » de ses chefs, c'est-à-dire la perte de conscience de leurs responsabilités, est en train de porter le coup de grâce.
Il serait injuste d’en faire porter tout le poids à François Hollande. Il aura simplement contribué, par son inertie et ses combinaisons, à accentuer un processus engagé depuis une vingtaine d’années, à en aggraver la tendance. Le PS ne s’est, en réalité, jamais tout à fait remis de son long passage au pouvoir et plus encore de la réélection de François Mitterrand en 1988.
Reconstruit autour
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de l’ambition présidentielle du député de la Nièvre, le Parti socialiste a été porté au pouvoir par son talent, sa stratégie et une dynamique économique et sociale qui devait encore beaucoup aux Trente Glorieuses. La réélection de François Mitterrand est intervenue au moment même où cette conjonction se retournait.
La lecture de l’ouvrage de Jean-François Cirinelli sur « Les Vingt Décisives » est passionnante à cet égard. Elle nous montre comment la France a connu dans une période très courte deux bouleversements majeurs. Le premier, lié à la forte croissance des années 60 et au retournement de valeurs attachées à 1968, a fait d’une France encore rurale une France industrielle et de classes moyennes, aspirant au partage du pouvoir tout autant que de la richesse. Le second, à partir de la fin des années 80, a été celui de la mondialisation, c'est-à-dire de la perte de contrôle par le pays de son destin et l’instigation d’une crise de confiance dans les vecteurs jusqu’alors du progrès : les Institutions politiques de la République, mais aussi scolaires, etc. Ce retournement a été en quelque sorte symbolisé à l’internationale par la chute du Mur de Berlin. C’est le moment que les socialistes ont choisi pour se livrer à Rennes la plus féroce et la plus stupide des batailles égocentriques que le PS ait jamais connu depuis Tours.
La réélection de François Mitterrand avait laissé croire aux uns et aux autres qu’une refondation politique et intellectuelle n’était pas au fond nécessaire alors que partout ailleurs dans le monde la Gauche se remettait en question. Le nuage de Tchernobyl de la mondialisation nous avait encore épargné …
Cet aveuglement, cet engourdissement, a perduré jusqu’à aujourd’hui. Le Parti socialiste a pourri par la tête : il a cessé de voir la société telle qu’elle est et il a cessé de se voir tel qu’il est lui-même devenu : un parti sans véritables leaders et sans projet, dont les chefs témoignent d’une seule appétence : à se combattre et à se vaincre, oubliant l’adversaire, oubliant surtout ceux qui les ont élus et attendent d’eux une parole et un projet.
Il y a peu d’exemple dans notre histoire politique d’un parti dont les leaders ont à ce point perdu le sens même de leurs propres intérêts. La bataille picrocholine qui s’engage à la veille des municipales sur le Traité de Lisbonne n’est malheureusement qu’une nouvelle étape de cette décomposition. Il est dommage que le ridicule ne tue plus, nous y aurions gagné du temps !
Fort heureusement, la force des idées reste intacte et c’est sur son mouvement qu’il faut compter. Le pessimisme sur les hommes doit laisser place à un activisme de la reconstruction. Plutôt la décomposition s’achèvera, plutôt la renaissance pourra s’accomplir. Il est évident que beaucoup travaille à la première, espérons que nous serons nombreux à agir pour la seconde.
"Toute classe dirigeante qui ne peut maintenir sa cohésion qu'à la condition de ne pas agir, qui ne peut durer qu'à la condition de ne pas changer, qui n'est pas capable [...] d'employer la force fraîche des générations montantes, est condamnée à disparaître de l'Histoire" Léon BLUM
ça ne mérite pas plus de commentaires me semble t-il...
Rédigé par : BD58 | 07 février 2008 à 14:28
Il y a quelques années, j'avais été tenté par une adhésion au parti socialiste. J'en ai été dissuadé par la situation ubuesque dans laquelle il se trouvait, avec la tentative de faire croire qu'il était uni et que finalement entre Strauss-Kahn et Mélanchon les différences étaient minimes. Elles étaient béantes ! Les Français se rendaient bien compte que Dominique Strauss-Kahn avait bien plus en commun avec des hommes comme François Bayrou qu'avec son camarade Jean-Luc Mélanchon.
Il est frappant de constater qu'aujourd'hui la situation est strictement identique. À une différence près : autour du parti socialiste, les lignes ont commencé à bouger. Nicolas Sarkozy a redéfini la droite, François Bayrou a redéfini le centre. Si ce n'étaient les mécanismes électoraux qui maintiennent artificiellement en vie une frontière droite-gauche qui n'a plus la même pertinence, on aurait même avancé beaucoup plus vite.
Et le PS, lui, il continue à faire comme si de rien n'était, à jeter l'opprobre sur le Mouvement démocrate parce qu'il n'est pas "de gauche". Et donc le PS en vient à l'aberration suprême de trouver acceptable un rapprochement avec la LCR et de dénoncer les rapprochements avec le MoDem que certains, plus honnêtes que d'autres peut-être, essaient de dessiner à Dijon, à Grenoble, à Strasbourg ou à Paris.
À force de marcher sur la tête, le PS risque bien de ne plus savoir où est le nord.
Un militant social-démocrate qui a préféré le dynamisme du MoDem à l'immobilisme du PS.
Rédigé par : KPM | 02 février 2008 à 04:22
Quelle belle analyse !
Simple, fine et percutante.
Rédigé par : Hélène | 19 janvier 2008 à 21:53
Je fais une analyse simpliste de ce nouvel imbroglio socialiste. Depuis le référendum européen, la direction du parti s'est efforcée de faire croire que les partisans du oui et du non pouvaient oublier cette rupture et adopter désormais des positions communes sur les engagements à venir. Les oppositions actuelles des deux grands courants sur le traité simplifié montrent qu'il n'en est rien. Tout simplement parceque la rupture est beaucoup plus profonde. Elle se situe entre les socialistes encore marqués par la lutte des classes, toujours partisans du non, et les socio-démocrates, partisans du oui. Et je ne vois pas comment ils peuvent se retrouver dans un parti uni. Je vote socialiste depuis trente ans et je voudrais continuer à le faire. Mais seulement en faveur d'un parti qui aurait une chance de revenir au pouvoir avant que mes petits enfants aient le droit de vote. Or l'analyse des élections nationales précédentes montre que cela ne serait possible que dans deux cas : le (la) candidat(e) socialiste rassemble jusqu'au centre gauche, et même en partie au centre, ou que le gouvernenment actuel s'effondre, comme celui de Chirac en 1997. Dans cette seconde hypothèse le parti socialiste se retrouverait au pouvoir, seulement parce que principal parti d'opposition, position relativement facile qui n'exige pas d'avoir une vision politique unifiée, alors que la situation critique de notre pays, très en retatd sur les réformes indispensables déjà faites par les autres pays européens, nécessite du gouvernement des décisions sans ambiguïté, clairement adaptées au monde complexe dans lequel nous vivons. Dans ce second cas, je serais désespéré pour mes enfants et petits enfants.
Rédigé par : Bothorel Pierre | 17 janvier 2008 à 09:57
« La bataille picrocholine qui s’engage à la veille des municipales sur le Traité de Lisbonne n’est malheureusement qu’une nouvelle étape de cette décomposition ». Il est en effet déplorable que le PS ne parvienne pas à s’entendre pour faire respecter la démocratie et contraindre NS à organiser un référendum sur le Traité de Lisbonne. Les français ont incontestablement droit à ce référendum dans la mesure où ils ont déjà rejeté en 2005, par cette voie, un texte à peu près identique. Qu’une telle évidence ne s’impose pas aux yeux de tous en dit long sur le degré réel d’adhésion de la classe politique française aux valeurs de la démocratie.
Rédigé par : chatel | 15 janvier 2008 à 09:01
tout celà est bien vrai, très bonne analyse... il ne faut pas chercher d'autres raisons aux trop nombreuses désertions d'adhérents, anciens et nouveaux confondus. Nous avons pourtant besoin de ces forces vives pour redynamiser l'organisation. Peut etre la mise en place d'une réelle démocratisation du Parti serait le premier levier... Il n'est plus acceptable que les circulaires venues du sommet dissimulent des lettres de cachet. Inacceptable que certains membres du Bureau national s'entendent entre eux pour placer les "copains" lorsque la base militante plébiscite un candidat de chez elle, de son territoire. Rénover les processus de participation et d'élection pour ensuite rénover les idées...
Ce qui est le plus navrant est l'enthousiasme douché des militants, écoeurés par l'apparatchisme de nombre de nos camarades, plus soucieux de défendre réussite personnelle que mener de réels combats politiques.
Enfin, exister et participer au débat public est une obligation démocratique du Parti Socialiste. Sans cela, nous ne pouvons prétendre être un parti à responsabilité nationale et convaincre les Français.
Rédigé par : caroline rey | 14 janvier 2008 à 17:10
voici une analyse courageuse et désespérement lucide.
Désespérément? Voire... et voir la suite des événements. Va-t-on contribuer à une véritable rénovation? Le plus gros handicap sera de surmonter la désaffection, le découragement... Il convient surtout de prendre en considération le fait que la société a changé, que le monde a changé, que le travail de rénovation dépasse largement une simple distribution des rôles....
Rédigé par : Michèle Barbier | 14 janvier 2008 à 16:59
triste constat, accablant tableau, et pourtant, tout prouve que tu es dans le vrai... il suffit de faire un tour sur le terrain pour voir l'étendue des dégâts... Des militants qui débattent, qui votent, désignent des candidats, et le tout mis en pièces par des stratégies personnelles mises en place par ceux qui veulent faire barrage à ce travail de reconstruction et de renaissance. Les morts vivants sont parmi nous, ils sont à l'oeuvre, prêts à tout pour parachever ce travail de destruction.
Et pourtant, espérons ! Espérons car au milieu de ces cendres, les roses repoussent. Toujours. Ne nous épuisons pas dans cette fin de règne et concentrons nous sur ce qui nous attend. Laissons les barons et leurs stratégies féodales qui paralysent nos territoires, nos fédérations, nos sections, et agissons.
Ton message pourrait nous donner des raisons de désespérer. Eh bien, au contraire, faisons en sorte qu'il ne soit qu'un commencement.
Rédigé par : pierre chapdelaine | 14 janvier 2008 à 15:58