Eprouvé par l'étalage de ses divergences sur l'Europe et une sourde guerre des chefs, le PS ne donne pas le sentiment d'un parti engagé de plain-pied dans la refonte du logiciel socialiste dont la campagne présidentielle a mis en lumière les lacunes.
Les trois Forums de la rénovation engagés à l'initiative de François Hollande, dont le dernier, consacré à la montée de l'individualisme, se tient dimanche 20 janvier, n'auront sans doute pas été inutiles. Toutefois, limités à des échanges sur une demi-journée, ces débats qui ont évité les questions qui fâchent et n'ont donné lieu à aucun vote ne peuvent pas suffire à déclencher le signal de la rénovation promise.
Durant l'année qui suivit la défaite de Lionel Jospin à l'élection présidentielle de 1995, trois conventions thématiques - visant à élaborer des propositions ratifiées par les adhérents - furent organisées sur "La mondialisation et l'Europe", "Les acteurs de la démocratie" et "Le programme économique et social", dont les 35 heures. Ces débats, souvent animés, alimentèrent le programme avec lequel la gauche remporta les élections législatives de 1997. Or la dernière convention thématique (intitulée "Diagnostic sur la société française") remonte à mars 2005.
Nombre de socialistes ont pourtant commencé à réfléchir à la remise en ordre de marche de la doctrine de leur parti. Créé en 2007 (...)
par Vincent Peillon, membre de la garde rapprochée de Ségolène Royal, l'Institut Edgar-Quinet, destiné à la formation professionnelle des élus, veut contribuer "au réarmement idéologique et culturel de la gauche".
"L'ESTIME DE NOUS-MÊMES"
Du 17 au 20 janvier, il a rassemblé universitaires, intellectuels et responsables politiques sur le thème des inégalités. Au programme : les fondements historiques et philosophiques du socialisme, la discrimination positive, la crise du modèle social français. "On a beaucoup parlé du silence des intellectuels, mais c'est surtout la surdité des politiques qui est en cause", assure M. Peillon, qui regrette que "la gauche se soit fait voler les valeurs de liberté". L'Institut Edgar-Quinet prévoit aussi de se pencher sur l'Europe, la sécurité, l'éducation ou la mondialisation.
De son côté, Benoît Hamon, proche d'Henri Emmanuelli, a fondé, à l'automne 2007, La Forge , en compagnie du député Vert Noël Mamère. Ce think tank (groupe de réflexion) a mis en place plusieurs cycles de conférences sur le thème du pouvoir d'achat et a chargé ses experts de répondre au rapport sur les leviers de la croissance commandé par le président de la République à Jacques Attali. "Dans cette phase de reconstruction, il faut créer des lieux qui produisent de la réflexion et exercent un lobbying efficace, à l'anglo-saxonne", souligne M. Hamon. La Forge et la Fondation Jean-Jaurès , liée au PS, ont été retenues pour participer à l'élaboration du manifeste du Parti socialiste européen (PSE).
Réunis autour de Manuel Valls et Gaëtan Gorce, les "rénovateurs" du PS ont mis à contribution des grands témoins afin de "refonder le clivage droite-gauche". Ils s'interrogent sur la remise en question de la notion d'intérêt général induite par la nécessité de concilier contraintes environnementales et croissance économique ainsi que sur les moyens de prendre en considération une demande sociale "de plus en plus éclatée". "La gauche est restée sur le schéma des "trente glorieuses" et le PS, comme une Belle au bois dormant, se réveille mais le monde a changé et il a du mal à le comprendre", résument les rénovateurs. Quant au groupe dit des "reconstructeurs", il s'est engagé dans un autre genre de joute intellectuelle ; rapprocher sans tabou les points de vue des strauss-kahniens, fabiusiens, emmanuellistes et partisans d'Arnaud Montebourg, y compris sur l'Europe.
Ces initiatives s'inscrivent en dehors des instances de réflexion du parti. "Le PS a donné trop d'importance à la déprime française ; il a adopté une attitude qui a réduit sa marge de propositions et l'a empêché d'incarner le changement", constate Gérard Grunberg, directeur de recherches CNRS au Centre d'étude de la vie politique française (Cevipof). Le congrès de 2008 sera-t-il l'occasion de renouer enfin avec les débats "de fond" ? "C'est en travaillant davantage que nous regagnerons d'abord l'estime de nous-mêmes mais aussi l'estime des Français", assure André Vallini.
Le député de l'Isère a présidé la commission de préparation du dernier Forum de la rénovation, où étaient représentés tous les courants du PS. "Pendant des soirées entières, dit-il, nous avons réfléchi, écrit, discuté, débattu, et j'en tire une leçon : quand notre réflexion n'est pas encombrée par les questions de personnes, polluée par les postures ou parasitée par les candidatures, nos convergences sont infiniment plus fortes que nos divergences."
Jean-Michel Normand
Très bonne initiative! Merci à vous !
Rédigé par : Gregz | 05 février 2008 à 16:06