Le débat vient de s'engager à l'Assemblée nationale et les stratégies des uns et des autres ne sont pas sans ambiguïtés. Le renforcement du Parlement figurait dans tous les programmes présidentiels. L'ouverture de nouveaux droits pour les citoyens, comme par exemple la saisine du Conseil constitutionnel ou le referendum d'initiative populaire ont constitué de tout temps les axes du programme socialiste... Et pourtant, les réticences ne cessent de s'accumuler.
Soyons justes, elles ne viennent pas exclusivement de notre camp. Tous ceux qui gardent (c'est sans doute leur côté masochiste) la nostalgie de l'ère Villepin-Chirac prient pour que la réforme échoue et que Nicolas Sarkozy subisse un nouvel et cuisant échec. Approche d'un congrès aidant, une partie de l'appareil du PS, et pour les mêmes raisons, n'est pas loin de lui promettre le même sort On assisterait ainsi à l'émergence d'une curieuse alliance objective qui irait des hussards noirs du gaullisme à la direction du Parti socialiste.
Faut-il laisser passer ce qu'Arnaud Montebourg peu avare de son éloquence a qualifié de « compromis historique »? Que l'on fasse preuve de prudence avant d'apposer le paraphe des socialistes au bas de la réforme n'est que le fruit de l'expérience... Ce qui peut sortir au final de l'ubuesque désordre qui règne à l'UMP et entre la majorité et l'Elysée est imprévisible, cela ne peut qu'entretenir les plus élémentaires circonspections. Mais si le résultat devait rester proche du texte issu de la commission des lois, y aurait-il alors matière à refus autrement que pour de mauvaises raisons?
Pouvons-nous nous opposer sérieusement au renforcement du pouvoir du Parlement, à son contrôle sur les nominations présidentielles, à la limitation du 49-3, à l'encadrement du droit de grâce, ou à une meilleure maîtrise de l'ordre du jour? D'un strict point de vue juridique, on pourra certes objecter que tout cela n'est pas parfait! Mais d'un point de vue politique, ne s'agit-il pas de progrès réels qu'il conviendrait d'engranger? Certes, la majorité a rejeté, contre toute évidence démocratique, la réforme du scrutin sénatorial et se montre réservée sur le décompte du temps de parole présidentiel. Mais au total, il paraît difficile, sous réserve de l'issue des débats, de rejeter ce qui serait au moins une première étape.
J'ajoute, et ma conviction n'a pas changée, que le gauche reconquerra la confiance de l'opinion non en menant une opposition frontale, mais en faisant preuve d'un véritable esprit de responsabilité. La désinvolture de Sarkozy, son cynisme aussi, le manque de professionnalisme de son équipe et de sa majorité, ont créé un trouble profond. Faut-il en rajouter? La gauche l'emportera, et marquera des points , en témoignant de sa sagesse, de son sens de l'intérêt général, de sa maîtrise des sujets, bref, en jouant une partition symétriquement différente de celle de l'UMP.
Que l'on me comprenne bien : je ne propose pas de voter la réforme constitutionnelle les yeux fermés. Il est encore trop tôt pour se prononcer définitivement! Mais il serait inacceptable que l'on décide a priori, sans bénéfice d'inventaire, de la rejeter. Ou plus exactement, que le vote « non » ne soit imposé (pour autant que la direction du Parti ait encore une quelconque autorité morale) pour de mauvaises raisons, c'est-à-dire, sans objet avec le fond de la question posée. Il ne s'agit pas d'aller au secours du sarkozysme, mais de venir en aide à un pays qui a bien besoin qu'on lui démontre que certains responsables politiques peuvent se déterminer en fonction de son seul intérêt...
Plutôt d'accord avec Martin P.
Et donc déçue que vous baissiez les bras d'entrée, Gaëtan, vous qui nous avez habitués depuis les Présidentielles, à un mordant et une combattivité qui ont sauvé le PS d'un jugement négatif définitif.
Je vous ai bien lu par ailleurs.
Bien à vous,
Rédigé par : le concombre masqué | 30 mai 2008 à 06:47
« Tous ceux qui gardent (c'est sans doute leur côté masochiste) la nostalgie de l'ère Villepin-Chirac ». Cette phrase est ambiguë. Elle suggère que NS gère mieux notre pays que JC alors que chacun peut constater que la situation ne cesse de se dégrader depuis l'élection de NS.
« Pouvons-nous nous opposer sérieusement au renforcement du pouvoir du Parlement ? » Le renforcement du Parlement présuppose avant tout que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif soient bien séparés l’un de l’autre. Or, ce n’est pas le cas en France et ce sera encore moins le cas si le Président peut s’exprimer devant le Parlement. Cette innovation doit être impérativement rejetée. Elle ne peut qu’accroître la présidentialisation rampante de la 5ème République, laquelle commence d’ailleurs à déteindre sur le fonctionnement interne du PS.
Merci au modérateur de ce site de bien vouloir publier mon commentaire afin qu’un débat puisse s’engager sur ce sujet fondamental.
Rédigé par : chatel | 23 mai 2008 à 15:31
Salut Gaëtan,
Je suis d'accord avec Martin P, la tribune du Monde, aurait pu attendre une semaine... En tous cas dans les séances consacrées à la réforme, certains socialistes montrent parfaitement leur dimension et leur volonté de construire. C l'esprit de responsabilité que vous identifiez, la maturité de certains parlementaires ? Ce n'est pas la VI e République, mais ça a le mérite de bouger (je ne parle pas hélas du Sénat, encore plus congelé que la DN du PS, ce qui n'est pas peu dire...). Suis d'accord avec votre conclusion. A un moment donné, il faut savoir distinguer les ambitions médiocres et sectaires, de celles qui font avancer le débat, en attendant mieux. Je suis aussi étonnée de voir que ce débat institutionnel intéresse les gens, et pas seulement les plus politisés. Sans être dupes des caprices de l'hyperprésident Sarko présents dans ce texte...
Rédigé par : flodechambe | 23 mai 2008 à 08:39
@ Gaetan, suite à tribune:
Le B A BA, c'est de ne pas entrer dans une délibération parlementaire ou une négociation en se démunissant par avance du seul moyen de pression à sa disposition (le vote contre).
Cette tribune aurait très bien pu attendre la fin des débats.
Par ailleurs, que le texte soit adopté au final ne dispense pas de veiller à ce que personne ne vienne chiper la cerise sur le gâteau indument: du genre une conf de presse impromptue et solennelle de sarko pour s'attribuer les mérites du résultat. une certaine habileté pourrait être de s'accorder discretement avec Fillon pour que ce genre de fanfaronnade déplacée ne puisse avoir lieu.
Enfin, il serait bon de savoir enfin si l'opposition aura un droit de réponse à égalité de publicité médiatique quand le président viendra expliquer à l'assemblée comment il faut penser.
mais ces remarques ne sont pas assez moderne probablement?
Rédigé par : Martin P. | 22 mai 2008 à 14:23