Intervention à la convention nationale du PS
14 juin 2008
Mes Chers Camarades,
Une fois n’est pas coutume : je veux être équanime et féliciter la Direction de notre Parti de nous avoir réunis pour répondre à cette importante question. Qu’est-ce qu’être socialiste ?
Belle et vaste question qui a hanté la conscience des hommes et des femmes de progrès dès qu’ils comprirent que les promesses de la révolution industrielle ne seraient pas celles de la Révolution française, dès qu’ils réalisèrent que l’égalité des droits n’était pas celle des conditions et qu’à l’injustice des positions pouvait succéder aussi celle de la richesse.
Belle et vaste question à laquelle tout au long de notre histoire, de grandes voix se sont levées pour apporter réponse : celle de Jaurès qui résonne encore sous les voûtes de Bâle, s’efforçant de faire entrer la question sociale dans la République et la République dans la question sociale ; celle presque chevrotante mais plus émouvante encore, de Blum à Tours, à la naissance du communisme, fixant au socialisme le cap de la démocratie ; celle de Blum encore à la mort du nazisme, revenant des camps, et nous disant que le socialisme ne pouvait plus se concevoir qu’à l’échelle humaine, en appelant à une sociale démocratie qui réaliserait pendant près de 40 ans l’alliance de la prospérité économique et de la justice sociale. Alliance rompue, depuis la chute du Mur ! C’est bien là, peut-être, le drame que nous vivons : c’est qu’à cette belle et vaste question : qu’est-ce qu’être socialiste ?, plus aucune voix ne se lève aujourd’hui pour apporter de réponse forte. Comme si les socialistes étaient restés orphelins du communisme, incapables de se définir autrement que par opposition à lui ?
Qu’est-ce qu’être socialiste aujourd’hui ? Belle et vaste question. Mais, est-ce bien la question qui nous est aujourd’hui posée ?
On peut à bon escient en douter. Et pour rétablir l’équilibre, après les compliments adressés tout à l’heure, exprimer mon scepticisme ! N’est-ce pas en réalité à une nouvelle opération de diversion que l’on assiste aujourd’hui ? Comment ne pas en relever les indices concordants ?
Et d’abord, la méthode qui a été choisie, qui trahit les véritables intentions des promoteurs de cette démarche.
Cher Alain Bergougnoux, je sais que tu as été, comme Henri Weber, meurtri par les critiques que j’ai pu formuler avec d’autres, contre ton projet de Déclaration de principes. Ce n’est naturellement ni ton travail, ni la qualité de ta réflexion qui sont en cause ; mais le résultat politique auquel on est parvenu ! Comment cette déclaration a-t-elle été élaborée ? A l’unanimité, dit-on, des sensibilités représentées dans la commission de travail ? Mais de quelles sensibilités s’agit-il ? Toutes les sensibilités ont explosé pendant ou après le Congrès du Mans, pendant ou après l’élection présidentielle. Comment ce texte a –il été amendé ? Par consensus ? Mais n’était-ce pas d’abord le moyen de priver nos militants de leur droit d’amendement ? Et, n’est-ce pas enfin le paraphe du cynisme qui figure au bas de la convocation qui nous a été adressée ? Pour discuter de ce qui n’est pas moins que notre déclaration des droits, notre préambule, notre crédo, nous ne disposons, en effet, que d’une heure, une heure à peine de débat. Faut-il s’étonner, dans ces conditions, qu’un adhérent sur quatre, au mieux, ait participé à un scrutin qui aurait dû être symbolique, solennel. Quel cas faisons-nous des idées pour les traiter ainsi ? Comment, dans ces conditions, ne pas parler de simulacre, d’occasion manquée ? Comment, accepter d’y prêter la main ? Depuis un an, tout est mis en œuvre pour étouffer le débat. Quelqu’un se souvient-il avoir été saisi à un moment quelconque, en Bureau national, en Conseil national, d’un rapport de la Direction sur les explications de notre défaite ? Et c’est ce processus d’évitement, que nous n’avons été que 3 à censurer voici un an, qui se poursuit inéluctablement, produisant des effets politiques désastreux. La confusion règne même sur le terme du réformisme que cette Déclaration de principes est censée incarner. Faute d’avoir laissé au Parti le temps de se l’approprier, nous en donnons une définition vague qui se prêtera à toutes les caricatures et qui ne pourra en aucun cas nous servir de dynamique politique dans le débat engagé à Gauche pour affirmer et faire valoir notre identité.
Faut-il s’étonner, dans ces conditions, que la confusion règne et que ne surnagent que les conflits de personnes ou d’ambitions ? Y a-t-il d’autres moyens pour mettre un terme à une telle dérive que de trancher de manière claire la question du leadership et de la trancher vite, sans attendre le mois de novembre ? Nous sommes saisis d’une révision des statuts qui là encore s’efforce de contourner les véritables enjeux. La bipolarisation renforcée de notre système politique, la présidentialisation du régime : nous ne pouvons pas biaiser avec ces réalités. C’est pourquoi, il nous faut nous doter d’un leader, choisi directement par les militants, avant ou pendant le vote des motions pour le doter d’une vraie légitimité. C’est pourquoi, il nous faut provoquer un électrochoc, rejeter cette Déclaration de principes, trop vite élaborée, cette révision des statuts, improvisée. Je vous invite à vous affranchir des consignes de vos chefs de courant, à prendre votre liberté, à récuser une fois pour toutes ce jeu de rôle qui condamne le Parti au marasme et à l’inertie. Je n’ai, pour vous y convaincre, derrière moi aucune grande fédération, aucun rassemblement de signatures de militants ou d’élus. Je n’ai que la force de mes convictions qui me permet aujourd’hui de vous dire qu’il est encore temps ; que notre Parti socialiste peut entamer un véritable changement, qui redonne à des militants sceptiques et des sympathisants désemparés, une espérance !
C'est une intervention claire et construite qui offre une alternative naturelle au bourbier dans lequel se débat le PS depuis plus d'un an.
Mais c'est l'intervention d'un homme seul. Certes qui a la chance d'être assez brillant pour pouvoir se faire encore entendre mais ENCORE seulement.
J'ai parfois la sensation que Gaétan Gorce, au sein du PS se "bayrouise". Et si tu perds l'aura que tu as encore (lassitude des autres) comment parviendras tu à te faire entendre?
Attention! Je ne suis pas contre une telle attitude. Elle est noble et, de mon point de vue, tu as raison mais mesures tu les conséquences?
Rédigé par : Frédéric58 | 25 juin 2008 à 19:22
@ brassus
"Il est étonnant d'entendre des dirigeants du PS refuser cette éventualité en critiquant le système présidentiel alors que la PS est à l'origine de son renforcement en votant pour le quinquennat puis pour l'inversion du calendrier électoral."
Tout à fait. Il est temps que le PS fasse marche arrière et se prononce en faveur d'un retour au système parlementaire, conformément au projet de 6ème république de A. Montebourg. Les "socialistes modernes" ne cessent de répéter qu'il nous faut imiter nos voisins européens. Qu’ils s'appliquent à eux-mêmes leurs conseils et qu'ils se prononcent en faveur d'un régime parlementaire puisque la plupart des pays européens (Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne, Grèce...) ont la chance d'avoir un vrai régime parlementaire. Sur la question des institutions aussi, le PS est divisé...et manque de courage politique...
Rédigé par : chatel | 25 juin 2008 à 14:55
Merci Gaëtan encore pour ce discours clair.
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Et qu'est-ce qu'être socialiste ? de gauche ?....
Ecouter comme il parle d'ordre et de justice !
http://www.dailymotion.com/video/x26h5u_mitterrand-et-la-gauche_politics
Rédigé par : le concombre masqué | 24 juin 2008 à 19:19
Notre régime est un régime présidentiel, il est donc logique qu'un parti politique qui aspire à diriger le pays se dote d'une organisation présidentielle. Il faut lutter à armes égales avec l'adversaire. De plus, il est étonnant d'entendre des dirigeants du PS refuser cette éventualité en critiquant le système présidentiel alors que la PS est à l'origine de son renforcement en votant pour le quinquénat puis pour l'inversion du calendrier électoral. Certes Sarkozy a fait de ce régime un régime d'hyper présidentialisation, il n'en reste pas moins que le quinquénat a renforcé cette présidentialisation.
Rédigé par : brassus | 23 juin 2008 à 11:09
Bravo. J'attends quelque chose de l'ordre de la contribution maintenant.
Rédigé par : hugues bernard | 17 juin 2008 à 10:42
Bonjour,
Une position courageuse quand le PS se relaisse une nouvelle fois manipuler par François Hollande vers la synthèse molle et le Premier secrétariat mou.
Rédigé par : Saint-Just | 16 juin 2008 à 12:17