Voilà bientôt huit mois que le militant tchadien des droits de l'Homme, ancien recteur, ancien ministre et docteur en mathématiques de l'université d'Orléans, Ibni Oumar Mahamat Saleh a été enlevé à son domicile "au moment où, comme l'a établi le rapport de la commission d'enquête tchadienne, l'armée gouvernementale avait repris le contrôle de la situation dans la ville de N'Djamena". Voici la lettre que nous avons adressé, avec le sénateur Jean-Pierre Sueur, au Président de la République, le 4 septembre dernier et qui reste à ce jour désespérément sans réponse.
Paris, le 5 septembre 2008
Monsieur le Président de la République,
La « Commission d’enquête sur les événements survenus en République du Tchad du 28 janvier au 8 février et leurs conséquences » vient de rendre public son rapport le 3 septembre. Ce rapport indique : « IBNI OUMAR MAHAMAT SALEH étant la seule victime à ne pas être réapparue, il est en effet permis de penser qu’il serait désormais décédé :
- soit en succombant aux mauvais traitements qu’il aurait subis (coups, tortures, manque de soins et de médicaments, etc.)
- soit en ayant été assassiné, s’agissant en l’occurrence d’un « assassinat politique ».
Ce rapport établit la responsabilité de l’Etat tchadien dans les termes suivants : « Ces disparitions sont intervenues au moment où l’armée gouvernementale avait repris le contrôle de la situation dans la ville de N’Djamena. Par conséquent, d’une part ces actes sont imputables à l’Etat tchadien et (…) il en est de même d’autre part des arrestations et détentions arbitraires et d’enlèvements des personnalités politiques dont il est question dans le rapport ».
Ce rapport indique clairement les limites des investigations auxquelles il a été procédé dans les termes suivants : « La « preuve parfaite » du sort d’IBNI OUMAR MAHAMAT SALEH sera vraisemblablement impossible à trouver sans une volonté des plus hautes autorités de l’Etat. L’implication d’un service étatique, en l’occurrence l’Armée Nationale Tchadienne, étant parfaitement démontrée, seule cette volonté de l’Etat Tchadien serait susceptible de permettre la manifestation de la vérité, l’identification des auteurs et leur traduction devant la justice ».
Les observateurs de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et de l’Union européenne (UE) considèrent, quant à eux, que « la manifestation de la vérité n’a pu être faite sur certaines affaires, en particulier sur le cas emblématique de la disparition de l’opposant politique IBNI OUMAR MAHAMAT SALEH ». Ils « le regrettent et réaffirment leur attachement profond à ce que toute la lumière soit faite sur ces faits graves, estimant que les travaux de la commission d’enquête ne doivent constituer qu’une première étape de cette recherche de la vérité et de la justice ».
Nous considérons donc que toutes les questions subsistent.
C’est pourquoi nous sollicitons auprès de vous les interventions appropriées auprès des plus hautes autorités tchadiennes afin que toute la lumière soit faite sur les responsabilités qui ont entraîné la disparition d’IBNI OUMAR MAHAMAT SALEH.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de notre haute considération.
Gaëtan GORCE Jean-Pierre SUEUR
Député de la Nièvre Sénateur du
Loiret
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