Gaëtan Gorce est un parlementaire socialiste en colère, décidé à taper du poing sur la table à la veille du congrès de Reims. On pouvait craindre un exercice convenu tant il est vrai que, ces temps-ci, les envolées pamphlétaires, en général assez ritualisées, sont devenues une grande spécialité au Parti socialiste. Or, n'en déplaise à son titre qui sacrifie aux poncifs de la littérature PS, ce livre sort de la langue de bois de rose.
Elevé dans le sérail (haut fonctionnaire, il fut membre du cabinet de François Mitterrand à l'Elysée avant d'être élu député de la Nièvre), l'auteur est un franc-tireur qui se classe dans les rangs, assez clairsemés, des "rénovateurs". "Un système a vécu dont la gauche doit se déprendre. Hâter la disparition de l'un, c'est hâter la renaissance de l'autre", assène-t-il dès les premières lignes. Le ton est donné : feu sur le quartier général, haro sur la rue de Solférino. S'il confesse avoir "participé auprès de François Hollande à la construction de ce curieux échafaudage idéologique et politique qui ne répondait à aucune des règles de sécurité", c'est pour mieux réclamer qu'on en hâte le démontage. Le député de la Nièvre réclame sans ambages un passage de témoin générationnel. "L'histoire du parti durant ces dernières décennies se résume à d'étranges querelles où s'affrontent puis s'allient avant de se séparer à nouveau d'anciens ministres de François Mitterrand, incapables d'imposer leur hégémonie comme de supporter celle d'un autre", s'indigne-t-il.
Sur sa lancée, Gaëtan Gorce passe au gant de crin l'approche traditionnelle des questions économiques et sociales du Parti socialiste. Il considère que "la vraie menace (...) vient moins aujourd'hui d'une offensive idéologique" de la droite que de "l'accumulation des déficits et de l'indifférence avec laquelle les gouvernements successifs semblent l'accepter". Le député de la Nièvre s'efforce de donner un contenu à la réforme de l'Etat-providence, que les socialistes ne font qu'effleurer dans leurs motions. "La rigueur est devenue une exigence populaire, ne craint-il pas d'affirmer, parce que le laxisme budgétaire signifie le délitement du système." A ce titre, il conteste "la quasi-exonération de prélèvements sociaux" dont bénéficient les sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement, mais aussi les indemnités de licenciement. Gaëtan Gorce prône aussi une forfaitisation progressive de la rémunération des médecins et suggère l'augmentation des droits d'inscription dans les universités, en les faisant payer par l'étudiant lorsqu'il aura trouvé un emploi. Des propositions qui ont peu de chances de faire écho au sein d'un PS qui tend à "gauchir" son discours à l'approche de ses congrès.
Gorce l'iconoclaste finit de renverser les tabous en suggérant de rompre avec certaines pratiques profondément ancrées dans les traditions du PS. Transformer "le festival de Cannes socialiste de La Rochelle" en une conférence annuelle composée de délégués élus. Abroger la sacro-sainte loi de la représentation proportionnelle des courants ou encore ne plus associer vote sur la ligne politique et choix des dirigeants... Voire, désigner le plus tôt possible un président du Parti, futur présidentiable, et lui adjoindre un secrétaire général. En 2007, Gaëtan Gorce (qui soutient "faute de mieux" la motion de Ségolène Royal) a claqué la porte de la direction nationale du PS. A priori, mais on peut se tromper, il n'a pas choisi le chemin le plus rapide pour y faire son retour.
CHOISIR ! LETTRE OUVERTE À CEUX QUI VEULENT ENCORE ESPÉRER DE LA GAUCHE de Gaëtan Gorce. Ed. Lignes de repères, 160 pages, 16 €.
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