Lors de la réunion du groupe qui s'est déroulée ce matin, j'ai tenu à exprimer mes réserves sur l'opportunité de déposer une motion de censure contre la politique économique du gouvernement. Non pas parce ce que celle-ci ne mériterait pas d'être sanctionnée. Elle a en particulier, au cours de ces derniers mois, accumulée les inégalités. De ce point de vue, que le bouclier fiscal n'ait pas été au moins suspendu montre le degré de cynisme auquel cette majorité est prête à céder.
Mes raisons sont de nature différente.
Le dépôt d'une telle motion semble vouloir répondre à la radicalisation que l'on observe actuellement. Le mécontentement est, c'est vrai, profond, le désarroi tout autant, et chacun ressent fortement l'injustice d'une situation de crise accentuée dont nul parmi les salariés ne porte une once de responsabilité.
Faut-il dans ces conditions chercher à en rajouter? Est-ce par la crise sociale, comme l'a dit malencontreusement un porte-parole du Parti socialiste au début de cette année qu'il faut espérer faire émerger le changement politique? Et plus précisément, est-ce l'intérêt du pays? Voir l'opinion se précipiter dans la colère, même justifiée, la revendication, même légitime, ne nous aidera pas à sortir plus rapidement de la crise, mais au contraire, nous y précipitera. Cela nous créé, par conséquent, un devoir de responsabilité!
Mais cette démarche, telle qu'elle est aujourd'hui envisagée ne me semble pas non plus répondre à l'intérêt de la gauche. Elle prend en effet le risque de l'enfermer dans le rôle d'opposant que le Président de la République est tout à fait disposé à lui abandonner et pour longtemps. La crise de 2003 sur les retraites, celle de 2005 dans les banlieues, celle de 2006 sur le CPE, malgré notre mobilisation et notre présence n'ont pas débouché, sauf si je suis mal informé, sur notre victoire politique en 2007. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'opposer. Bien au contraire. Mais qu'il faut savoir ajuster sa méthode et son style aux solutions.
J'ajoute qu'en durcissant le ton au-delà du nécessaire, dans un contexte de confusion des esprits, nous prenons le risque de contredire la stratégie dans laquelle nous nous sommes engagés depuis plusieurs semaines. En attaquant justement Nicolas Sarkozy sur la réforme de l'audiovisuel, celle du juge d'instruction, ou encore celle du droit d'amendement, la direction du Parti socialiste a voulu faire ressortir la crispation, la « radicalisation », à laquelle pouvait céder la droite. Riposter par une motion de censure, n'est-ce pas se placer sur le même terrain et tomber dans le piège qui nous est depuis plus de dix-huit mois si habilement tendu? Ne devrions-nous pas au contraire, pour des raisons de fond, comme de bonne tactique, endosser le rôle, justement abandonné par le Président de la République : celui de la défense de l'intérêt général!
Pourquoi ne pas faire de notre contre-plan de relance, plutôt que l'argumentaire d'une motion de censure, l'axe d'une proposition forte, inédite dans ce pays : celle d'un Grenelle de la crise et de la relance, dont nous pourrions prendre l'initiative et auquel serait conviés, majorité comme opposition, patronat comme syndicats. Au moment où le pays s'enfonce dans la crise, n'est-ce pas en montrant non seulement notre capacité à proposer, mais aussi notre volonté de dialogue que nous recrérons de la confiance et retrouverons de la crédibilité? N'est-ce pas de cette façon que nous protégerons le mieux celles et ceux qui sont le plus exposés, en proposant de renforcer en contrepartie de notre coopération ponctuelle, limitée dans le temps, les volets sociaux du plan de relance, ou en suggérant la suspension du bouclier fiscal? Que le Président de la République accepte notre proposition et nous en aurons devant le pays le bénéfice; qu'il la rejette, et alors tombera le masque. Pourquoi ne pas avoir le sens de l'État pour deux?
Entiérement d'accord. Ce depot de motion de censure n'a ni queue ni tête que ce soit en terme d'efficacité : le gouvernement ne tombera pas, ou en terme de communication : je me demande bien combien de Francais auront compris la signification de ce depôt de motion de censure. On se croirait du temps où les medias modernes n'existaient pas, et où la politique ne se faisait qu'à la chambre.
J'espère qu'avec espoir à gauche, vous communiquerez plus efficacement. Vous portez en tout cas l'espoir des gens de gauche qui veulent vraiment réformer le pays.
Rédigé par : Marcel | 21 janvier 2009 à 12:16