A 20 ans de distance, on est, aujourd’hui, en droit de se demander si le Mur n’a pas entrainé dans sa chute, non seulement « le Socialisme réel », qui s’est effondré dans un formidable fracas, mais aussi, tout doucettement, son concurrent historique, issu de la même souche : le projet social démocrate...
D’abord, parce que le projet social-démocrate n’avait depuis son origine cessé de se définir par opposition à son frère ennemi, cet enfant, outrageusement prodigue, né d’une Grande Guerre, dans les lueurs de l’Octobre Rouge. Pas un parti, au nord comme au sud de l’Europe, qui ne se soit présenté comme la « variante » humaniste, démocratique, d’un même projet d’émancipation. Le communisme n’était, à l’Est, que le Mister Hyde, d’un docteur Jekyll, plus présentable à l’Ouest. La disparition du premier allait priver le second d’une partie, peut-être essentielle, de son identité, lui rendant plus difficile la lutte qu’allait lui imposer dans la conquête politique de l’Europe libérée, les ultralibéraux. Ainsi, le socialisme démocratique a-t-il pu vivre le 9 novembre comme une victoire.
Mais, contrairement à ce qu’il a pu penser alors, celle-ci ne lui appartenait pas. L’échec des tentatives réformistes dans les nouvelles démocraties de l’Est en témoigne à l’envie. Le passage de témoins se fera par-dessus la tête des réformateurs de tout poil, pris de vitesse par la brutalité de l’effondrement, victimes, aussi, de l’impréparation idéologique de leur « alter ego » de l’Ouest.
Mais, il faut aller plus loin. Ce rendez-vous manqué avec l’Histoire n’était pour la Gauche européenne, pas le premier. Si une partie de celle-ci s’efforçait de justifier sa radicalisation par la crise économique prégnante depuis le milieu des années 70, sa composante social-démocrate s’était, elle, assoupie dans l’attachement à un État de moins en moins providentiel.
En réalité, la date clé se situe en août 1971 : la décision brutale des Etats-Unis de suspendre toute convertibilité en or du dollar, signait le début de la fin d’un système fordiste associant depuis trente ans, progrès économique et progrès social. La baisse tendancielle de la productivité des économies de l’Ouest allait ouvrir, à côté d’une montée du chômage, le chemin à un formidable mouvement d’innovations technologiques et financières qui ferait tomber les frontières et les réglementations. La mondialisation était en marche que la chute du Mur allait rendre, sinon inéluctable, du moins, quasi universelle.
L’erreur de la Gauche est de s’en être aperçue qu’après coup ! Pour réagir, ensuite, en ordre dispersé. Sur la défensive, les grands pays, les grands partis, se retrouvèrent d’abord, autour d’une politique de maîtrise des coûts, des salaires et des dépenses sociales qui allait leur aliéner une partie de leur électorat populaire. Pris d’un sursaut, certains, au contraire, tentèrent de s’adapter, comme la 3ème Voie, au point de sembler oublier de qui restait de sa spécificité. D’autres, enfin, comme en France, choisirent l’immobilisme, anesthésiés par leur victoire électorale, acquise en 88, renouvelée en 97, qui pouvait laisser penser que la politique de l’autruche était peut-être, au fond, la meilleure.
L’Histoire, comme toujours, a rattrapé ces différents acteurs. Et 20 ans après, la Gauche n’a toujours pas su tirer les leçons de la chute du Mur. Malgré la crise aigue des doctrines néolibérales, elle se révèle, encore aujourd’hui, incapable d’en tirer un profit quelconque, électoral ou idéologique. Au-delà de la commémoration, certes enthousiasmante du 9 novembre, qui constitue néanmoins la solution de facilité, un retour approfondi sur cette histoire des 20 dernières années, lui permettrait peut-être de rattraper le temps perdu.
D’abord, en rompant radicalement, définitivement, avec ce qui reste de l’idéologie communiste ; en cessant d’entretenir cette idée, qu’il existerait avec elle, le moindre lien de parenté. Ensuite, en prenant la peine de se redéfinir, non pas « contre » (l’ultra-libéralisme ayant pris dans ce rôle le relai du communisme autoritaire) mais « pour » un projet politique se situant à la fois dans la continuité de son histoire intellectuelle et politique et, en phase avec son temps.
A cet égard, les dernières déclarations de Martine Aubry (le JDD de dimanche dernier) ne sont pas sans poser problème : il est bel et bon de proposer de changer de système à condition d’être capable (ce qui est impossible) de définir précisément son alternative. Qui peut nier que ce soit à l’intérieur d’une économie de marché, qui plus est mondialisée, que nous ayons à agir ? Disons le tout net : ces facilités rhétoriques nous éloignent de la solution. Par quoi se définit théoriquement le socialisme ? Par sa recherche souvent déçue avant 45, pleinement relevée de 45 à 1975 d’un équilibre entre la démocratie et le marché, entre l’intérêt général et la libre initiative ! C’est en quelque sorte l’art (et la manière) d’organiser efficacement l’intervention publique sans nuire au dynamisme de l’économie.
Cette tâche est-elle aujourd’hui au dessus de nos forces ? Elle est au contraire encouragée par le défi écologique qui, à l’instar de la question sociale dans les années 30, soulève la problématique d’une nouvelle régulation. Mais, soutenir la légitimité de l’intervention publique en économie ouverte, c’est aujourd’hui, d’abord veiller à son efficacité : c’est garantir en particulier la performance de la dépense publique (en particulier en période de ressources rares) et plus encore de la dépense sociale ; c’est s’assurer de l’adéquation des moyens qui y sont consacrés avec les objectifs qui sont mobilisés.
En somme, on peut dire que la rénovation de la Gauche doit être d’abord un projet de réforme de l’état. Il ne s’agit pas là de « trahir » notre attachement au service public ou à la régulation mais d’en réformer les méthodes, les outils. La chute du Mur nous ayant appris, peut-être un peu tard, que s’y refuser, c’est prendre le risque de voir s’effondrer, avec ses illusions, son rôle historique !
Gaëtan Gorce
le commentaire de chatel est pertinent, si des socialistes ont pu cautionner la construction de l europe c est que certains socialistes portent en eux la trahison comme la nuee porte l orage
je prie le grand jaures de pardonner cette mauvaise comparaison
Rédigé par : girard | 16 novembre 2009 à 21:08
s il te plait ne parle plus de role historique ca veut rien dire , je pense a ceux qui croyaient avoir un role historique qui voulaient en mettre d autres dans les poubelles de l histoire et qui justement se sont retrouves eux memes dans les dites poubelles et encore des poubelles de petites tailles ...alors
Rédigé par : girard | 16 novembre 2009 à 21:02
"Qui peut nier que ce soit à l’intérieur d’une économie de marché, qui plus est mondialisée, que nous ayons à agir ?"
On peut tout à fait le nier. Pourquoi les principes du marché devraient-ils s'appliquer à l'ensemble de l'activité économique? N'est-il pas évident, contrairement à ce qu'affirme GG, qu'il y a des biens et des services qui, en quelque sorte par essence, échappent, ou en tout cas devraient échapper, aux principes du marché?
Quant à la mondialisation, elle résulte d'un choix politique qu'il faut remettre en cause en instituant, aux frontières de l'Europe, des restrictions au libre-échange.
Selon GG, l'intervention publique dans l'économie est légitime et ce serait sur ce point que les libéraux et les socialistes s'opposeraient. Mais alors comment expliquer que les socialistes aient pu cautionner la construction de l'Europe telle qu'elle existe aujourd'hui étant donné que celle-ci interdit justement aux Etats d'intervenir dans l'économie au nom du sacro-saint principe de la concurrence libre et non faussée?
Rédigé par : chatel | 15 novembre 2009 à 14:31