Les remugles de l’affaire DSK font ressurgir des tréfonds de notre vie politique des réalités dont on fait mine de s’étonner. Et d’aucuns (d’aucunes plus souvent encore) de s’indigner que la réaction des dirigeants politiques français laisse peu de place à un féminisme dont ceux-ci ont pourtant coutume de se réclamer.
Si leur indignation est légitime, c’est l’étonnement qui l’accompagne qui, au total, étonne !
D’abord, parce que peu de femmes peuplent les allées du pouvoir si bien que la culture dominante reste largement masculine.
Ensuite, parce que celle-ci est marquée par une volonté de puissance dont, même à gauche, on a du mal à s’exonérer. Dans un livre récent, Christophe Prochasson s’est efforcé d’examiner les rapports de la gauche et de la morale pour rappeler combien les socialistes, dès l’origine et tout au long de leur histoire, voulaient que leur démarche fût exemplaire. Léon Blum y reviendra dans « A l’échelle humaine » où analysant les causes de la défaite de la classe ouvrière entre 1936 et 1940, il y verra aussi, pour une part, la conséquence d’une forme de relâchement moral.
Et bien, nous en sommes là aujourd’hui. Ceux qui aspirent à diriger ne se recommandent plus suffisamment de valeurs collectives ou d’une éthique. Ils comptent d’abord sur leur énergie ou leur appétit. Je n’irai pas jusqu’à dire que du politique au sexuel, il n’y a qu’un pas, mais il ne fait aucun doute qu’une telle approche conduit nécessairement à instrumentaliser les autres plus qu’à les reconnaître et à les respecter.
Il ne peut donc s'agir de questions anecdotiques à ranger au rayon des faits divers, mais bien de problèmes politiques qui engagent notre conception du rapport aux autres et de la dignité humaine. La gauche ne peut se résigner au processus, qui, de Berlusconi aux scandales sexuels au sein du football abaisse la femme et par contre-coup notre degré d'humanité. Aux progrès obtenus en matière d'égalité ces dernières décennies semble succéder un recul sensible dans la façon dont responsables et médias s'accommodent, voire excusent des comportement qui relèvent pourtant de la violence et du mépris. De Ruby à Zahia, ne nous y trompons pas, c'est bien du même combat qu'il s'agit. L'on ne peut dénoncer « la déshumanisation » de l'économie et ne pas voir dans la tolérance dont bénéficie la « sexualisation » débridée de certaines élites une même dérive vers la négation de l'individu. Celle-ci, en toute logique, ne frappe-t-elle pas d'abord celles qui sont socialement les plus vulnérables ?
Que penser à cet égard des rapports, consentis, établis dans un cadre de travail, c'est-à-dire dans un contexte où l'existence d'une relation hiérarchique fait naître inéluctablement une forme de suspicion ? Ne serait-il pas temps, à cet égard, d'adopter, dans les entreprises comme dans les collectivités (y compris au Parlement), une charte éthique qui informe et protège ?
Enfin, parce que ceux qui tiennent le pouvoir s’y accrochent relativement longtemps et se révèlent au fond peu représentatifs des mutations de la société. Telle journaliste, ne déclarait-elle pas l’autre soir à la télévision que les comportements machistes avaient tendance à se raréfier au fur et à mesure du renouvellement du personnel politique ?
Pour éviter une conclusion facile, je n'irai pas jusqu'à prétendre que la femme reste un peu l’enjeu du pouvoir. La politique telle qu’on la pratique encore, serait-elle une Guerre de Troie sans cesse recommencée où les beaux yeux d’Hélène déchaînent toutes les passions ? Sauf qu’à l’époque si peu romantique qui est la nôtre, le corps et ses plaisirs soulèveraient plus de désirs qu'un simple et doux regard et les promesses qui l’accompagnent. Que pèseraient aujourd'hui les deux mains que Gide fait se rejoindre au seuil de sa « porte étroite » ?
Mais peut-être, au final, l’affaire DSK permettra-t-elle d’accélérer une prise de conscience et de faciliter les évolutions déjà amorcées grâce notamment à la parité? Mais celle-ci ne suffira pas à effacer les caractéristiques d’une culture du résultat et du temps présent qui conduit les plus acharnés à mesurer la qualité de leur vie à l’aune de leurs conquêtes... électorales ou autres.
Merci pour cette analyse très fine de la situation.
Heureusement que nous pouvons compter sur des élus de votre sobriété.
Bonne continuation!
Rédigé par : Damien | 01 juin 2011 à 20:03
On ne peut être que d'accord avec tout cela , oui en abaissant la femme on abaisse notre degré d'humanité.
Il faut se raccrocher à une note positive:
"le poète a toujours raison
qui voit plus loin que l'horizon
et le futur est son royaume
.......la femme est l'avenir de l'homme"
Et réjouissons nous d'être républicains car nous aurions entendu sur les berges de la Seine , pour différencier une fille d'un garçon 21 ou 101 coup de canons, peuchère ...
girard
Rédigé par : [email protected] | 25 mai 2011 à 18:51
Bravo, bravo, bravo.
Cher Gaëtan, je tiens ici à vous remercier pour votre persévérance dans votre recherche permanente d'intelligence, de justice et d'éthique.
Félicitations pour cet article, qui, par les temps qui courent, est particulièrement courageux.
Amicalement
Bernard
Rédigé par : Bernard Vialatte 47380 Monclar | 24 mai 2011 à 17:36