En comparant Angela Merkel à Bismarck, Arnaud Montebourg a non seulement commis une erreur historique, mais aussi une double faute politique. Comment ne pas comprendre en effet que l’avenir de l’Euro, et de l’Europe elle-même, dépend aujourd'hui de la capacité de la France et de l'Allemagne à travailler et proposer ensemble ? D'autant que loin d'être "nationaliste et arrogante", l’Allemagne bouge aujourd’hui, en réalité, plus que la France ! Comment ne pas voir ainsi que même la CDU, à son Congrès de Leipzig, a mis sur la table une vision de l’avenir de l’Europe (élection du Président de la Commission au suffrage universel, droit d’initiative législative donné au Parlement européen, etc) que l’on est loin de retrouver dans nos propres débats !
Sans doute devons-nous faire preuve de vigilance sur les risques d'une prise de pouvoir par les experts dont on ne saurait accepter qu’ils se substituent aux Parlements en matière budgétaire. Et François Hollande a eu raison de refuser une « judiciarisation des traités ». Mais peut-on en revanche reprocher à nos amis Allemands de ne vouloir consentir des efforts financiers supplémentaires qu’après avoir avoir obtenu de nouvelles garanties de la part de leurs partenaires ? N’est-il pas paradoxal de les « agresser » au moment où il faudrait au contraire se montrer créatifs et avancer des solutions, à 2 ou à 6, qui associent les Parlements – à l’instar de ce que vient de faire Jean-Louis Bourlanges, qui préconise par exemple que le contrôle des Budgets soit confié à des représentants de toutes les commissions des finances des pays engagés dans un processus de coopération renforcée ? Ne serait-il pas temps de suggérer de nouvelles avancées en matière d’intégration budgétaire et fiscale à l’Allemagne, plutôt que de lui renvoyer à la figure un rappel brutal de son histoire ?
Mais ces propos sont aussi malheureux au regard des enjeux de la campagne présidentielle. En se plaçant dans le camp des critiques de l’Allemagne, Arnaud Montebourg laisse à Nicolas Sarkozy le rôle du « responsable à la recherche de solutions avec notre partenaire incontournable » ! Or, que voulons-nous pour demain ? Une France qui s’isole ? Une Europe livrée à elle-même dont le destin ne nous concernerait plus en priorité ? Il est certain que la réponse au malaise européen ne viendra pas plus de déclarations à l’emporte-pièce que de petits arrangements improvisés, mais de propositions novatrices que notre candidat a heureusement commencé à formuler à Berlin ce lundi. Mais il lui faudra aller plus loin. Faire preuve de plus d’audace. Pour dire à nos amis Allemands combien nous comprenons leurs craintes mais pour leur dire aussi que la France ne pourra accepter de nouveaux transferts de souveraineté que s’ils s’accompagnent de progrès dans les domaines de l’intégration politique, fiscale et budgétaire.
Comment y parvenir, sinon en saisissant l’occasion qui nous est offerte par la crise de proposer la constitution d’une véritable union franco-allemande qui puisse sur le plan économique, comme sur le plan budgétaire, mettre en commun et partager les moyens indispensables à de nouvelles percées dans le domaine universitaire, industriel, technologique ou de la recherche ? Pourquoi ne pas consacrer une part de nos ressources, Français et Allemands et tous ceux qui le voudraient, à un budget commun consacré au financement de ces priorités ? Et pourquoi ne pas aller vers un véritable Gouvernement franco-allemand, ouvert à tous ceux qui voudraient s’y joindre, qui pourrait fixer sur des périodes pluriannuelles les grandes orientations de cette stratégie économique et budgétaire commune ? Pourquoi ne pas relancer la coopération renforcée en matière d’harmonisation fiscale, amorcée en particulier sur l'assiette de l’impôt sur les sociétés ? Voilà les pistes à partir desquelles l’Europe et la France, avec l’Allemagne et tous ceux qui voudraient s’y associer, pourraient retrouver un élan.
C’est en remettant notre histoire en marche que nous pourrons dire définitivement adieu à Bismarck comme à Déroulède…
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