La délégation de la Wallonie à Paris recevait hier soir Maurice Nadeau et Marcel Moreau, deux écrivains liés par une vieille amitié, l'un ayant été voici 50 ans le premier lecteur - et éditeur - de l'autre.
Un "autre" qui se dit possédé par les mots, qui le réveillent tous les matins dès 5 heures. Qui parle de "machine à mains" et de "tapuscrit" pour décrire les étapes d'une écriture si fougueuse qu'elle perd des lettres en route, plaçant celui qui découvre son travail devant une interrogation : s'agit-il d'écriture, de dessin, que sais-je encore ?
Moreau use aussi de néologismes qui, comme la « chaonaissance », expriment si bien à la fois le désordre que sont et la connaissance et l'accès à celle-ci. Moreau écrit pour canaliser la violence qui l'habite, celle des sentiments, de la passion amoureuse comme celle de l'animalité, mais aussi pour exprimer un esprit de révolte que le temps n'a pas assagi. Nadeau, lui, s'est borné à faire le compte (le conte ?) de ses succès d'édition comme de ses échecs, les deux se confondant en réalité, chaque nouvelle trouvaille se soldant par un plus grand déficit. Il reste donc bien quelques mécènes, même si leur évocation lui arrache dans un souffle un : « Il faut bien s’adapter, hélas ! ».
C'est en tout cas par la lecture que l'un et l'autre vinrent à l'écriture, comme un glissement naturel, la passion de créer venant après celle de découvrir. À les écouter là (las ?), modestes, pressés de retourner à leurs livres, on les sentait un peu hors du temps, du coup nullement vaincus, comme retranchés non pas du monde mais de l'actualité... Inutile alors de se demander si un autre monde est possible. Il est là tout à côté ; il est même habité !
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