Dieu sait (votre laïcité exigeante me pardonne cette entrée en matière) que chaque ligne de votre dernier opuscule m'a réjouit comme elle devrait combler d'aise quiconque se fait de la Gauche une idée assez haute pour ne la réduire ni à un programme ni à un parti. Qu'il reste des voix assez fortes pour rappeler que le socialisme n'a de sens (d'honneur même) qu'associé à une éthique, une exemplarité, une préoccupation de l'intérêt général, ne peut que réconforter celui où celle que révulsent chefs de clan, porte-flingues et faiseurs de Congrès. Que l'on puisse ainsi rappeler la Gauche à ses devoirs, c'est-à-dire à son Histoire, est plus qu'une chance : une absolue nécessité !
C'est ce que j'ai modestement essayé de faire en publiant voici quelques mois "L’avenir d'une idée" ; c'est ce que vous avez accompli en quelques pages hâtives mais inspirées (1). Où il est, en vrac, question du peuple et du respect qui lui est dû, de la nation et des valeurs universelles qui font notre République, du monde et des défis qu'il invite à relever, de la politique et de la haute idée qu'il faut continuer à s'en faire. Ou bien encore du grand Marc Bloch, et de l'étrange défaite d'une certaine idée de la France, du culte du veau d'Or et de ses multiples desservants !
Bref, vous nous adressez, à nous socialistes, mieux qu'un rappel à l'ordre : une invitation à retrouver nos esprits, non pour sacrifier à la nostalgie mais pour conduire la bataille que la vulgarité d'élites vendues au court-termisme oblige à engager. Retrouver le sens de l'intérêt général, aligner sa façon de vivre sur sa façon de penser, rendre de l'importance aux idées, se tourner vers l'avenir en gardant la fierté et la connaissance de ses origines, telles sont vos petites rêveries dont j'aimerais que mes camarades fassent leur ordinaire. Et qu'à les faire partager, ils se consacrent désormais : à la fraternité plus qu'à la compassion, au débat plus qu'à la communication, à la décence plus qu'à l'exposition… Vaste programme ! Mais qui mériterait qu'on lui applique la maxime de Guillaume d'Orange…
Pourquoi faut-il alors qu’il suscite UNE réserve ? Parce qu'une fois traduit en langage électoral d'aujourd'hui, c'est vers Jean-Luc Mélenchon que vous porte, si j'en crois les gazettes, ce beau message. Loin de moi l'idée d'enlever à notre tribun son mérite. Et si, pour une part, il triomphe, c’est pour savoir dire leur fait aux arrogants qui peuplent médias et premiers rangs du pouvoir. Ainsi incarne-t-il avec succès une Gauche qui ne s'excuse plus. Mais cela peut-il suffire ? Et si la voix porte, porte-t-elle si loin ? Gouverne-t-on sur ce ton-là ? Si la Gauche ne peut (plus) se confondre avec le réel, ne doit-elle pas garder prise sur lui ?
Certes, vous regrettez qu'Hollande ait donné encore si peu de couleur à son "rêve français". Mais l'envie de redonner du volume à l'ambition socialiste n'est-elle pas un progrès, un premier pas sur le chemin d'un redressement intellectuel et moral ? N'est-ce pas lui qu'il faut aider à se montrer à la hauteur d’un tel projet, à se libérer des petitesses, de comportement comme de pensée, de certains de ses amis ? Rêver la Gauche, n'est-ce pas la vouloir noble au pouvoir, plus que fière dans l'opposition ? N'est-ce pas rêver d'une victoire électorale qui ne soit pas une défaite de la pensée ou de la volonté ? N'est-ce pas imaginer des socialistes décidés à se changer eux-mêmes en changeant le pays ?
Est-ce, cher Régis, trop demander ? Trop espérer ? Ne serez-vous pas d'accord pour essayer ? Être aujourd'hui tranquillement confiants, pour être terriblement exigeants demain ! Vous conviendrez avec moi qu'inverser la proposition ne pourrait être la solution !
Rêveusement vôtre,
G.
(1) Régis Debray, Rêverie de Gauche, Flammarion, 2012
"Si la Gauche ne peut (plus) se confondre avec le réel, ne doit-elle pas garder prise sur lui ?"
Oui, bien sûr, mais afin de le transformer et c'est ce à quoi le PS au pouvoir semble avoir renoncé au nom de certaines contraintes qui sont réelles, certes, mais dont il est néanmoins possible de s'affanchir. Il en est ainsi des contraintes européennes, notamment l'interdiction qui nous est faite d'emprunter à la BCE. L'idée de JLM est tout à fait juste: il faut renégocier les traités européens et, si l'on n'y parvient pas, en sortir.
Rédigé par : chatel | 13 avril 2012 à 14:15
Redonner un sens au socialisme amoindri par de faux amis, un ramassis de collabos qui se sont vendus pour un ministère, une place lucrative au conseil constitutionnel et j'en passe , car la croyance au socialisme n'a jamais fait défaut au petit peuple , une fois de plus la trahison est venue de ce que je répugne à nommer "élites" .
Si Régis Debray se porte sur un autre que François Hollande il doit bien avoir une raison .
Je ne peux imaginer"des socialistes décidés à se changer eux-mêmes en changeant le pays"car je n'ai encore à mon âge jamais vu que l'on puisse changer une bourrique en cheval de course et si ces gens là sont sincères qu'ils aillent donc faire un tour à Canossa après on verra.
Je crois en la victoire de la gauche indispensable pour sauver la démocratie qui sinon périra étouffée par la finance, voilà le combat qu'il faudra conduire et ce combat nous montrera qui sont les vrais socialistes et les autres.
girard
Rédigé par : girard rene | 10 avril 2012 à 19:56