Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs, Chère Catherine,
Y-a-t-il plus belle fonction que celle qui, pour s’exercer, doit s'appuyer sur la confiance, obtenue et renouvelée, de ses concitoyens ? Y-a-t-il plus belle mission que celle d'incarner la démocratie dans son expression la plus directe et la plus personnelle ?
Telle est la fonction d'un élu du peuple ! Telle est la mission qu'a accompli à l'Assemblée Nationale de 73 à 93, dans cette mairie deux mandats durant, notre ami Jacques des Etages.
La politique, il n'y est pas venu. Elle est en quelque sorte venue à lui. Il n'a pas été de celles ou de ceux qui sollicitent les suffrages par ambition personnelle, première étape d'un plan de carrière longuement muri. Il n'a pas été de celles ou de ceux qui ont hérité leur siège, prenant la succession d'un élu ayant déjà, comme cela arrive, défriché le terrain.
Non ! C'est en réalité la politique qui est venue à lui, tant il apparaissait naturel que ce médecin aimé, salué, respecté, représentant ses concitoyens, ses pairs. Parce que Jacques, le créole, avait su, par son élégance, sa simplicité, sa générosité, devenir le premier dans le cœur des Cosnoises et des Cosnois, Il devint par un enchainement logique le premier aussi dans les Urnes !
Conseiller Général, Maire, député, il n'hésitait pas à "cumuler" comme on dit aujourd'hui. Mais nul, alors, n'en était troublé tant il paraissait naturel d'élargir la confiance que l'on portait à un élu, aux différents cercles où pourrait s'étendre efficacement son influence. Je voterai sans l'ombre d'une réserve l'interdiction du cumul de mandats de Maire et de parlementaire. Mais il faut savoir qu'avec cette mesure c'est toute une génération d'élus qui finira de disparaître. Et si l'on ne regrettera pas les cumulards possessifs, les caractériels du pouvoir local, ce n'est pas sans peine que l'on passera à une époque nouvelle où l'enracinement comptera moins que l'étiquette. Il vous faudra veiller, Mesdames et Messieurs, à ce que ne succèdent pas aux notables d'hier les apparatchiks sans âme de demain !
L'histoire politique de notre République, depuis que Gambetta la proclama du Balcon de l'Hotel de Ville de Paris en septembre 1870, s'est faite avec ce qu'on appelait alors le scrutin d'arrondissement, ce combat de gladiateurs qui, dans chaque circonscription mettait aux prises non des partis mais des hommes doués d'idées plus ou moins avancées, mais assumées avec constance et détermination. C'est à travers ce mode de scrutin, et non la proportionnelle qui débilite les volontés, que la République put et sut s'imposer. Parce qu'elle fut capable dans tous les bourgs de France de susciter la vocation de la défendre et la représenter. Qu'elle se soit identifiée à des hommes connus de leurs concitoyens plutôt qu'à des partis a joué, j'en suis convaincu, un grand rôle dans son succès et dans son enracinement. Ce qu'il ne nous faudra pas oublier...
Evoquer Jacques des Etages, c'est au fond évoquer les qualités que l'on est en droit d'attendre d'un élu de la République : une modestie qui vous place toujours à hauteur d'homme, une intégrité qui vous permet de défendre sans faillir l'intérêt général, une connaissance des hommes, de leurs habitudes, de leurs soucis comme de leur petits bonheurs qui vous autorise à parler, sans risque, en leur nom. Mais ce qui faisait aussi la force, et la noblesse, de Jacques, c'est qu'il avait une histoire. Sa vie, comme celle de toutes les générations d'alors, ne s'était pas faite de manière linéaire.
N'avait-il pas assisté pendant la guerre au procès de son père, élu de Fort de France, plus tard délégué à l'assemblée consultative d'Alger, et à sa condamnation à trente et un mois de forteresse à l'Ile du Diable en Guyane, là où fut enfermé Dreyfus, simplement parce qu'il refusait l'armistice et son déshonneur ? Révolté par le régime de Vichy ne s'était-il pas engagé à 18 ans dans les Forces Françaises Libres pour servir dans l'aviation de bombardement ? N'en tirant nulle gloire, il n'en parlait jamais en public ayant le sentiment sans doute de n'avoir fait que son devoir.
Mais n'avait-il pas aussi entamé son parcours d'élu selon le "cursus honorum" le plus classique en se faisant d'abord élire, ce qui dans nos petits départements est le mandat le plus dur à obtenir, conseiller général en 1970 à 47 ans ? Ne fut-il pas alors de ceux qui suivirent de près François Mitterrand dans sa lente conquête du pouvoir qui devait d'abord le conduire à faire du PS le premier parti de la gauche (et Jacques y contribua en gagnant à Cosne en 73 une circonscription où le PCF avait jusqu'alors toujours dépassé le PS) avant d'en faire le premier parti de France ! Ne connut-il pas les hauts et les bas du pouvoir, au point en 88 d'être triomphalement réélu à l'Assemblée au premier tour en Juin puis battu à la surprise générale aux cantonales en septembre de la même année ? Cette défaite, la première et la dernière aussi de sa vie politique, nous en dit beaucoup sur la nature de son engagement. Parce qu'il y mettait le meilleur de lui même, elle marquera pour lui une rupture. La politique au fond n'était pas sa vraie compagne : et la disparition de celle-ci allait le conduire à se retirer d'une vie publique qu'il continuait pourtant à suivre avec attention, attendant, espérant que la Gauche regagne, à Cosne d'abord, le terrain perdu. Ainsi fut-il depuis le premier jour à mes côtés, président de mes différents comités de soutien ! Ainsi n'est-ce pas sans émotion que je demandais en 2007 à celui qui fut son suppléant, notre ami Robert Bourcier, qui est parmi nous, d'être le mien pour la législature qui vient de s'achever ! Ainsi suis-je heureux d'avoir en 1997 pu renouer le lien avec un mandat national perdu de peu en 93 par JP Mignard ! Ainsi, j'imagine ce qu'eut été sa joie s'il avait pu assister à la victoire de l'équipe d'Alain Dherbier voici 4 ans, ouvrant pour notre ville une ère nouvelle.
Aussi, cher Alain, je te remercie, ainsi que ton équipe, d'avoir pris l'initiative de donner le nom de Jacques à cette belle place située devant l'Hotel de Ville. Parce que le nom de nos rues, de nos boulevards, de nos places doit servir non seulement à honorer ceux dont la vie a été mise au service des autres. Mais aussi à rassembler nos contemporains autour de figures dont chacun s'accorde à dire, une fois disparues, qu'elles méritent une reconnaissance unanime. Il en va ainsi de notre ami Jacques Huygues Des Etages qu'à travers vous et sa famille, présente cet après-midi, je salue avec joie, émotion et gratitude, aujourd'hui !
On peut regretter que cela se fasse si tard. L'on doit surtout se réjouir, que loin des sectarismes qui lui étaient si étrangers, cela soit devenu possible.
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