Si faire de ce Congrès "une question de principes" nous vaut un vrai succès de sympathie dans les réunions auxquelles nous participons, nul doute qu'il sera jeudi plus difficile de concrétiser ce sentiment en votes tant l'inquiétude est grande.
Au-delà en effet des pressions exercées (chassez le naturel et dans certaines fédérations il revient au galop), la peur de la division, attisée par la rhétorique de la direction du PS, rencontre celle, ressentie par beaucoup, des difficultés politiques à venir ! Si bien que nombre de nos adhérents croient voir dans le ralliement à une démarche qui les choque (la cooptation au nom d'une unité prétendue) le seul moyen, pourtant, qui leur serait donné de manifester leur soutien au Gouvernement. À nous de démontrer qu'il n'en est rien et que le débat va au-delà du Congrès comme de l'action quotidienne du Pouvoir.
L'on aurait certes pu penser à d'autres choix, mais nous avons la chance d'avoir à la tête du gouvernement un homme intègre moralement et politiquement, et qui n'a d'autre ambition que de bien accomplir sa tâche. Alors, oui, il faut l'aider ! C'est pourquoi, malgré des réserves légitimes, il faut voter le Traité européen. Et du même coup sanctionner ceux qui ont choisi d'en faire un enjeu de Congrès...
Mais aider le gouvernement, c'est aussi le flanquer d'un parti fort, qui soit non une pâle copie, ou un simple porte-parole mais un partenaire politique loyal, solide, et aussi conscient que son horizon va au-delà du calendrier gouvernemental. La rénovation n'est, de ce point de vue, pas une simple question de principe démocratique. Mais, tout aussi bien, un enjeu politique majeur.
Que nous démontrent, en effet, les mois qui viennent de s'écouler sinon que nous ne pouvons plus sous-traiter au Front de gauche l'expression de la colère sociale et aux Verts notre ambition écologique, chacune de leurs prises de position nous apportant la preuve que faute de cohérence pour les uns, de maturité pour les autres, ils ne peuvent l'assumer ?
Il n'est pas mauvais quelquefois d'être assez lucide pour bien évaluer la conséquence et la logique de ce que l'on met en œuvre : les Primaires poussent inéluctablement à une fédération des gauches sous l'égide du PS. Limitées à un usage interne, elles conduiraient en revanche à son éclatement sous la poussée des luttes d'écuries qui se reconstituent déjà autour des plus ambitieux et (parfois) talentueux de nos ministres. Les hommes font l'Histoire, disait le philosophe de Trèves avec l'ironie mordante dont il était coutumier, mais ne savent pas l'histoire qu'ils font. Aussi est-il savoureux que ce soit à Arnaud Montebourg, le plus fervent contempteur de la Vème République, que revienne le mérite d'avoir introduit dans notre système les Primaires, instrument d'une présidentialisation et d'une personnalisation accrues.
C'est donc à d'autres qu'il revient de tirer les leçons de cette innovation : à celles et ceux qui auront la charge de conduire le PS dans les prochaines années et auxquels il incombera de prendre l'initiative de cette fédération. Pour y parvenir, il leur faudra d'abord s'adresser aux électeurs de la Gauche (comme nous l'avons fait avec les Primaires), en les associant à nos débats, en organisant en notre sein cette diversité sur une base nouvelle qui ne peut plus être celle des vieux courants. En pensant aussi ce rassemblement sur un plan théorique via l'éco-socialisme. Il y a là une tâche magnifique pour une nouvelle génération de dirigeants politiques qui dédierait son engagement à cette régénération de la Gauche. Pas de ces apparatchiks qui ne pensent qu'à succéder aux élus dont ils ont été les collaborateurs, formant une génération de suppléants perpétuant y compris dans leur pratique la postérité de ceux qui leur ont délégué l'héritage. Non, des hommes et des femmes courageux, inventifs, déterminés, indépendants des coteries, qu'il nous faudra faire émerger ! Si ce n'est à l'occasion de ce Congrès, alors au-delà...