Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes cher(e)s collègues,
La situation de l'emploi ne cesse, depuis 4 ans, de se dégrader. La vague atteint désormais une hauteur historique que la mobilisation des contrats aidés, la mise en œuvre des emplois d'avenir et demain des contrats de génération, ne suffira pas à briser. L'année qui vient risque ainsi d'être l'une des pires que le pays ait connu. L'ampleur de cette catastrophe sociale est encore aggravée par les caractéristiques particulières de notre marché du travail : ce sont les plus fragiles qui sont le plus durement et surtout le plus durablement frappés ! Ainsi, l'impact du chômage concentre-t-il ses effets, depuis plus de 30 ans, sur les mêmes catégories sociales, les mêmes classes d'âge et les mêmes territoires !
Répondre à un tel défi ne relève pas, à l'évidence, de la seule politique de l'emploi. Le mouvement ne pourra être circonscrit que par un redémarrage de l'économie que le plan compétitivité est censé permettre. On peut craindre, néanmoins, qu'il n'y suffise pas et qu'un soutien massif à l'investissement soit bientôt nécessaire, pour autant que l'Union Européenne veuille bien considérer que pareilles dépenses devraient être défalquées du montant du déficit « autorisé ».
Mais au-delà de ces enjeux sans doute déterminants, nous ne pouvons laisser jouer à la politique de l'emploi un rôle subsidiaire. Ne serait-ce que parce que celle-ci n'est pas loin de représenter près de 80 milliards d’euros, d'allégements de cotisations sociales en aides à la formation, d'indemnités chômage en soutien aux emplois de services à la personne. Le problème est que ces 80 milliards d'euros sont mobilisés en fonction de critères différents, pour toucher des cibles distinctes et sans jamais être évalués. Je n'hésite pas ici à affirmer que notre politique de la formation et de l'emploi est plus gouvernée par le poids des habitudes, l'influence des corporatismes que par le souci de l'efficacité.
C'est pourtant cet objectif qui devrait aujourd'hui exclusivement nous guider, face à l'état d'urgence auquel nous sommes confrontés.
Certes, il est difficile de réformer en pleine crise. Mais n'est-ce pas le préalable nécessaire sauf à succomber à la tentation des effets d'annonce et des coups d'épée dans l'eau ? Trois axes de réformes me paraissent devoir être privilégiés :
- d'abord, remettre un pilote dans l'avion, c'est-à-dire placer les politiques de l'emploi sous une seule autorité. Bien loin d'avoir simplifié la situation, la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, complétée de la création des maisons de l'emploi, a débouché, à l'échelon territorial, sur un imbroglio total. Les services, qu'il s'agisse de ceux de l'État, des Régions, des Départements, des Missions locales ou des Chambres consulaires, dépensent, de leur aveu même, la moitié de leur temps et de leur énergie à se coordonner ! Il faut mettre un terme à ce désordre et confier soit à un représentant déconcentré de l'État soit à la Région la totalité des compétences emploi-formation sur le terrain.
- ensuite, réaliser la fongibilité de la totalité des crédits dédiés. C'est chaque territoire, en fonction de ses caractéristiques propres, qui doit pouvoir décider d'employer ses moyens budgétaires à telle action plutôt qu'à telle autre. Je plaide pour la création d'offices locaux de l'emploi et de la formation concentrant tous les crédits disponibles dans le cadre de contrats pluriannuels d'objectifs arrêtés en concertation avec les partenaires sociaux et les collectivités locales.
- enfin, mettre les partenaires sociaux devant leurs responsabilités. C'est ce qu'a fait le Chef de l'État dans sa conférence de presse, avec ce bémol qu'il a cru utile d'ajouter qu'à défaut d'accord l'État reprendrait la main. Tout au contraire, nous devons dire aux syndicats comme au patronat qu'il est de leur devoir de définir de nouvelles conditions d'emploi des ressources de la formation comme de l'indemnisation chômage. Leur utilisation devrait être tout entière destinée à réduire le chômage et mieux couvrir ses conséquences. La durée d'indemnisation ne devrait-elle pas varier non en fonction de la durée de cotisation mais des difficultés de reclassement ? La formation ne devrait-elle pas bénéficier en priorité aux jeunes ou aux chômeurs non qualifiés ?
Cette démarche pourrait s'inscrire dans un vrai plan d'urgence sociale qui permettrait de montrer non seulement que le gouvernement à pris la mesure du problème, mais qu'il est déterminé à agir le temps nécessaire au redressement économique du pays. Non en mobilisant des crédits nouveaux qui seront bien difficiles à trouver dans cette période de pénurie budgétaire, mais en mettant de l'ordre dans la masse considérable des crédits existants. C'est cette volonté, monsieur le ministre, que nous aimerions vous entendre exprimer !
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