La polémique ouverte sur Manuel Valls par le parti de Gauche témoigne d'une incroyable confusion des esprits et d'un manque évident de clairvoyance politique. La faute en est à la confusion qui règne dans les partis dont les frontières ne correspondent plus à la réalité des clivages ou plutôt des sensibilités à gauche.
En plaçant Manuel Valls à...."l'extrême-droite du PS", le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon a témoigné à sa manière, lourdement provocatrice, de cette incompréhension.
L'erreur est de ne pas comprendre que le ministre de l'Intérieur est moins un socialiste qu'un républicain de gauche. Il l'assume d'ailleurs parfaitement en se situant plutôt dans la lignée de Clémenceau que de Jaurès. Pas une de ses interventions qui ne fassent référence à une conception de l'Etat tirée de cet héritage : autorité de la loi sans cesse rappelée, attachement à la laïcité, conception stricte de la souveraineté et de la citoyenneté (dont témoignent ses réserves à l'égard du vote des étrangers). Il incarne ainsi une sensibilité ancienne à Gauche, respectable et utile, que Jean-Pierre Chevènement en son temps s'était déjà efforcé de réveiller.
On ne peut dès lors, sans manquer à la raison, reprocher à Manuel Valls de ne pas être assez socialiste. Tout juste pourrait-on regretter qu'il soit trop...républicain, ce qui, on en conviendra, nuance la critique. Le vrai problème est qu'il exprime seul un point de vue qui recueille un assentiment en réalité plus large mais dispersé entre quelques factions du PS, le PRG et le Mouvement des Citoyens. La logique voudrait qu'une jonction s'opère entre ces "forces" pour constituer l'aile républicaine dont la majorité aurait bien besoin.
De ce désordre, la responsabilité incombe aussi bien, au parti socialiste, parti attrape-tout qui ignore, par manque de culture politique de ses chefs, et ses racines et sa vocation...
Le clivage, à la gauche des Républicains, ne passent pas en effet entre "sociaux-libéraux" et "néo-révolutionnaires". Le discours de radicalité que tente de porter Mélenchon, dans le prolongement de l'antique mission tribunitienne du PCF, est épuisé, en tout cas sous cette forme. Il épouse de vieilles querelles auxquelles l'Histoire a déjà, depuis la chute du Mur, réglé leur compte. Non qu'il ne faille construire une nouvelle critique du capitalisme moderne, mais celle-ci ne pourra que manquer sa cible si elle vise son adversaire idéologique d'hier qui s'est au contraire, depuis 3 décennies, profondément transformé. C'est moins la lutte des classes qui doit désormais lui servir de guide que l'exigence d'un nouvel ordre économique et social rendu incontournable par la crise financière et plus encore la crise écologique. Si le républicain de Gauche est d'abord un homme d'ordre (mais d'un ordre... juste), le socialiste, s'il veut rester fidèle à lui-même (ou le redevenir), doit être un homme de pensée, de projet voire d'utopie. Sa mission est d'anticiper sur le monde de demain en mobilisant les valeurs de dignité et de justice qui l'associent à son partenaire moins allant.
Au lieu de cela, chacun se replie dans le confort facile de la dénonciation de l'autre. Comme autrefois à l'entrée du Salon Officiel, s'installent à l'orée de nos débats, des censeurs qui, à l'instar de leurs prédécesseurs qui prétendaient arrêter une fois pour toutes les "canons" du beau, décident pour les autres de ce qui est de gauche et ce qui ne l'est pas. Cette paresse "bourgeoise" à considérer que les choses pourraient être autrement, cette défense acharnée des rentes idéologiques, telles sont les causes de l'inertie des socialistes d'aujourd'hui. Tous devraient au contraire se regrouper derrière une critique renouvelée du système et la construction d'une alternative "éco-socialiste" pour mieux ensuite conforter leur alliance avec le camp républicain. C'est à cette recomposition qu'il conviendrait de travailler sans relâche. Elle nous permettrait, une fois faite, d'éviter les erreurs de jugement... et au porte-parole du PG de se tromper de cible. Ce qui en politique, comme à la chasse, est toujours plus prudent...
Le ministre de l'intérieur fait bien son travail, il ne faut pas qu'il soit ministre du travail, la comparaison avec Clemenceau peut se concevoir mais il lui faudra faire la différence entre la pègre et les ouvriers qui défendront leur dignité , que l'on ne revoit jamais la première page de "l'assiette au beurre".
Pour différents sujets il n'a pas de "langue de bois"ce qui est à son honneur: il appelle un chat un chat ce qui n'est pas si courant.
Pour certain problème à résoudre c'est ce que j'ai toujours penser:"on ne discute pas avec le diable on le combat"
Je regrette que vous n'ayez plus Jean Luc Melanchon avec vous , c'est une grande perte à mon sens, il arrive lui à mâcher des feuilles de coca et à dire autre chose que des inepties, faire deux choses à la fois n'est pas possible pour tout le monde!
girard
Rédigé par : girard | 20 août 2013 à 20:03
Je n'ai pas de désaccord avec tes observations et je me garderai bien de réduire Jean Luc à une caricature (même s'il s'y prête trop généreusement parfois). Mais que ne met-il l'accent sur les questions de fond : l'école-socialisme, par exemple mérite, comme tu l'indiques, un travail approfondi entre nous. Mais j'ai cherché au PG une réflexion approfondie sur le thème de la planification écologique par exemple, et je n'ai rien trouvé. La vraie question n'est-elle pas de savoir comment dépasser les postures et jeter les bases d'une vraie réflexion collective en particulier sur des enjeux qui, au delà des sujets du quotidien, engagent l'avenir.
Rédigé par : Gaëtan GORCE | 20 août 2013 à 17:41
Je te rejoins sur la complexité interne des partis de gauche et de leurs compositions, leurs lignes, leurs évolutions...néanmoins il est indiscutable que le PS, par sa composition (élus et notables, sociologie interne) et par le départ des "courants" traditionnels les plus à gauche...le PS est maintenant plus centriste, social-démocrate pragmatique, gestionnaire.
Le discours de la radicalité (et cela peut être un mot noble, d'exigence personnelle), n'est pas porté que par JLM au Front de Gauche..et on ne peut le caricaturer à quelques bons mots, quelques polémiques dans les médias, surtout que JLM est un homme politique réfléchi, capable d'analyses sérieuses..et puis il y a tout un travail autour de l'éco-socialisme, du buen vivir, de la décroissance, d'un meilleur avenir et de choix politiques plus assumés, qui peuvent être débattus à gauche et qui méritaient mieux...que le diktat d'Hollande, mon programme et rien d'autre !
Globalement le Front de Gauche ne prône pas la Révolution mais une action plus efficace, plus sociale et humaine, plus juste vis à vis des personnes en souffrance et aussi voudrait une 6éme République, une nouvelle constituante et des représentations plus équilibrées pour remettre le citoyen au coeur de la politique.
Valls brouille les lignes historiques de gauche justement lorsqu'il accroît le fichage, qu'il envoie les CRS à ND des Landes, qu'il accentue la répression sur les roms sans qu'une politique humaine ne soit validée au niveau européen, qu'il reprend des postures physiques (menton en avant) qui ont tendance à rappeler des Ministres..de droite.
Bien entendu Valls prône parfois l'Ordre "Juste"...des concepts dépréciés un temps lorsqu'ils étaient portés par Ségolène Royal, et repris ensuite pour être mis en avant...mais cela génère toujours des difficultés dans la gauche dans sa pluralité, la sécurité et l'intérieur, la police étant traditionnellement un thème délicat.
Effectivement le socialiste comme l'homme de gauche, doivent être porteurs d'un projet sociétal fort dans lequel une très grande majorité de citoyens se retrouvent..et c'est bien là que le bas blesse, le gouvernement Ayrault n'est jamais parvenu à enclencher cette dynamique / à glisser des marqueurs, et Hollande ne pouvait avoir un soutien "durable"...avec un désistement "sans condition"(PS/FDG) entre les deux tours de la présidentielle, et qui ne portait sur aucun programme..sans acceptation d'aucune concession programmatique (même mineure).
Le dépassement des frictions entre partis..sont nécessaires, mais au préalable il doit y avoir une réflexion sur la transformation, le renouveau et la création d'une dynamique..que ce soit pour le PS ou pour le Front de Gauche, et le reste de la gauche...avec surement une évolution des institutions républicaines.
Il n'est plus possible de proposer aux citoyens des choix politiques par défaut, à minima, sans espérance et qui enfin se traduisent par du statu-quo, d'autres clientélismes ou conforts..et in fine des désespérances citoyennes, de l'abstention massive et/ou des votes protestataires sans fond programmatique.
Oui, les critiques verbales sont aisées...reste à trouver comment canaliser les capacités de transformation, et utiliser les espaces adéquat...alors que les citoyens montrent leur impatience, et que nous leur sommes redevables..surtout dans ces périodes de précarité, de doutes.
Rédigé par : Jean Lacassagne | 20 août 2013 à 00:01
Parfaitement en phase avec cette analyse. Melenchon fait de l'outrance son credo ( comme Le Pen hier ! ) et conduit les vieilles structures idéologiques a se positionner par rapport a lui quand il faudrait inventer un avenir loin de ces clivages dépassés ! On pourrait faire une analyse comparable côté Culture où il faudra bien qu'une nouvelle gauche invente une politique culturo-sociale vibrante et vivante pour dynamiter un Ministère de la Culture où l'organisation des secteurs et des grandes directions est obsolète . Ce ne sera pas facile, là non plus, de casser les baronnies, mais l'avenir radieux est à ce prix !
Amitiés.
Marc Lecarpentier
Rédigé par : Marc lecarpentier | 19 août 2013 à 22:44
Merci de cette aide à la réflexion ! je dois avouer que je ne comprends plus rien à ce qui se dit et se passe, et j'ai malheureusement bien besoin de cette aide pour ne pas mourir ni vivre trop idiote - et donc inutile ! - et aussi pour ne pas désespérer.
Cordialement,
egc
Rédigé par : BELLE Mira | 19 août 2013 à 21:24