Pour avoir proposé une réforme bancaire allant plus loin que celle votée par notre Parlement, Michel Barnier vient de s'attirer une volée de bois vert, faisant même perdre son sang froid au Gouverneur de la Banque de France. A regarder de près le dossier, on ne peut pourtant qu'être consterné de la disproportion des réactions de nos autorités gouvernementales (Moscovici), parlementaires (Mme Berger) ou monétaires (Noyer). Et cela d'autant plus que le projet Barnier s'inscrit très exactement dans l'esprit du programme présidentiel de François Hollande dont la loi bancaire n'a été qu'une très timide traduction.
Pour tenter de comprendre ce qui se joue, et combien la gauche se trouve ici encore à contre-emploi, faisons un peu de pédagogie et répondons du même coup aux reproches adressés à la réforme Barnier.
1- Les banques, comme chacun sait, ont le monopole du crédit, et donc, avec la banque
centrale, celui de la création monétaire. Aussi bénéficient-elles à ce titre de deux avantages exorbitants du droit commun :
- la garantie explicite ou implicite des États non seulement pour assurer la protection des dépôts (contrepartie des crédits) mais aussi pour préserver la valeur de la monnaie.
- un modèle de refinancement avantageux auprès de la banque centrale (aujourd'hui proche de zéro).
Ces "privilèges" suffisent à justifier l'interdiction qui leur est traditionnellement faite d'exercer d'autres activités (comme, par exemple, la fabrication de meubles, ou... le trading d'instruments financiers). A défaut, elles viendraient en effet´ "troubler" le fonctionnement de ces marchés (avec le risque de bulles encouragées par l'afflux de liquidités bon marché) et détourneraient les mécanismes de garantie dont elles bénéficient de leur objet.
Naturellement, ces prohibitions, pour évidentes qu'elles soient, sont néanmoins régulièrement contournées, avec les mêmes conséquences dommageables, voire parfois dramatiques. D'où la symétrie des réactions législatives provoquées par les crises de 1929... et de 2008 qui ont à chaque fois conduit à séparer de façon étanche les activités bancaires proprement dites (crédits et dépôts) des activités de négoce d'instruments financiers. Pour 1929, cela a été aux Etats-Unis le Glass-Steagall Act. Pour 2008, le projet Volcker aux Etats-Unis ou Vickers au Royaume-Uni et le rapport Liikanen pour l'UE. C'est d'ailleurs en application de ce dernier, que la Commission européenne, pensant bien faire, a diffusé fin janvier 2014 le projet de directive qui a suscité l'ire de la France.
2 - Comment expliquer alors cette réaction d'une Capitale qui avait voulu se porter quelques
mois auparavant aux premières lignes du combat pour la régulation du secteur bancaire ? Pour des raisons, au mieux historiques, au pire sociologiques ! Notre pays s'est en effet progressivement doté d'un système bancaire et financier qui favorise la "banque universelle", sorte de conglomérat regroupant la banque traditionnelle (dépôts et crédits), la banque d'investissement (le négoce d'instruments financiers, le trading), la gestion d'actifs (gestion de fonds pour le compte de tiers), et l'assurance (notamment l'assurance vie). Ce système ne peut donc, par sa nature même, qu'être opposé à la logique de séparation. Opposition qu'a parfaitement perçue le ministre de l'Economie et des Finances qui, épaulée d'une rapporteure partageant résistances et réticences, a fait adopter en juillet 2013 une loi plus que compréhensive et bien éloignée du souci de clarification dont le Président de la République avait fait son antienne. On comprend dans un tel contexte que la coalition qui s'était formée cet été pour "émasculer" la législation nationale se soit aussitôt reconstituée cet hiver pour faire obstacle à une initiative européenne qui menace une tranquillité à peine acquise.
3- Que dit pourtant de si terrible le texte de la Commission ?
Celui-ci, au-delà de sa complexité technique, met le doigt sur la plaie. Ne voilà-t-il pas en effet qu'il cherche à organiser ce que l'on s'est plu à empêcher ici : la nécessité pour les banques de se recentrer sur leur métier, à savoir le crédit ! Ce qui les obligerait à filialiser le reste, à savoir la banque d'investissement, dès que les activités de celle-ci deviendraient significatives. Cela viserait en particulier BNP Paribas et la Société Générale, la plupart des autres groupes financiers ayant déjà filialisé leurs activités d'investissement (BPCE, Crédit Mutuel, Crédit Agricole), les autres étant trop petits pour entrer dans le champ.
En somme, une proposition qui s'inspire des textes votés aux États-Unis ou en Grande Bretagne comme... du projet présidentiel. Et qui ne menace ni la compétitivité de nos banques, ni le financement de notre économie, la BCE continuant à les faire bénéficier de sa politique de taux bas.
4- Alors quoi ? On l'aura compris: vraiment rien de révolutionnaire ! Suffisamment pourtant
pour ébaucher contre cette tentative une esquisse d'Union sacrée.
C'est qu'il est un fait qu'en France, perdure une forme de connivence entre la direction des grandes banques, la technostructure de Bercy et de la Banque de France et les dirigeants politiques en charge du secteur : respect et considération, mais aussi allers et retours incessants dont le cas Perol fournit une intéressante illustration, tout cela, naturellement, dans l'intérêt du pays. Si l'on ajoute à ce cocktail la menace à peine voilée de notre appareil bancaire de cesser d'acheter de la dette si le "Pouvoir" se piquait de rigueur à son égard, l'on a les éléments pour comprendre pourquoi Michel Barnier dont la conversion à la subversion reste un horizon lointain, a pu être si facilement caricaturé en Auguste Blanqui de la Place...
C'est la preuve évidente que ces personnages ne servent pas l'intérêt de la France mais la finance .Un pouvoir politique digne de ce nom se doit de les limoger et les remplacer pour faire vraiment une politique nationale. Sinon ne soyez pas étonné, vous les politiques, que le peuple ne vous porte plus de considération voire même qu'il n'a plus confiance en vous car il faut tirer les enseignements de ces comportements ou vous êtes impuissants ou vous êtes complices .
J'apprécie que tu relèves ces comportements il sont la preuve que tout n'est pas pourri .
rené girard
Rédigé par : girard | 11 février 2014 à 19:09
On a l'habitude dans notre pays d'entourer ce qui touche à la finance d'un brouillard épais. Ce n'est peut être pas ça mais j'au cru comprendre que Michel Barnier commissaire européen voulait réformer les banques dans un sens qui à ce que je crois est dans la ligne des promesses du candidat Holland .Pour le plus important séparer la partie dépôt de la partie spéculative ce qui me semble être le bon sens.
L'habitude des banques est que leurs bénéfices soient d'ordre privé et que quand leurs spéculations tournent mal les contribuables sortent leur porte-monnaie.
Rompre avec ce système immonde doit être le but recherché, le reste n'est que du vent ou de la brume.
S'opposer à cette séparation, à cette clarification relève de la trahison envers les citoyens .
Il n'y a pas à discuter longtemps, les dirigeants de l'état s'ils sont honnêtes doivent éliminer les opposants à cette réforme pourtant bien timide.
Je doute pourtant que l'on trouve un Philippe le Bel pour réduire ces banquiers prévaricateurs et leurs chiens courants .
Quand aux ignares qui comparent monsieur Barnier à Blanqui ils feraient bien de relire et pour certains de lire l'histoire.
Girard rené
Rédigé par : girard | 10 février 2014 à 14:13