Chers amis du mot,
A l'adage romanesque "cherchez la femme", que nous devons à Dumas, vous me permettrez d'en opposer aujourd'hui un autre : " cherchez le Président."
N'y voyez aucune allusion à un vide politique quelconque mais simplement un constat:
Pas une association, pas une ville, pas une Région d'où ne surgissent des Présidents.
Et nous n'avons pas ce soir failli à l'usage tant sont nombreux les nôtres : Président du Festival, que je salue, de la Communauté de Communes, que j'applaudis ou de la Cité du Mot, que je suis devenu. Celui du Conseil Général s'est excusé pour m'éviter une trop fastidieuse énumération. Président d'Honneur aussi : et je veux rendre hommage à Alain Rey, le Travolta du Dico, le Maximilien des mots, Empereur du Lexique, qui nous a présidé honorablement pendant une décennie et à Éric Orsenna qui s'apprête à le faire et dont je veux saluer le talent, lui qui a canoté du rivage des Syrtes au Quai Conti, toujours heureux et donc à l'aise en "happy" vert... grammatologue chevaleresque, faisant volontiers le coup de point-virgule, mousquetaire de la syntaxe provoquant en duel fauteurs de trouble et d'orthographe....
C'est en lecteur assidu que je me réjouis de la présence de l'auteur documenté de " Voyage au pays du coton " qu'on ne peut refermer qu'en prononçant les deux mots qu'affectionne tant Georges Clooney : " Ouate Else".
Et qui fut aussi en quelque sorte l'ami Pierrot d'un Président qui aimait les livres et auquel il prêtait sa plume pour écrire de grands mots.
C'est aujourd'hui en tant que Président de la Cité du Mot, donc, que je vous accueille puisque c'est un ami que les Charitoises et les Charitois ont en effet choisi pour me succéder à la mairie; un ami, vous l'avez entendu, qui aime Jules Renard et le cite abondamment ...Ce qui m'autorise du coup, pour cette dixième fois, à être plus bref ! Ce propos sera bien, au sens plein du terme, un dix court !
Oui, la Cité du Mot est heureuse d'accueillir le Festival dont elle est le rejeton légitime.
Qu'est-ce en effet que cette Cité du Mot sinon l'ambition de faire vivre toute l'année notre passion du mot.
En langage administratif, c'est un Établissement Public financé par l'état, beaucoup, le département et la Région, un peu, chargé de faire rayonner ce monument en encourageant la création et en favorisant l'accès de la population.
En langage plus imagé, la crique où viendront s'abriter par tous temps les amoureux des mots, ces mots qui sont sur la page comme les vagues scintillantes sur l'océan et dont le rythme, comme le vent, nous berce ou nous soulève. Ces mots qui ont ici leur port d'attache et dont le Festival est en quelque sorte le joyau de l'escadre.
Ce festival a 10 ans !
Qui, parmi les habitués qui sont ici aurait pu croire qu'entouré de parents pareils il grandirait ainsi au point d'arriver au seuil de l'adolescence ?
C'est que ses deux pères fondateurs, mariage pour tous aidant, n'ont malgré les disputes et les querelles de ménage, pas eu le cœur de se séparer.
Ce n'est pas leur genre !
Dieu sait pourtant que la cohabitation fut difficile mais c'est chaque fois en considérant d'un œil attendri notre progéniture que nous décidâmes de poursuivre l'aventure conjugale.
Car enfin, vous qui venez pour la première ou la dixième fois, ne le trouvez vous pas mignon notre festival, aussi riche en talents que pauvre en crédits, plein d'éclats de voix et de rire, sans arrogance mais pas sans prétention, sans façon mais pas sans manière, associant grandes ambitions à petits moyens ?
C'est là d'ailleurs, je le dis tout haut, que le bât blesse !
Les pires de nos maux sont nos chiffres.
Ceux-ci n'arrivent pas à faire nombre.
Du coup, à mesure que croit notre succès décroît notre budget.
Et si notre passif est trop actif notre actif est bien poussif !
On nous gave de bons mots, de phrases toutes faites, de paroles en l'air. Mais à l'arrivée, le conte, qu'il soit de Perrault ou de bonne femme, de Noel ou de l'Alhambra, n'y est pas.
Oh, je sais bien qu'on instruit contre nous un procès singulier.
Les détracteurs du festival ̀ vous diront qu'il a l'essieu plus grand que la jante.
Et il s'en est fallu de pneu, je le dis sans enjoliveur, qu'il reste sur cale.
Mais sans doute ses promoteurs aiment-ils trop faire la roue pour nous laisser en paon. Et malgré le manque de cric, la voiture du mot a encore une fois pu être réparée pour reprendre la route.
Oui, "notre ennemi, à nous aussi, c'est la finance !". Nous ne sommes pas efficaces, performants ou rentables. Simplement heureux d'être là et peut-être tout bonnement utile...
Sachez en effet, que sans être remboursé par la Sécurité sociale, ce qui reste un scandale, le Festival est bon pour votre santé.
Ainsi vous guérira-t-il de tous vos maux.
C'est ici qu'une femme de tête soignera au mieux son rhume de cerveau,
l'homme de paille son rhume des foins,
des sœurs jumelles leur léger strabisme,
le chasseur sa grippe carabinée,
le prélat sa crise de foi,
l'élu son extinction de voix,
le joueur de belote sa quinte d'atout,
l'écrivain sa ligne etc.
Une cure de mots ne peut vous être que bénéfique ....si vous en respectez les termes !
Financiers, ici mieux qu'en Suisse, empruntez vos devises. Généraux, plus que sur le champ de bataille, à La Charité couvrez-vous de citations...
Plus globalement, chacun s'y guérit de sa mauvaise humeur, de sa morosité, de son pessimisme, de ces tristes mots auxquels ici nous refusons de délivrer un visa.
De ces mots-passoire d'où ne s'égoutte aucune idée, de ces mots de passe qui s'achètent dans les hôtels du même nom, de ces mots valises que nous préférons oublier dans les transports.
Nos mots ne sont pas ceux des médias ni de la politique, ils ne viennent ni de l'entreprise ni de la banque mais simplement du cœur ! Mots-cœur, mots-cerise, mots saveurs mots-couleur nés de l'esprit du poète, du chanteur, de l'auteur....vous avez maintenant, et pour toute l'année, droit de cité !