Le discours que manuel Valls vient de prononcer devant le Conseil National du PS a bien des vertus.
La première et non la moindre est d'avoir tenu aux Socialistes, mal fagotés dans des courants dépassés, un discours de vérité. Notre pays est en danger s'il renonce à intégrer les enjeux de l'économie moderne et de "la compétition féroce" qu'elle impose. C'est le défi que celle-ci représente qui exige de l'Etat, comme des partenaires sociaux, de poursuivre une politique visant à conforter nos entreprises dans leur capacité à innover, produire et exporter. C'est ce même défi qui nous oblige à remettre de l'ordre dans nos comptes pour orienter nos ressources vers la recherche, le progrès technologique, les infrastructures indispensables au développement d'un grand pays. Jusque là difficile de ne pas y voir de la lucidité.
La deuxième est d'avoir placé les socialistes devant leurs responsabilités. C'est à eux, puisque les voilà en charge des affaires, qu'il incombe d'assumer ce "réformisme". Aussi a-t-il eu raison de les mettre en garde contre les tentations d'en revenir et aux vieilles alliances et aux vieilles recettes. Pour opportune qu'elle soit socialement, une relance par le pouvoir d'achat ne pourrait en effet que dégrader nos comptes extérieurs, comme ceux des entreprises et de l'Etat sauf si elle était coordonnée à l'échelle européenne, ce qui est loin d'être même envisageable. Dont acte !
Si bien, et c'est le troisième motif de satisfaction à tirer de ce discours, qu'à défaut de comprendre le monde dans lequel il lui revient d'agir, il faut comprendre que la gauche risquerait de disparaître... au moins au premier tour de la prochaine présidentielle. Nul doute en effet que si au désarroi actuel s'ajoutait le poids de l'échec c'est toute une culture politique qui serait gravement menacée de péremption.
Tout cela est exact et fort ! Mais ne peut suffire pourtant à emporter la conviction.
Il y manque en effet un élément de contexte : la crise de 2008 est passée par là ! Elle a rompu des digues sociales, usé l'Etat, agressé les plus modestes, périmé mais sans la remplacer la mode néo-libérale. Du coup, le "réformisme" même "assumé" ne peut se réduire à la répétition de formules bien conçues: faire vivre la gauche avec son temps etc. sans décevoir ni perdre de son impact.
On peut même craindre que le concept soit déjà condamné sans même avoir encore servi faute d'avoir su intégré une double réalité : notre industrie s'est affaiblie à un point tel, le chômage s'est aggravé de telle sorte... que sans réponses urgentes à leur dérive, notre économie (ni le Pays) ne pourra supporter la rigueur promise pour les prochains mois.
Faute de crédits, rien ne sera fait pour les territoires les plus fragiles que la baisse des dotations de l'Etat va condamner au mieux à l'inertie. Faute de moyens, les fameuses filières d'avenir ne bénéficieront que de résidus retardant l'éclosion de résultats tandis que d'autres ailleurs dans le monde auront occupé les meilleures places. Faute de relance, les chômeurs de longue durée seront plus nombreux encore à devoir vivre sans perspective. Faute de ressources, le vieillissement de notre outil de défense disqualifiera bientôt notre prétention à tenir dans le monde une place et un rôle. Or, la poursuite voire l'accélération de la politique actuelle nous condamne à une croissance d'à peine un point et, plus grave, à ne pas même atteindre les objectifs issus de nos engagements européens au nom desquels pourtant des efforts nouveaux nous sont demandés. De sorte que ce n'est pas 50 milliards qu'il conviendrait de trouver mais bien le double, ce qui rend l'exercice "rigoureusement" ( c'est le cas de le dire ) impossible ...
Je l'écris d'autant plus librement que j'ai toujours soutenu l'idée d'une gauche moderne, réaliste mais ambitieuse. Mais l'on ne peut dire Oui à "un réformisme assumé" que s'il assume aussi les exigences économiques et sociales de la période.
Oui, cher Manuel, la France risque de se défaire ! Mais pas parce qu'elle aura refusé la rigueur. Mais parce qu'à celle-ci n'aura pas été apporté l'indispensable complément que constituerait un soutien à la modernisation de notre appareil productif et aux infrastructures publiques. En clair, faute d'investir à court terme plusieurs dizaines de milliards d'euros dans les secteurs d'avenir nous verrons notre pays, comme notre société, décrocher. D'autant que les réformes qui permettraient de dégager des économies ne s'improvisent pas. Où sont du coup les partenaires sociaux condamnés à jouer aux ombres chinoises en arrière d'un pacte de responsabilité qui doit tout à la volonté du chef de l'Etat et rien à celle des syndicats ? Où en sont, de la même manière, les discussions service par service qui, associant agents et usagers, permettraient de faire de véritables économies, promises aujourd'hui par le rabot, sans réduire la qualité du service ? Où en est la négociation sur la réforme de notre protection sociale dont l'efficacité comme la durée dépendent à l'évidence d'une implication des représentants des entreprises comme des salariés dont nous n'avons même pas l'ersatz.
En théorisant sa démarche, en en faisant l'apanage d'une nouvelle gauche, moderne, courageuse, dessillée, qu'il appelle de ses vœux - et moi, avec lui - Manuel Valls prend le risque de condamner celle-ci à une défaite irrémédiable, et peut-être même irréversible.
Le "réformisme assumé" ne garde en effet de sens que s'il conserve (ce devrait être un pléonasme) un véritable "esprit de réformes", c'est à dire de transformation progressive mais radicale.
En se soumettant aux règles fixées par le Président de la République, le Premier ministre répond à une partie de son cahier des charges : ne plus biaiser avec la réalité. Mais à une partie seulement : l'autre partie n'est-elle pas de ne pas non plus se soumettre au réel sans chercher par quelle voie l'orienter ?
Si le réformisme n'est que l'autre nom d'une rigueur qui condamne les forces vives du pays, qui pourra au final y souscrire ? Et si l'audace est bien de relever le défi d'un possible rééquilibre de nos comptes, elle ne méritera ce beau nom que si elle conduit aussi son promoteur à inventer des formules nouvelles remettant l'Europe, et par contrecoup nos économies, en marche.
Aussi, et tout en souhaitant de tout cœur le succès du Premier ministre, ne puis-je déjà que redouter sinon son échec du moins celui du projet qui l'inspire : changer la gauche sans se renier....Du réformisme "assumé" au réformisme "accusé", il n'y a qu'un pas...
La France dont je suis n'écoute plus les discours des hommes politiques, peut être ai-je tort, un homme politique va peut être dire un jour des
choses importantes, il ne faut pas nous en vouloir nous sommes désabusés , nous avons tellement entendu de discours pour ne rien voir venir!
Le doute n'est pas d'aujourd'hui , je pense à cette réflexion de Clemenceau sur son ministre des finances, l'auteur de" l'Allemagne paiera"Klotz
"qui n'écoute qu'un Klotz n'entend qu'un ..."
La saison n'est plus ou l'on parle de réformer les finances, c'était je crois l'an dernier et puis plus rien .
Je suis heureux d'apprendre que l'on "ne va plus biaiser avec la réalité"ce qui suppose que l'on va rompre avec la pratique précédente alors je demande nous dit on la vérité hier ou aujourd'hui?
GIRARD
Rédigé par : GIRARD | 16 juin 2014 à 19:38
Je suis particulièrement étonné par ces commentaires en contradiction avec le discours tenu jusqu'à présent par Gaëtan Gorce.
Rédigé par : Rpger Tropeano | 16 juin 2014 à 12:18