Paradoxalement, la "sortie" de Montebourg peut offrir à Manuel Valls l'opportunité d'échapper à la nasse dans laquelle l'attitude du Président est en train de l'enfermer et avec lui le Pays ! Expliquons-nous !
On ne peut faire l'économie du débat qui vient de s'ouvrir publiquement sur la politique menée par le Président de la République. Pour l'avoir, depuis un an, constamment réclamé et avoir été en quelque sorte le premier "frondeur" (ayant été le seul parlementaire PS à ne pas voter le Budget 2014) je ne peux que me réjouir d'entendre des voix s'élever pour réclamer "un nouveau cap". Et le Premier ministre, que je sais conscient des réalités, ne peut s'en étonner.
On peut certes discuter des conditions dans lesquelles s'est engagée cette "réflexion" et considérer que leur caractère théâtral (Frangy) ou tristement polémique (Duflot) n'est pas à la hauteur des enjeux. Mais l'essentiel est ailleurs et porte sur l'absolue nécessité d'interrompre la spirale du délitement économique et politique à laquelle on assiste depuis des mois.
Encore faut-il qu'au-delà des postures, les bonnes questions soient posées... et que l'on aille jusqu'au bout des réponses possibles !
L'enjeu est de remettre l'économie en mouvement et de faire reculer le chômage, tâche impossible dans le contexte actuel. La politique budgétaire mise en œuvre par le Gouvernement a un clair effet récessif, c'est à dire qu'elle freine la reprise et le plan annoncé d'économies va encore accentuer ce processus. Celui-ci est donc intenable et Montebourg a raison de le rappeler !
Ce plan est pourtant également incontournable, et Manuel Valls est dans son rôle en assumant des mesures sans lesquelles notre endettement croîtrait au risque de nous mettre dans la main des marchés.
On ne peut du coup sortir de cette contradiction qu'en complétant l'effort de rigueur à l'échelle nationale d'un effort de relance à l'échelle européenne. Chacun sait, et Hollande lui-même en 2012 l'avait intégré, que la solution ne peut venir que de là. S'agirait-il alors simplement de tenir la dragée haute à l'Allemagne, "de hausser le ton" pour parler comme ce héros des prétoires qu'est le ministre de l'Economie ? Certes non, et focaliser le débat sur Berlin aurait l'effet contraire de celui recherché.
Mais pour bien le comprendre, et imaginer un scénario de sortie, il faut se rappeler qu'il appartient à la France de jouer au sein du couple franco-allemand le rôle créatif. A la puissance économique allemande, qui ne date pas d'aujourd'hui, la France a toujours su répondre par son imagination politique : c'est ainsi que s'est construite la monnaie unique. Et c'est ainsi que devrait se construire un espace politique autour de l'Euro ! En clair, il sera impossible de "faire bouger" l'Allemagne sur le principe d'une relance européenne sans lui proposer une consolidation de la zone Euro autour d'objectifs communs et d'un mode de gouvernance approprié associant notamment les Parlements.
Nos dirigeants politiques y-sont-ils prêts ?
En tout cas, il y a là pour le Premier ministre une opportunité dont il doit se saisir. Aussi devrait-il moins chercher à sanctionner ses ministres impétueux que s'appuyer sur leur démarche incomplète pour obtenir du Président de la République non une inflexion de sa politique économique à laquelle il ne peut consentir mais de sa politique européenne qui se caractérise depuis 24 mois par une pusillanimité qui n'est pas digne de la France et de la situation dans laquelle elle se trouve.
Manuel Valls seul peut prendre une telle initiative : parce qu'il est le Premier ministre, il se doit d'assumer la pédagogie de la rigueur, et parce qu'il est volontariste et européen, il peut porter une proposition que ni Hamon ni Montebourg ne peuvent au regard de leur réticence à l'égard de l'intégration porter eux-mêmes.
Placé sous la pression, de l'opinion comme d'une partie de sa majorité, le Président de la République ne peut plus se dérober pour autant que lui soit soumise une initiative sérieuse, qui ne doive rien à la démagogie d'un moment, mais s'inscrive clairement dans une logique de redressement !