Le chef de l'Etat a fait un pas mercredi dernier vers plus d'intégration. Un pas modeste, encore trop incertain et qui, par cette timidité, risque de ne conduire finalement nulle part. A moins que Manuel Valls ait entrepris le voyage outre-Rhin ce lundi lesté d'un message plus clair ?
Convaincre l'Allemagne de "prendre ses responsabilités", tel est désormais le leitmotiv de l'Exécutif. Et nul doute que notre grand voisin en porte de significatives dans la stagnation économique qui perdure. Mais comment imaginer qu'il suffise de l'admonester ou de l'aiguillonner pour la faire changer. Berlin a ses raisons et aussi ses craintes. Et si la confiance fait défaut, il faudra plus que de vagues propositions sur des politiques communes mieux intégrées dans le Transport ou l'Energie pour changer la donne.
Ma conviction, depuis des mois, est que Merkel n'exerce son quasi-leadership européen qu'à contre-cœur. Helmut Schmidt avait d'ailleurs toujours recommandé à ses successeurs de ne jamais céder à pareille tentation tant le poids de l'histoire est lourd. La chancelière ne l'assume donc que par défaut, faute pour la France de redonner du contenu à son partenariat avec l'Allemagne. Aussi nous revient-il de mettre sur la table le plan d'action dont l'Europe a besoin tant elle tarde à sortir de la crise. Et tant surtout la zone Euro reste fragile, aucune de ces faiblesses structurelles (à commencer par la coordination des politiques économiques), à l'exception peut-être du groupe de la coopération bancaire, n'a été corrigée.
Ce plan d'action, pour être crédible, ne devra pas se focaliser sur une révision des traités, quasi-impossible à obtenir mais formaliser des propositions "pratiques et concrètes" visant d'abord à consolider la zone Euro dans une perspective à dix ans. Cette consolidation ne pourra venir que d'une convergence des économies du sud et du reste de la zone qui tendent aujourd'hui dangereusement à s'éloigner. La croissance devra donc être affichée comme l'objectif commun permis par un effort coordonné de relance et garanti par des efforts structurels de rapprochement des niveaux de déficit, d'endettement et d'emploi. La fiscalité devra, sous la même échéance, faire l'objet d'un processus d'harmonisation. Une telle approche permettrait à terme une mutualisation des dettes qui écarterait à l'avenir le risque d'un éclatement de l'Euro et déboucherait sur la création d'un "Trésor" européen.
Ce plan, pour être acceptable, devra s'accompagner d'une stabilisation et d'une démocratisation des instances propres à la zone, l'Euro-groupe se voyant conforter dans son rôle de direction politique sous le contrôle d'un comité parlementaire "ad hoc" issue des Parlements nationaux.
Ce plan, enfin, pour être impactant, devra être public afin de placer chacun devant ses responsabilités et l'opinion en arbitre.
Il reste peu de temps d'ici le sommet de la zone pour prendre l'initiative. La conférence de presse de mercredi dernier aurait pu en fournir l'occasion. La visite du Premier ministre à Berlin en annonce-t-elle les prémices ? Mais il est certain qu'à ne pas choisir, l'Exécutif condamnerait l'Europe à l'inertie, l'économie à la stagnation et son avenir aux cendres et à la poussière…
"Cette consolidation ne pourra venir que d'une convergence des économies du sud et du reste de la zone qui tendent aujourd'hui dangereusement à s'éloigner. La croissance devra donc être affichée comme l'objectif commun permis par un effort coordonné de relance et garanti par des efforts structurels de rapprochement des niveaux de déficit, d'endettement et d'emploi. La fiscalité devra, sous la même échéance, faire l'objet d'un processus d'harmonisation."
Cette solution n'est pas la bonne. Une plus grande intégration de la zone euro impliquerait de réaliser ces fameuses réformes libérales dont le rôle historique de la gauche serait justement de nous préserver.
L'erreur des Français est de voir l'Europe comme une France en grand alors que l'Europe -ceci est inscrit dans les traités dont elle est issue- est d'essence libérale. C'est d'ailleurs pourquoi une harmonisation fiscale n'est absolument pas souhaitable: elle aboutirait à une augmentation de la TVA et à une baisse de l'impôt progressif, contrairement à ce qu'a toujours réclamé la gauche, du moins tant qu'elle était encore à gauche.
Le PS est placé depuis 1983 devant le même choix : l'idéal européen ou l'idéal socialiste. On peut préférer le premier au second mais, dans ce cas, il faut renoncer à l'idéal socialiste. Le langage de vérité doit aller jusqu'à le reconnaître.
Rédigé par : chatel | 23 septembre 2014 à 21:10