Qu'attendre de l'intervention du Président de la République ce soir ? Que peut-il bien dire et faire qui lui permettrait d'amorcer un retournement d'une situation imprévisible et dangereuse (cf. les sondages sur le vote FN ) ?
On pourrait le croire empêché, bloqué, condamné et pourtant trois options se présentent encore à lui : la méthode Coué, le sacrifice du Samouraï ou le choix du cinéphile !
La première serait de ne rien changer et de compter sur l'éclaircie économique qu'il espère depuis plus de deux ans. Rien pourtant ne permet de croire en un tel scénario : la baisse de l'Euro nous a certes sauvés de la déflation mais pas assez pour faire baisser significativement les taux réels. Or les débiteurs restent nombreux qui n'entreprendront rien tant qu'ils n'auront pas assaini leur bilan. Si, par ailleurs, la croissance devait être l'an prochain un peu plus forte qu'en 2014, son rythme (1%) est déjà contesté et ne sera en tout cas pas suffisant pour faire reculer le chômage qui au mieux restera stable... à un niveau déjà trop élevé. Enfin tout laisse à penser que les déficits continueront de croître malgré un effort d'économies qui déprime l'activité et que ne suffiront pas à compenser les baisses de cotisations et la suppression de la première tranche de l'IRPP. Choisir cette option en prétendant que les réformes sont faites et qu'il suffirait d'attendre qu'elles produisent leurs résultats reviendrait à accepter passivement le désastre qui vient et dont les municipales n'ont été que le prologue. La méthode Coué est donc sans avenir !
La deuxième piste consisterait, en s'appuyant sur le constat qui vient d'être fait, à en appeler à l'Union nationale. La formule aurait le mérite de placer chacun devant ses responsabilités et de faire la pédagogie des enjeux auxquels le pays doit faire face. Elle obligerait celles et ceux qui à droite ont le sens de l'intérêt commun à se dissocier des boutefeux. Manuel Valls, enfin, a manifestement le profil de l'emploi. Le problème est qu'un tel défi ne pourrait être relevé par les opposants au Chef de l'Etat qu'à la condition de neutraliser les effets de cette nouvelle donne sur la présidentielle. Même les plus soucieux, à l'UDI comme à l'UMP, de l'intérêt général, ne pourraient accepter de se sacrifier "sur l'autel de la patrie" aux cotés d'un Président aussi impopulaire que si celui-ci s'engageait à ne pas se représenter en 2017. La difficulté est que F. Hollande, de l'aveu même de ses proches, n'a aucune intention de renoncer, persuadé qu'il est que la chance finira bien par tourner. Exit la technique du samouraï !
La troisième, alors, la seule possible et pourtant la moins probable, serait, "Le samouraï" étant déprogrammé, de faire le "choix de Melville " en passant de "L'armée des ombres" en ce moment à l'affiche au "Deuxième souffle" dont la reprise pourrait tenir du petit miracle cinématographique et politique. Celui-ci ne pourrait venir en effet que d'une mise en perspective des défis qui attendent le pays. Le plus grave est climatique. Or, c'est de lui que peut sortir la solution. C'est d'un défaut de régulation qu'est venue la crise financière, pourrait-il argumenter. Et c'est du même défaut que naîtra la crise écologique. "A ce stade, poursuivrait-il, je dois aujourd'hui à la vérité de reconnaître que la politique que j'ai mise en œuvre n'a pas permis d'apporter des réponses satisfaisantes. Nous avons cru aux expédients là où il faut des ruptures. Ce sont les modèles sur lesquels nous nous sommes reposés qui sont aujourd'hui en cause : notre modèle européen doit être relancé à l'échelle de la zone euro pour nous doter des outils d'une véritable solidarité économique et sociale. Et notre modèle économique transformé autour de l'ambition de la transition énergétique. C'est en investissant massivement à l'échelle nationale comme au niveau de l'Union que nous remettrons nos entreprises en route et que nous préparerons celles-ci à produire mieux et autrement. C'est ce chemin que nous devons prendre." Et d'annoncer deux initiatives, l'une demandant à l'Union d'accélérer le plan Juncker (visant à investir 300 mds€) pour le rendre immédiatement opérationnel, l'autre concernant la mise en place dès le début 2015 d'un programme national de 15 mds d'investissements publics par an, financés dans le cadre d'un Budget exceptionnel distinct de la Loi de Finances ordinaire et couvert par l'emprunt. Le tout serait préparé en concertation avec les partenaires sociaux et les partis en parallèle à la convocation d'une conférence économique, sociale et environnementale européenne. Bref, un changement de braquet impliquant une prise de risque. Tout cela mériterait certes d'être affiné et le message mieux ciselé. Mais si le succès d'une telle initiative n'est nullement garanti, ne vaudrait-il pas mieux au fond perdre sur un projet d'avenir que de s'effondrer, ce qui viendra à coup sur, pour une politique dépassée ?
J'ai naturellement, en exposant ces trois options, écarté l'hypothèse d'une démission qui donnerait une prime à l'extrême-droite ou encore d'une dissolution qui déboucherait sur une victoire de l'opposition qui, dans l'état où elle se trouve, serait bien incapable d'exercer le pouvoir sans s'effondrer à son tour d'ici 2017... Le piège est tendu. Ses deux mâchoires (l'échec économique, la déroute électorale) sont en train de se refermer. Les desserrer ne demande plus de l'habileté mais une vision et du caractère...
PS : Comment ne pas saisir l'occasion de ce blog pour rendre hommage à Jean-Pierre Melville dont le style épuré, la rigueur plaçaient tous ses personnages devant un seul choix : celui de l'amitié et de la fidélité...?
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