Avoir raison trop tôt, est un grand tort. C'est en tout cas, ce que pensait l'inusable Edgar Faure qui y voyait même la pire des fautes politiques...
Où en sommes-nous pourtant aujourd'hui sinon là où quiconque analysant logiquement l'action du Président de la République depuis trois ans pouvait l'annoncer sans grand risque malheureusement de se tromper ? Sinon là où nous conduisait inéluctablement la déception exprimée par nos électeurs depuis début 2013 pour autant qu'on ait bien voulu leur porter attention ?
L'équation impossible que s'efforce de résoudre Hollande depuis son élection peut se résumer ainsi : comment créer de l'emploi en période de stagnation en menant une politique budgétaire globalement récessive ? Élection après élection, les termes n'en ont pas changé. Et à en croire le chef de l'Etat comme le Premier ministre, ne changeront pas.
J'ignorais qu'il existait chez ces hommes "à priori raisonnables" un tel goût de l'absurde, en tout cas poussé à ce point.
On a en effet toutes les raisons de penser que les mêmes causes produiront les mêmes effets politiques. Le jeu devient d'ailleurs à ce stade ou pervers ou cruel.
Ainsi, les choix de rigueur opérés par l'Exécutif devraient déboucher naturellement sur un appel au centre que l'absence de crédibilité du pouvoir condamne cependant à rester sans écho. Quant à l'autre option disponible, celle du rassemblement de la gauche, dont les divisions ont beaucoup pesé dans la défaite de dimanche, elle supposerait une réorientation économique que le gouvernement, emberlificoté dans un jeu trouble avec ses partenaires européens, ne veut ni d'ailleurs ne peut assumer.
Bref, à jouer petit, on perd gros... même si le seul espoir, fou, reste à l'Elysée, de l'emporter de justesse en 2017.
Au vu de cette double contradiction, l'on est fondé à penser - ce qui n'est guère rassurant - que le Pouvoir agit au mépris de toute logique, économique ou politique, et s'en remet à l'humeur des temps. Après tout n'annonce-t-on pas un léger mieux sur le front de la croissance, qui permettrait une petite amélioration de l'emploi laissant espérer un possible regain électoral que le nivellement par le bas qu'opèrent l'abstention et la montée du FN pourrait transformer en petit miracle... Et c'est d'ailleurs à cette méthode Coué que l'on nous invitera à nous rallier lors d'un prochain Congrès avec l'aide involontaire des Frondeurs.
L'illusion que ceux-ci entretiennent est le revers de celle du gouvernement : desserrer l'étau, soutenir le pouvoir d'achat, débloquer de nouveaux moyens pour l'investissement et la dépense publique... Pareille approche a certes le mérite de la générosité et de s'appuyer sur le souci d'inverser la tendance plutôt que de s'y résigner. Mais elle facilite la réponse du Pouvoir qui ne peine guère à montrer à ceux qui savent compter que le désaccord ne porte que sur quelques milliards (" tout ça pour ça") et risquerait en outre d'introduire un biais dans la volonté affichée et répétée par Paris de plutôt respecter ses engagements européens ! Pour ma part, je ne suis pas loin de penser que pareil scénario, sincèrement proposé par des hommes honnêtes et de qualité comme Pierre-Alain Muet, masque mal la difficulté de notre vieille gauche à se débarrasser de ses vieux gri-gris.
Tout serait donc alors perdu ? C'est à ce stade que "l'isolé" que je suis ne peut que pousser un cri ! Non de désarroi ou d'alerte ! Mais d'incompréhension et d'appel à la lucidité et au sursaut !
Il existe bien une alternative mais il est impressionnant de voir comment chacun s'efforce de s'en détourner.
Peut-être parce qu'elle passe par l'Europe et que celle-ci, depuis un certain référendum, effraie...
Peut-être parce qu'elle exige une prise de risque et un courage politique que le cynisme ambiant a rendu obsolète ?
Peut-être tout simplement parce qu'elle suppose une vision de l'intérêt de la France et une constance à le défendre qui ne figurent plus dans les panoplies de l'apprenti homme d'Etat ?
C'est pourtant par là qu'avec quelques rares autres je dis et j'écris depuis plus de deux ans qu'il faut passer.
Il s'agit de la seule voie qui permette de concilier nos engagements budgétaires avec la relance de l'activité, le souci de modernisation que porte le gouvernement avec celui de l'emploi et de la solidarité relayé par ses contestataires, et plus largement l'intérêt du Pays avec celui de l'Union.
Qui peut nier en effet que la France ait besoin de réformes... même si l'on peut regretter que celles proposées (la loi improprement appelée "croissance et activité") soient bien insuffisantes : réforme fiscale pour rendre le poids de l'effort plus supportable, réforme de l'assiette et du financement de la sécurité sociale pour tirer les conséquences de nos difficultés à l'export et de celles de nos PME, réforme du management et de l'organisation du travail de nos grandes entreprises pour y associer plus étroitement le personnel, réforme de la formation pour en faire un véritable outil d'insertion etc. ?
Qui peut nier ensuite que l'Etat comme la sécurité sociale doivent réduire leurs déficits, ceux que nous traînons depuis des décennies et qui obèrent nos capacités d'investissement ? Sous réserve naturellement que les agents comme les usagers soient parties prenantes d'un effort qui devrait nous amener à re-préciser nos objectifs sociaux, c'est à dire à indiquer ce que sont, 70 ans après la création de nos systèmes d'assurance, nos nouvelles priorités en la matière !
Qui peut nier enfin l'absolue nécessité d'une relance de l'activité qui permette d'interrompre la montée d'un chômage qui se durcit depuis son explosion au début des années 90, et de soutenir une industrie qui s'est affaissée, le rapport Gallois l'a révélé au grand jour, au cours de la dernière décennie et que la stagnation actuelle fragilise dans ses profondeurs ?
Le paradoxe est que cette voie est précisément celle que F. Hollande, décidément plus lucide en campagne qu'aux manettes - ce qui en fait un cas rare - avait proposée aux Français en mai 2012.
Elle repose sur deux piliers, l'un aujourd'hui mal planté, l'autre oublié :
- d'abord le retour progressif à l'équilibre de nos comptes, qui est censé nous servir de ligne directrice mais auquel nous donnons le sentiment de chercher à nous dérober, perdant ainsi sur tous les tableaux ! Il est urgent que la France réaffirme ses intentions, en présente un calendrier sincère et s'y tienne.
- ensuite la consolidation de la zone euro que les écarts de croissance, la faiblesse démocratique des mécanismes de coordination des politiques économiques et budgétaires, l'absence d'une politique industrielle, met en danger à court et moyen termes.
En mettant solennellement sur la table un Plan articulé visant à associer à une accélération du Plan Juncker (dont les mécanismes devraient être revus) une évolution de l'organisation de la Zone, la France retrouverait son rôle de co-leader européen et redonnerait à la double exigence de rigueur et de reprise toutes les chances de se réaliser.
Après les occasions perdues que furent les sommets de juin 2012, puis la réélection de la Chancelière allemande et enfin la nouvelle donne grecque, il est plus que temps de passer à l'action !
Qui comprendra d'ailleurs qu'un Président réputé pro-européen, longtemps proche de Jacques Delors, à la tête d'un pays paralysé, puisse encore tarder à abattre ses cartes ?
Il ne s'agit pas de crier "l'Europe, l'Europe, l'Europe" mais de la faire... sauf à laisser s'installer l'idée que c'est de l'intérieur de nos frontières nationales que viendra le sursaut !
Faire l'Europe Gaëtan? ce que l'on a vu nous suffit amplement, car cette Europe serait ultra libérale avec toutes les "joyeusetés" que cela comporte , certains pays et non des moindres qui la compose peuvent jeter leurs travailleurs comme des mouchoirs en papier, n'ont pas de contrat de travail, aucune garantie,il n'est pas nécessaire d'aller en Asie, il vaut mieux crever sur place la tête haute que subir cela , c'est l'esclavage plus la "modernité".
Et ne nous trompons pas c'est ce qui serait appliqué: la mauvaise monnaie chasse la bonne, comme pour un appel d'offre c'est le moins disant qui l'emporte!
Je ne sais pas si le sursaut viendra de l'intérieur de nos frontières
nationales mais je suis sur qu'il ne viendra pas de cette Europe là qui ne nous a apporté que le nivellement par le bas!.
Nous aurons perdu notre niveau de vie , notre dignité et notre liberté-je parle pour le peuple, non pour ses dirigeants.Vous pouvez vous agiter , parler et parler encore , vous nous avez mener droit dans le mur!
Nous n'avons plus-mais plus du tout- confiance en vous.Je ne connais pas l'avenir mais pour moi ce sera sans vous.
girard
Rédigé par : rene girard | 02 avril 2015 à 13:16
En effet nos dirigeants sont dans l'erreur mais leur orgueil leur empêche de l'admettre.
Quant à l'opposition qui critique cette politique , alors que Hollande poursuit leur travail , elle n'est pas crédible.
Je comparais Hollande au colonel "du pont de la rivière Kwai"nous y voila la semaine prochaine le code du travail sera détruit.
Hitler avait résorbé le chômage en faisant construire des autoroutes , mais il faut savoir que la paie de ces ex chômeurs était une soupe à midi et le soir, reste à nos dirigeants à s'en inspirer.
C'est comme le travail du dimanche: pourvu que MOI je ne sois pas concerné, à vous dégouter de la nature humaine!.
girard
Rédigé par : rene girard | 02 avril 2015 à 11:08
"L'Europe se fait, et continue à se faire, mais sans le dire, en catimini."
Pire encore, lorsqu’on demande aux peuples européens s’ils souhaitent poursuivre la construction européenne et que ceux-ci répondent « non », on ne tient pas compte de leur vote, comme en 2005.
Ce qui s’est produit lors du référendum de 2005 n’a jamais été oublié. Cela explique en grande partie le phénomène de l’abstention et la poussée du FN. Plus fondamentalement, les résultats du référendum de 2005 structurent encore les votes aujourd’hui et c'est par rapport à cette opposition que chacun continue, pour l’essentiel, de se positionner. Cela ne lasse pas d’inquiéter, compte tenu de la poussée du FN et du rapprochement entre le PS et l'UMP qui risque d’en résulter. Au demeurant, ce rapprochement s’était déjà dessiné lors de la campagne de 2005 et le préfigurent aujourd’hui les tentatives réitérées de constitution d'un Front républicain avec un parti dont les positions sur l'immigration et l'islam n'ont plus grand chose à envier à celles de MLP.
Rédigé par : chatel | 01 avril 2015 à 12:00
"Qui peut nier en effet que la France ait besoin de réformes?"
Soit, mais pas des réformes libérales imposées par la Commission européenne en contrepartie de nouveaux délais pour réduire notre déficit
"Qui peut nier ensuite que l'Etat comme la sécurité sociale doivent réduire leurs déficits?"
Soit, mais à condition de préserver notre modèle social grâce à de nouveaux financements et non en coupant dans les dépenses comme l'exige la Commission européenne.
"Qui peut nier enfin l'absolue nécessité d'une relance de l'activité ?"
Soit, mais pas de n'importe quelle activité. Le bétonnage des campagnes, le surdimensionnement des équipements publics, l'obsolescence programmée des produits, les normes inutiles, autant d'exemples de gaspillages qui favorisent l'activité économique à court terme mais qui vont à l'encontre de l'intérêt réel d'un pays.
Rédigé par : chatel | 01 avril 2015 à 08:38
"la consolidation de la zone euro que les écarts de croissance...met en danger"
L'Allemagne n'est pas prête aux transferts qu'impliquerait une telle réduction. Et les autres pays de l'Union non plus.... Oublions cette chimère au plus vite.
"Il ne s'agit pas de crier "l'Europe, l'Europe, l'Europe" mais de la faire"
C'est exactement le contraire. L'Europe se fait, et continue à se faire, mais sans le dire, en catimini. Le processus d'intégration européenne ne s'est jamais interrompu. Mais à quel prix ? La France a dû privatiser, cesser de subventionner ses entreprises, aligner sa fiscalité sur celle de l'Europe, ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence... Ce que les Français contestent, ce n'est pas seulement l'austérité imposée par la Commission européenne, ce sont aussi toutes les réformes libérales que la France a dû consentir au nom de la construction européenne.
Il est temps de prendre nos distances avec un projet en totale contradiction avec les valeurs qui ont longtemps été celles des socialistes. A partir de 1983, le PS a substitué le rêve européen à l'idéal socialiste, avec la bénédiction de la droite. Sachons refermer cette parenthèse qui n'a que trop longtemps duré. Des coopérations entre pays européens sont possibles et souhaitables. Sachons nous en contenter et renonçons à cette idée d'une intégration toujours plus poussée devant conduire à terme à une Europe fédérale.
Rédigé par : chatel | 31 mars 2015 à 22:56
Une analyse réaliste
Rédigé par : Tolmiche | 30 mars 2015 à 19:02