Chacun se souvient du rapport qu'avait publié voici quelques années Terra Nova invitant la gauche à se détourner des catégories populaires pour constituer une alliance privilégiée allant des catégories supérieures aux minorités.
Depuis lors, Thierry Pech, le successeur d'O.Ferrand à la tête du Think Tank, s'est dissocié à plusieurs reprises de ces conclusions.
Ce sont pourtant celles-ci que le PS semble aujourd'hui mettre en œuvre, sans se l'avouer peut-être, mais avec une remarquable obstination. En décidant en effet de mettre l'accent comme il le fait depuis quelques semaines sur les "valeurs", c'est la voie qu'il a clairement choisie.
Les "valeurs" de la gauche en question ne sont pas en effet ses valeurs économiques ou sociales, mais ses valeurs morales. Celles-ci sont parfaitement respectables puisque nourries d'anti-racisme, de générosité à l'égard des réfugiés et de refus des discriminations. Mais surtout ce sont celles qui, pour les stratèges de Solférino et de l'Elysée, devraient permettre de séparer enfin le bon grain de l'ivraie, les humanistes patentés des rouspéteurs rassis d'une France aigrie, corrompue par les thèses de l'extrême-droite.
Une telle attitude, qui ressemble aussi à un " sauve qui peut" face à la montée de l'abstention à gauche, devrait, selon ses concepteurs, permettre de faire de François Hollande le dernier rempart face aux barbares dès le premier tour de la présidentielle et mobiliser du coup les plus rétifs, invités à prévenir un nouveau 21 avril qui laisserait le champ libre à deux versions, l'une plus radicale que l'autre, du même projet réactionnaire. Bref, il s'agit rien moins que d'instrumentaliser la montée du FN et d'obtenir comme en 2012 un vote utile à défaut d'un vote d'adhésion.
Cette " stratégie" présente cependant deux faiblesses.
La première est qu'elle ne fonctionne vraiment qu'à la condition que Nicolas Sarkozy soit le candidat de la droite issu des primaires. Ce qui est encore loin d'être assuré.
La seconde, c'est qu'elle revient, comme le préconisait le fameux rapport, à rejeter les catégories populaires du mauvais côté de la barrière, c'est à dire à les abandonner dans leur majorité au Front National.
Sondages après sondages, vote après vote, nous savons en effet qu'ouvriers et employés sont les plus rétifs à l'immigration, les plus inquiets pour la laïcité des progrès de l'Islam, les plus sensibles au discours anti-européen. Non par un racisme supposé, encore qu'il existe naturellement dans une partie de la population, mais surtout faute de voir leur situation s'améliorer. Les problèmes liés au déficit d'emplois, comme à l'intégration, sont pour eux non des cas d'école mais des questions du quotidien. L'enjeu n'est donc pas de les stigmatiser mais de les convaincre. Ce qui supposerait à tout le moins, ce à quoi le gouvernement se refuse, une réorientation de la politique économique et sociale menée depuis trois ans.
Persévérer dans celle-ci conduit au contraire la gauche à assumer la fracture qui se creuse depuis près de vingt ans avec la fraction la plus humble et la plus modeste de notre société. Pour beaucoup d'entre nous, ce devrait être inacceptable.
La partie, cependant, semble jouée. Ainsi de la nouvelle initiative prise ce WE par le Premier secrétaire du PS d'organiser un référendum sur l'unité de la gauche aux régionales.
Verts, Front de gauche, communistes sont en effet accusés d'une dérive sectaire qu'on peut difficilement nier mais dont les causes sont à rechercher une fois encore dans la politique suivie depuis 2012. Il suffit de passer une heure sur un marché pour mesurer le poids de la désillusion et de la colère qui se sont emparés de la population. À tel point que le nombre de celles et de ceux qui affirment ne plus jamais vouloir voter socialiste ne cesse de grandir. Il est aujourd'hui impossible, même pour le dirigeant communiste le mieux disposé, de proposer à ses militants de s'allier avec le PS sauf à perdre ce qu'il lui reste d'adhérents et de sympathisants.
Issu d'un milieu populaire et ouvrier, je ne peux me résigner à voir ainsi sacrifier tout notre héritage politique et culturel. Il y a certes dans la démarche choisie par l'Elysée et Solférino quelque chose de pathétique qui tient du réflexe de survie. Mais comment ne pas y lire une forme de mépris de classe à l'égard de ces gens qui s'obstinent à vouloir garder leur emploi, quand l'heure est à la mobilité, à rester attachés à la nation, quand l'avenir est à l'Europe, à demander à l'Etat de la protection et de la sécurité, quand l'enjeu est de bouger et d'innover, à vouloir petitement léguer quelque chose à leurs enfants quand ils devraient les encourager à devenir milliardaire...? Le monde a certes changé et il exige de nous tous un effort d'adaptation. Mais il est plus que jamais coupé en deux, la montée inédite des inégalités en témoigne. Non entre ceux qui communient dans les valeurs d'ouverture et de tolérance et ceux qui pècheraient contre ces beaux principes. Mais entre ceux dont l'arrogance (il suffit de penser aux indemnités de l'ancien patron d'Alcatel) défie les valeurs de tous les autres qui n'exigent que du travail, de la justice et un droit à l'avenir. La gauche, la vraie, ne peut, de mon point de vue, qu'être de leur côté...
Je suis régulièrement votre blog et je prends très souvent plaisir à vous lire car, au delà du fait que c'est généralement bien écrit, c'est surtout bien argumenté (ce qui est le plus important).
Je vous trouve extrêmement fidèle à votre idéologie et rien ne semble vous détourner de l'idée que vous avez du Socialisme. A mon sens, c'est une qualité rare chez nos politiques de tous bords.
Une fois de plus, votre texte est plein de bon sens. Les stratèges de Solférino et de l'Elysée sont totalement sourds et aveugles. Les positions prises sont à des années lumières de préoccupations des français. Comme vous, je suis inquiet de la montée du Front National et je suis intimement convaincu que le tripartisme (PS - Républicains - FN) qui semble se construire de manière inexorable n'est pas bon pour la France. Je vous le dit simplement, plus le PS sera faible, plus le FN sera fort. Alors, continuez à vous battre pour que la raison parvienne à l'emporter au sein de votre parti.
En étudiant mon nom et mon mail arriverez facilement à m'identifier. Vous savez fort bien que je ne partage pas vos idées politiques. Nous avons néanmoins plusieurs points communs : celui de voir la France sortir de cette situation tellement préoccupante, celui d'une France forte dans une Europe tout aussi forte, celui d'une France ou les citoyens retrouvent l'envie d'aimer leur pays et d'en être fier...
Cordialement
Rédigé par : Serge | 25 septembre 2015 à 20:58
Excellente LUCIDITE d'un Elu de terrain,Qui n'est pas dans l'incantation à l'Union issue des cercles parisiens.Comme disait F.Mitterand,D'ABORD rassembler son camp,La a contrario on a jouer l'explosion..
Rédigé par : Maurice MATHET | 25 septembre 2015 à 18:52
L'homme qui n'aimait pas les riches à pris comme ministre des finances un ancien banquier d'affaire , arrogant ; mais oû est sa réussite ?.
Même Martine Aubry est agacée !
Que "moi président"se sépare ou non de ce sinistre individu ne changera rien : le mal est fait , il faudrait non pas un remaniement mais une épuration nous n'en sommes pas là.
Le très volontaire premier ministre conduit le parti socialiste tout droit dans les poubelles de l'histoire, la stratégie de l'occupant de l'Elysée est une stratégie obsidionale .
Les régions vont toutes basculer à droite en raison de l'abstention massive dont vous êtes responsable .
Il ne faudra pas venir fin décembre nous dire que c'est la faute des abstentionnistes , c'est votre faute uniquement votre faute.
J'avais salué notre nouveau président en 2012 il avait fait naitre de grandes espérances , son comportement est inqualifiable je n'ose même plus écrire son nom!
girard
Rédigé par : girard | 23 septembre 2015 à 20:58
Tout à fait d’accord avec cet excellent billet à deux réserves près :
- "Le monde a certes changé et il exige de nous tous un effort d'adaptation". Certes, mais n’oublions pas que le monde a changé parce qu'on l'a voulu L'Europe libérale et la mondialisation ne se sont pas faites toutes seules. La gauche a une immense responsabilité à cet égard et elle doit désormais le reconnaitre.
- "Verts, Front de gauche, communistes sont en effet accusés d'une dérive sectaire qu'on peut difficilement nier". L’expression « dérive sectaire » est excessive. Comment espérer ressusciter l’union de la gauche alors que le PS s’est détourné des valeurs qui constituaient l’âme même de la gauche ? Le pseudo sectarisme du FDG et de ses alliés n’est en réalité qu’une forme de fidélité à soi.
Rédigé par : chatel | 22 septembre 2015 à 11:44
Si les employés et ouvriers sont les plus "rétifs à l'immigration, les plus inquiets pour la laïcité des progrès de l'Islam, les plus sensibles au discours anti-européen"c'est que ce sont eux qui vivent les réalités, pas ceux qui sont protégés par leur situation financière, ceux qui vivent dans des immeubles sécurisés.
Ces Français là vivent de plus en plus mal et le décalage entre les discours politiques-ou économiques-devient un fossé.
Vous pouvez bien parler hommes politiques, vous parlez dans le vide.
Hollande a fait le choix Macron , les milliardaires vont ils voter pour lui?.
Quand les gens vont se noyer ils se raccrochent même à un serpent.
Laissons les tenants de l'arrogance dans leur camp , mais il est intolérable qu'ils osent nous parler de démocratie alors qu'il la piétine chaque jour.
girard
Rédigé par : girard | 22 septembre 2015 à 07:04
Certains d'entre vous commencent à voir clair, mais il est plus tard que vous ne pensez.
Ton père que j'aimais bien disait souvent" qu'il fallait appeler un chat un chat"il avait bien raison et n'oublions pas d'appeler les nouveaux Rollet des fripons.
Oui Gaëtan tu as raison ceux qui affirment ne plus vouloir voter socialiste sont de plus en plus nombreux-j'en suis-oui l'immigration, oui les progrès de l'Islam,oui le rejet de cette Europe ce ne sont pas des lubies, c'est une violence que l'on fait subir au peuple de France.
Et votre premier secrétaire va organiser un référendum sur l'unité de la gauche-on croit rêver -
Quant au réflexe de survie de l'Elysée ou de l'état major du PS c'est pour sauver leurs places rien d'autres , ils ont déjà mis dans les pertes et profits leur électorat .
Je suis heureux que tu emploies le mot " la vraie " en parlant de la gauche, c'est donc qu'il y en a une fausse ?
On va une nouvelle fois vérifier l'adage " on est toujours trahis par les siens"
girard
Rédigé par : rené girard | 21 septembre 2015 à 21:23