Monsieur le Président,
Ces derniers mois, j'ai eu l'occasion de vous faire part des réticences que m'inspiraient vos choix économiques.
C'est aujourd'hui de la perplexité croissante que suscitent vos choix politiques que je souhaite vous entretenir.
Sans nier le caractère exceptionnel de la période, qui rend votre tâche chaque jour plus difficile, on ne peut que s'interroger néanmoins sur l'opportunité d'une stratégie qui est à la base du doute qui s'est à nouveau répandu dans l'opinion.
Comment comprendre tout d'abord l'importance accordée au débat sur la déchéance de la nationalité que vous avez décidé d'ouvrir et dont les errements ont persuadé les Français que le milieu politique vivait à cent lieues de leurs véritables préoccupations ?
Je crois qu'il serait sage de retirer l'article 2 de votre projet de révision constitutionnelle qui inquiète et divise avant que les dégâts, y compris au sein de votre majorité, ne soient devenus irréparables.
Comment comprendre ensuite le choix que vous avez fait de ne plus vous adresser aux Français ? Vous ne pouviez, au lendemain des attentats de novembre, convoquer le Parlement à Versailles, en appeler au Conseil de Sécurité de l’ONU et à nos alliés européens, mobiliser nos armées, déclarer enfin que nous sommes en « guerre » ...pour vous enfermer ensuite dans un mutisme inexplicable et angoissant. Certes, il vous faudrait, pour reprendre la parole, choisir un autre registre que celui de l'alarme et de l'angoisse qui a prévalu jusque là sauf à céder à une impossible surenchère. Mais nos compatriotes ont besoin qu'on leur dise avec force et confiance que notre grand pays fait face, ne se laisse pas ébranler par une poignée d’assassins et progresse dans son combat.
Comment comprendre, aussi, le doute que vous laissez planer sur vos intentions quant à une éventuelle candidature à un second mandat ? Vous donnez ainsi le sentiment de jouer avec l'engagement que vous avez pris de ne vous représenter que si vous réussissiez à inverser durablement la courbe du chômage. Nous saurons en juin si c'est ou non le cas. Pourquoi ne pas indiquer alors que c'est à cette date que vous vous prononcerez, en rappelant que si l'objectif n'était pas pleinement atteint, vous renonceriez (sauf naturellement circonstances exceptionnelles) ? Votre désistement dans ces conditions serait de nature à redonner un peu de ses lettres de noblesse à la politique. Je ne doute pas que vous préfériez entrer dans notre Histoire comme celui qui a su sacrifier son ambition à son devoir plutôt qu'en politicien acharné à mener jusqu'au bout, et quel qu’en soit le coût, la lutte pour la conservation du pouvoir. Les Français en seraient touchés, soyez-en sûr, et vous appuieraient, convaincus de votre désintéressement, dans les réformes que vous engageriez.
Comment comprendre enfin les manœuvres tactiques qui semblent accompagner la préparation du prochain remaniement ? Pourquoi ne pas laisser de côté les subtils dosages et vous doter pour cette dernière année d'un gouvernement vraiment resserré, tout entier tendu vers sa courte mission : dix ministres - pas un de plus - et autant de secrétaires d'Etat, pour concentrer les moyens entre quelques mains dont la valeur ne ferait pas débat. Comment comprendre à cet égard que depuis quatre ans la lutte contre le chômage ait été confiée à deux personnalités qui n'ont accepté cette mission que faute de mieux puis à une troisième, aux qualités sans doute éminentes, mais qui n'y avait pas même été préparée? Dans chaque domaine, le pays ne manque pas de responsables expérimentés dont il faut maintenant coûte que coûte vous entourer.
Sans doute, n'apprécierez vous guère que je me permette de vous donner ainsi sans précaution mon sentiment sur la situation.
Mais je veux croire que l'homme épris de liberté que vous avez toujours été ne sera pas choqué de constater que la cour qui vous entoure ne s'étend pas jusqu'au vieux Palais du Luxembourg.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l'expression de mes sentiments critiques mais indéfectiblement amicaux.
Gaëtan Gorce
Très bien sur le fond mon cher Gaëtan, mais un peu ampoulé quant à la forme ! Obligatoire quand on est sénateur. Amitiés. Guy
Rédigé par : Guy Schwartz | 14 février 2016 à 23:35
Cela me fait penser à une querelle byzantine, les intentions de l'un , le dosage politique,le remaniement pour faire la même chose,la concentration des moyens ou plutôt à Prévert "et un raton laveur".
De tout cela le pauvre peuple est fatigué et tu as raison de l'écrire "le monde politique vit à 100 lieues des préoccupations des Français".
Rien ne rebute "notre" président adepte de la méthode Coué , mais ses incantations ne font rire personne , la lutte contre le chômage aura été sa priorité pendant le mandat entier.
Pas un mot sur les milliards donnés au patronat avec les résultats que l'on sait .
Il a fait pire que son prédécesseur l'histoire en sera témoin.
Donc la messe est dites!
girard
Rédigé par : girard | 12 février 2016 à 23:22
Je partage totalement les propos de cette lettre ouverte. Votre réalisme, vos compétences et votre franchise lui seraient bien utiles actuellement. Vous êtes à mille lieues du bal des prétendants !! Merci, Gaëtan pour vos propos aussi "critiques qu' amicaux" !
Rédigé par : Dany Lenoir-Lemaitre | 10 février 2016 à 23:00