Explosion des candidatures à droite, surgissement de E. Macron, poussée (relative) de J.-L. Mélenchon, irruption d'initiatives citoyennes telle « Nuit Debout », la scène politique nationale s'agite et se fragmente, même si cette apparente fébrilité doit beaucoup à des médias en manque de nouveauté.
La réalité est en effet plus prosaïque : l'opinion reste traversée par des tendances lourdes qui cherchent, comme à chaque fois, les voies par lesquelles s'exprimer et les sujets sur lesquels il faut d'abord travailler.
Nul doute, en premier lieu, que l'attitude de nos compatriotes soit commandée par le souci de tout mettre en œuvre, avec les moyens que leur concède le système politique, pour éliminer les deux candidats dont ils ne veulent à aucun prix, à savoir l'ex et l'actuel président.
C'est surtout à cette aune que doit être appréciée la faveur dont jouit Alain Juppé, qui semble être le seul à droite capable de contenir et d'empêcher le retour de N. Sarkozy. Que celui-ci se retire et la donne à droite peut en être changée. Mais en l'état, A. Juppé gagnera inéluctablement la Primaire, même si le soutien dont il bénéficiera alors ne préjugera en rien de la suite.
C'est parce que le principe de la Primaire n'est pas acquis que le processus est plus chaotique à gauche.
En effet, nos compatriotes cherchent désespérément le moyen de dissuader l'actuel chef de l'Etat d'être candidat. Les messages qui lui sont adressés se font ainsi de plus en plus explicites : si sa chute est continue dans les sondages, certains de nos concitoyens poussent la malice jusqu'à faire monter J.-L. Mélenchon, d'autres, de plus en plus nombreux, jusqu’à encourager la « candidature Macron ». Le ministre de l'Economie l'a d'ailleurs bien compris, lui qui fait désormais tout pour essayer d'offrir une nouvelle option, ambition pour laquelle, il faut le noter, il ne rencontre à gauche que peu de concurrence.
Pour autant, dans les deux cas, qu'il s'agisse de A. Juppé ou plus récemment de E. Macron, ne nous y trompons pas : l'opinion ne nous dit pas qu'elle veut l'un ou l'autre pour président mais qu'elle désire leur candidature pour prévenir "l'horreur" que serait pour elle la répétition de l'affrontement du second tour de 2012.
Du coup, si les critères de sélection nous semblent désormais assez clairs, qu'en sera-t-il de ceux qui feront au final l'élection ?
Deux tentations, cependant contradictoires, sont ici nettement perceptibles.
La première, la plus forte, c'est le besoin très prégnant qu'ont nos concitoyens, ballotés de crises financières en menaces terroristes, d'être rassurés. Ce que François Hollande a échoué à faire. Jugé incompétent par la droite, imprévisible par la gauche, il inquiète au moment où la France doute d'elle même et doit affronter des défis redoutables. C'est à cela d'ailleurs que l'on peut le mieux mesurer l'ampleur de l'échec de F. Hollande : le bénéfice de la crédibilité n'ira pas au sortant ... mais à un ancien Premier ministre qui a fait habilement le choix de la "force tranquille" et ne dit qu'un minimum de choses sur ses intentions. Le maire de Bordeaux n'a même pas besoin de mettre en avant sa compétence ou son expérience : elles ressortent par contraste avec l'attitude respective de l'ancien et de l'actuel chef de l'Etat. Son engagement, enfin, de n'effectuer qu'un mandat rassure un peu plus en donnant le sentiment qu'il veut être président non par ambition mais pour servir, à la différence de N. Sarkozy ou de F. Hollande à l'évidence obsédés par le renouvellement d'un bail durant lequel ils ont tant déçu.
Ceci posé, il faut bien voir qu'une seconde exigence, contradictoire avec la première, et pas tout à fait aussi puissante en raison du contexte, travaille nos compatriotes: ceux-ci ont aussi soif de renouvellement ! D'où leur envie de rejeter tout ce qui s'apparente de près ou de loin au système en place qui, pour eux, a failli. Trente ans de chômage de masse, de déficits accumulés et d'impuissance publique ont crée un climat propice aux démagogues mais aussi à celles et ceux capables d'entonner l'air du changement.
La confiance dans la droite, comme dans la gauche, est brisée puisque l'une comme l'autre ont déçu ou échoué.
Les partis sont rejetés parce qu'assimilés aux intérêts de clans dont ils semblent uniquement préoccupés.
Le problème est qu'à la différence du besoin d'être rassurés, ce besoin de renouvellement n'a en revanche pas encore trouvé son champion.
Certes, le FN se voit bien dans ce rôle mais il n'a à en proposer qu'une version négative, à laquelle il paraît à une majorité de Français, difficile d'amarrer l'avenir du pays.
Bruno Le Maire, à droite, cherche sans doute à s'en emparer mais dans un style si classique que chacun finira par s'apercevoir (sauf peut être retrait de Sarkozy je ne vois pas pourquoi un retrait de Sarko favoriserait Lemaire) qu'il joue faux parce qu'à contre-emploi.
C'est enfin sur ce terrain enfin que semble désormais vouloir se placer Emmanuel Macron, ce qui explique un début de succès que les critiques de la vieille garde socialiste, à l'instar de celles adressées en 2007 à S. Royal, ne peuvent que renforcer. Bien sûr, il y a là une grande part d'illusion : E. Macron est, plus qu'aucun autre, le produit du système que les Français veulent renverser. Mais la confusion des esprits est si grande, l'échec des partis si patent, l'attente de changement si forte, qu'une forme de fraîcheur peut passer pour une promesse de renouveau .
Expérience contre renouvellement : ce double mouvement ne semble-t-il pas devoir imposer un duel E. Macron/A. Juppé ? Si l'un comme l'autre se montrent assez habiles, l'hypothèse ne peut être écartée.
Il est pourtant une raison d'en douter : c'est que tous deux portent le même projet.
Et celui-ci est bien éloigné du malaise des Français. L'un comme l'autre ne prônent-ils pas une adaptation plus poussée, via l'Europe, à la mondialisation, en dépit des inégalités et de l'instabilité que celle-ci suscite ?
Un tel duel risque du coup de virer au duo, laissant à l'extrême-droite le monopole de l'alternative.
N'est-ce pas précisément ce qu'il importe aujourd'hui d'éviter ? Et la gauche peut-elle y réussir ?
Du fait d'un bilan désastreux, l'argument de l'expérience lui est interdit, condamnant par avance les candidatures de F. Hollande et désormais de Manuel Valls que sa loyauté entraine dans la même chute. Reste celui du renouveau qu' E. Macron ne parvient à brandir que parce que la gauche s'est figée dans des postures. Le discours nostalgique des uns ne suscite pas plus d'envie que la vulgate moderniste des autres.
Du coup, ma conviction est qu'il existe aujourd'hui un espace pour une candidature de mouvement, qui s'attaque aux tabous de la vieille gauche mais aussi et surtout à ceux de l'élite bien pensante qui s'est coupée du pays : faire une pause pour remettre à plat le projet européen dont le sens politique est devenu ambigu, prioriser l'innovation et l'emploi en cessant de sacrifier la jeunesse et notre industrie, montrer le potentiel d'avenir que recèle la transition énergétique. Bref, rester fidèle à des valeurs, et d'abord l'égalité et la justice, tout en inventant de nouvelles politiques ! Et ainsi montrer que la France a des ressources pour un sursaut.
Pendant que certains travaillent leur image médiatique, n'est-ce pas à ce projet qu'il faut en priorité se consacrer ?
A suivre donc...
François Hollande me semble avoir perdu définitivement toute chance à la Présidentielle lors de la mascarade du Congrès de Poitiers; c'est là que l'esquisse d'une réactualisation du projet socialiste a été étouffée; le PS a eu peur de bouger; le PS a eu peur de vivre autre chose que des petits calculs. Un Président anxiogène, c'est une oxymore. La France était déjà l'un des pays d'Europe où les enseignants étaient les moins payés, et on comprend maintenant pourquoi quand on voit en quelle estime la Pédagogie a été tenue par un Pouvoir qui a renoncé, d'entrée, à expliquer.
Pas de vie, donc; mais je suis d'accord avec ce que tu écris sur la concurrence; où sont les idées?
Rédigé par : Claude Husson | 25 avril 2016 à 19:19