Pouvons-nous continuer de sacrifier au nom de l'Europe nos intérêts vitaux, telle est la seule vraie question qui nous est posée aujourd'hui. Et dont on cherche à nous détourner en faisant monter des polémiques dites " identitaires" qui révèlent surtout le cynisme et la vacuité de pensée de ceux qui s'y livrent. Au risque de déchirer le pays.
Celui-ci a besoin au contraire de se rassembler, de retrouver foi en lui-même, ce qui suppose de cesser de lui mentir: après dix ans passés à réaliser l'élargissement, réfléchir aux mécaniques institutionnelles (le fameux traité de Lisbonne) et à gérer l'Euro, les lendemains ne chantent ni à Bruxelles ni dans aucune des 29 capitales de l'Union.
Le réveil a été particulièrement dur à Madrid, Lisbonne et plus encore à Athènes.
Il n'est pas encore intervenu à Paris, même si le rejet du traité constitutionnel a montré de quoi il pourrait être fait.
À jouer les somnambules, pour reprendre la belle expression utilisée pour qualifier l'attitude des élites des pays européens se dirigeant vers la première guerre sans le voir, le retour de l'aube risque d'être douloureux.
À quoi assistons-nous en effet partout sinon à la montée progressive et de plus en plus forte d'un rejet de ce que l'Europe est devenue ? Pour les uns, une oligarchie libérale prêtant la main à la démolition de nos modèles sociaux; pour les autres, un prétexte à une ouverture inconsidérée des frontières à des flux migratoires assimilés à autant de menaces pour les identités nationales.
Il est ahurissant d'observer que la seule réponse à ces dérives envisagée à ce stade oscille entre la difficile préservation d'un impossible statu quo que l'Allemagne cherche à garantir à coup de contraintes juridiques et comptables et une fuite en avant fédérale dont la France, pour la galerie, cherche à se faire le promoteur nostalgique.
Aussi serait-il temps de regarder les réalités en face et de comprendre que rien ne sera possible tant que la confiance en l'avenir ne sera pas revenue dans les principaux États de l'Union, à commencer par la France.
Cette confiance passe par le réveil de notre économie que Bruxelles et Bonn rendent impossible en prétendant privilégier la réduction de la dette et des déficits sur le retour du plein emploi.
Cette situation n'est plus tenable: non seulement la France a perdu ces 10 dernières années des centaines de milliers d'emplois industriels mais la part de l'industrie dans sa richesse nationale a été réduite d'un tiers ! Accepter la poursuite d'une telle saignée ne serait pas seulement contraire à notre intérêt national mais aussi plus simplement au simple bon sens.
Aussi la France doit-elle saisir l'opportunité de la prochaine présidentielle pour obtenir de ses concitoyens mandat d'exiger de l'union un plan de relance global et rapide (en transformant le tortillard qu'est le plan Juncker en Tgv d'une nouvelle croissance) ou à défaut de consacrer elle-même une part de son épargne et de son déficit public au redémarrage de l'économie via l'investissement dans le ferroviaire, le numérique, la transition écologique et la recherche. Seule cette option, qui redonnerait du nerf à l'activité, serait de nature à mettre un terme aux mécontentements récurrents.
L'enjeu n'est pas en effet de s'enliser dans une énième réforme des institutions de l'Union mais de remettre les peuples en mouvement en donnant l'exemple d'une autre politique. Ce qui a été promis en 2012 trouverait enfin à s'appliquer en... 2017 !