Curieux
fonctionnement que celui de notre Parti Socialiste. Une double folie s'est
emparée de celui-ci au moment le plus inattendu. Folie du rassemblement, tout
d'abord, qui a conduit ses deux principaux leaders, Martine Aubry et J.M.
Ayrault, à contraindre ministres, responsables nationaux et locaux,
parlementaires à se regrouper d'autorité dans une motion qualifiée
significativement d'unique (comme par une sorte de lapsus révélateur renvoyant
au parti du même nom).
Pourquoi
une telle frénésie ? À peine la victoire électorale remportée, la division
menaçait-elle déjà ? Mais quels en étaient les signes avant-coureurs détectés
par leur sismographe politique ? De secousses économiques, sociales,
financières, il est aujourd'hui question. Mais d'ébranlement de la majorité ? Les
verts s'agitent bien un peu, irrités par quelques déclarations maladroites des
ministres en charge. Certains, à peine élus grâce à la bienveillante attention
de la Première secrétaire menacent aussi, bien au chaud du Parlement, de ne pas
voter le traité européen. Mais on est loin de la grande révolte. Le
raidissement de la direction du PS et de Matignon n'a donc pas d'autre
explication que leur peur irrationnelle du désordre, jugé inévitable si
s'ouvrait librement le débat. C'est dire leur peu de confiance dans un parti
qu'ils connaissent mieux que personne. Plus qu'aucune déclaration, leur
attitude montre combien la rénovation promise ne s'est pas concrétisée et que
les clans continuent à mener leur danse à l'abri des regards et des
militants.
Mais folie de l'émiettement,
tout aussi bien qui a gagné le camp de ceux peu nombreux qui ont refusé de
céder à la pression et aux objurgations de la majorité. Ce ne sont pas moins de
trois motions différentes qui vont entrer en compétition. À croire que des
esprits malins, soucieux de les affaiblir, les ont poussé coûte que coûte à se
différencier. Les chances de faire vaciller le bloc « unique »
étaient déjà bien minces avec un seul texte. Mais avec une tierce, et sans atouts
? Comment comprendre cette balkanisation dont le sens politique m'échappe ? Ce
n'est pas faute d'avoir essayé de les rassembler. Au cours des 3 semaines qui précédèrent
le dépôt des motions, nous tînmes moultes réunions, de rapprochement, de
conciliation, de synthèse. Des documents communs furent élaborés, amendés,
discutés. En vain ! Non pour des raisons de fond : nous étions tous d'accord
pour condamner la méthode suivie par le parti et pour proposer la rénovation la
plus large. Mais parce que chacun réclamait de conserver en l'état sa prose,
consentant à peine à l'additionner aux
autres sans jamais rien retrancher.
C'est
dire que si le mal frappe à la tête du parti, il est aussi à la base : jamais
cette génération aura été aussi peu politiques faisant comme les
« grands » passer ses ressentiments, humeurs, préséances et susceptibilités
avant tout autre chose. Avec au final, des militants qui risquent devant la
profusion de textes de ravaler leur mécontentement pour voter avec leurs pieds.
Qu'y faire, sinon tenter d'être sage pour trois. De faire valoir notre projet
et d'inviter ces partenaires-concurrents à se réunir après le vote, pour mettre
leurs résultats en commun, faute d'avoir pu y parvenir avant. Aussi faut-il avoir le cœur bien accroché
pour tenter de se glisser entre ces deux folies concurrentes...et inviter à
chacun de voter efficace.
Question
de principes, évidemment !