En effet, on assiste depuis quelques années au développement exponentiel de l'usage des données biométriques, en particulier pour contrôler l'accès à des services ou à des locaux professionnels, commerciaux, scolaires ou de loisirs. A côté des dispositifs de reconnaissance des empreintes digitales sont en effet apparues de nouvelles formes de biométrie dont la fiabilité et les risques ne sont pas totalement identifiés, telles que la reconnaissance faciale ou vocale, le « keystroke » (reconnaissance de la frappe au clavier) ou encore la reconnaissance de la dynamique de signature qui sont venus s'ajouter aux systèmes d'identification par le contour de la main ou l'iris de l'œil. A cette mutation technique, qui n'en est qu'à son commencement, s'ajoute une volonté de diversification des usages pour répondre à des enjeux soit de contrôle social (comme le contrôle des horaires de travail via un mécanisme de recueil d'empreinte à l'entrée ou a la sortie du bureau ou de l'atelier) soit de simple confort commercial (accès à un restaurant scolaire, une piscine après vérification du contour de la main, etc).
Cette évolution, encadrée par un régime d'autorisation confié à la CNIL, appelle une clarification législative dans la mesure où elle met en jeu des principes fondamentaux au regard de la protection de la vie privée et du corps humain qui doivent être rappelés et défendus.
La question qui nous est posée est en effet de savoir si nous sommes prêts à consentir à une banalisation de l'usage de données tirées du corps humain ou si nous voulons que cet usage soit limité à des situations exceptionnelles.
Répondre à une telle interrogation suppose de définir au préalable ce qu'est une donnée biométrique. Ce qui en fait la spécificité, c'est qu'elle est par nature issue ou tirée du corps humain. Elle est en quelque sorte « produite » par celui-ci, ce qui entraîne deux conséquences.
La première, c'est que la donnée biométrique est effectivement distincte du corps humain. Elle ne peut relever en ce sens de la protection absolue que la loi garantit à celui-ci à travers l'article 16 du code civil et suivants, à savoir l'inviolabilité et l'indisponibilité.
La seconde, en revanche, c'est que la donnée biométrique, si elle ne se confond pas avec le corps humain, en est néanmoins le prolongement direct. A la différence de toute autre donnée personnelle, elle ne peut être fournie que par moi et ne concerne par définition que moi. Des lors, sa collecte et son utilisation ne doivent pouvoir se faire qu'en fonction de règles « inspirées » de celles protégeant le corps humain.
Si, en raison du caractère propre de leur objet, ces règles peuvent être moins rigoureuses, elles doivent être en tout état de cause « influencées » par cette rigueur. Elles baignent nécessairement dans le même environnement juridique. Ce qui doit naturellement conduire à n'accepter qu'une utilisation stricte et contrôlée des données biométriques et uniquement pour des finalités particulières définies par la société comme justifiant qu'on y recoure. De ce point de vue, il semble que seules des exigences de sécurité (incluant y compris la lutte contre l'usurpation d'identité) devraient conduire à autoriser ces pratiques.
D'autant qu'au-delà du souci d'assurer la protection des personnes, cette limitation du recours à la biométrie devrait traduire également notre volonté, qui doit rester forte dans notre société, de garantir la dignité des personnes à laquelle cette technologie est susceptible d'apporter d'indiscutables atteintes. La collecte, la transcription ou la reconnaissance de la donnée biométrique implique en effet, pour celui qui s'y soumet, une discipline de comportement qui ne devrait être acceptée, pour cette raison, que dans des cas limités et pour des motifs impérieux. L'intuition seconde d'ailleurs ce raisonnement : n'éprouve-t-on pas une réticence instinctive à donner ses empreintes ou coller l'œil à un boîtier, comme s'il s'agissait d'une contrainte ou d'une conduite anormale ?
Or, la loi ne tire pas aujourd'hui toutes les conséquences de ces principes puisque si elle soumet à autorisation la collecte et le traitement des données biométriques, elle ne les conditionne nullement à une finalité particulière. C'est en ce sens qu'il est proposé aux parlementaires de compléter la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique et aux libertés en conditionnant l'usage des données biométriques à une nécessité stricte de sécurité (entendu comme la sécurité des personnes et des biens, ou la protection des informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible), pour autant naturellement que le risque soit élevé et qu'il y ait proportionnalité entre la nature de l'information ou du site à sécuriser et la technologie utilisée.
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Je suis intervenu au Sénat le mercredi 18 septembre dans la discussion générale sur le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions électives locales avec le mandat de député ou de sénateur. Voici mon discours :
"J'ai l'impression d'entonner l'Arlésienne. Quel que soit mon respect pour
Bizet et Alphonse Daudet, je ne suis pas mécontent que le Gouvernement mette un
terme à une longue suite d'atermoiements. Il ne s'agit pas de moraliser la vie
publique parce que nous n'avons pas à rougir de tenir notre mandat de la
confiance de nos concitoyens - il suffirait d'interdire le cumul des
indemnités. Le malaise civique est profond. Je regrette que la modernisation de
nos institutions n'ait été évoquée qu'à la marge.
L'interdiction du cumul est-elle la réponse ? Oui et non. Oui, si on considère qu'il faut encourager le renouvellement et trouver une solution qui corresponde au temps. Le cumul est la conséquence de la centralisation de nos institutions. La décentralisation aurait dû y mettre fin, mais elle l'a accentué. Il a une autre cause : la dévalorisation du Parlement. Ce qui veut dire qu'il faut à la fois interdire le cumul et en finir avec l'insuffisance des moyens des assemblées pour exercer les pouvoirs de contrôle qui devraient être les leurs. Je souhaite que le président du Sénat se saisisse rapidement de cette question.
L'équilibre des institutions, le rôle du Sénat, sont-ils menacés ? Nullement. Sans doute y a-t-il quelque populisme chez les uns, mais j'observe aussi les effets d'une certaine démagogie parlementaire qui flatte les habitudes et refuse tout mouvement. (Applaudissements sur les bancs écologistes ; M. Claude Dilain applaudit aussi).
Pourquoi le cumul, toléré pendant des décennies, est-il brusquement l'objet d'une telle réprobation ? C'est que le lien de confiance entre nos concitoyens et les parlementaires s'est affaibli. Son renforcement passe par l'interdiction du cumul ou encore la transparence des patrimoines - je regrette sur ce dernier point la position de l'Assemblée nationale.
Nous avons tous le souci d'incarner la République dans ses valeurs les plus hautes. Ce n'est pas qu'une affaire de loi, mais de conscience. Avançons pas à pas et allons un peu plus loin, Monsieur le ministre. Oui, le changement est nécessaire. Dans ce domaine, le changement, c'est maintenant. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)"
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Vous trouverez ci-joint le texte du recours au Conseil Consitutionnel dont je suis signataire :
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PARIS, 18 janvier 2012 (AFP) - La commission des lois du Sénat a rejeté mercredi la proposition de loi UMP pénalisant la négation des génocides, dont celui des Arméniens en 1915, en adoptant une motion d'irrecevabilité du texte, ce qui ne préjuge cependant pas de l'attitude des sénateurs lundi en séance.
Cette motion de procédure équivalant à un rejet et présentée par le président PS de la commission, Jean-Pierre Sueur, a été votée par 23 voix pour, 9 contre et 8 abstentions. Elle devra toutefois être confirmée en séance lundi lors de l'examen du texte.
La position de la commission des lois exprime les fortes réticences d'une partie du Sénat, toutes tendances politiques confondues. La chambre haute du parlement avait, le 4 mai 2011, rejeté un texte identique.
Cependant cette motion d'irrecevabilité, votée dans le cadre restreint de la commission des lois (qui comporte 49 membres), ne devrait pas être ratifiée lundi en séance, une majorité semblant se dessiner en faveur de la proposition de loi. La majorité des sénateurs, qui y sont opposés, devrait s'abstenir ou ne pas prendre part au vote plutôt que de voter contre, ce qui facilitera l'adoption du texte, qui a le soutien du gouvernement.
La proposition de loi de la députée Valérie Boyer ayant déjà été adoptée le 22 décembre par les députés, si le Sénat la vote lundi conforme (sans amendement) elle sera définitivement adoptée.
Le texte, qui a provoqué une crise diplomatique majeure entre Ankara et Paris, prévoit de punir d'un an de prison et 45.000 euros d'amende la négation d'un génocide reconnu par la loi française.
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A lire à l'adresse ci-dessous :
http://www.maire-info.com/article.asp?param=14273&PARAM2=PLUS
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Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes Chers Collègues,
Le temps est venu de ramener un peu de calme et de sérénité dans le paysage local.
Les élus locaux, nos collectivités territoriales, ont été au cours de ces deux dernières années soumises à un bombardement de mesures éparses, le plus souvent contestables, très rarement concertées.
Chacun, de la suppression de la Taxe Professionnelle à la nouvelle carte de l’intercommunalité, a eu le sentiment probablement fondé, que derrière ce patchwork de mesures, derrière ce « paquet » territorial, se cachaient en réalité d’autres intentions, un autre dessein !
Rien ne témoigne mieux de cette confusion et de ces sous-entendus que la création du Conseiller territorial, élu hybride censé représenter à lui seul deux collectivités distinctes, la Région et le Département, au point de laisser penser inéluctablement que l’un de ces deux niveaux des collectivités était dans le viseur.
Je n’insisterai pas sur cet aspect des choses, mais je crois, avec une nette majorité de cette assemblée, particulièrement dommageable de prétendre engager une transformation en profondeur de notre système territorial sans l’assumer explicitement.
Si chacun s’accorde sur la nécessité d’une réforme, le désaccord entre nous porte sur la méthode. Pour nous, elle doit reposer sur le dialogue plutôt que sur l’autorité du Préfet, sur la pédagogie plutôt que des sous-entendus, sur le débat démocratique plutôt que sur le passage en force !
C’est dans cet esprit que la nouvelle majorité sénatoriale a entamé sereinement son travail. D’abord, en rendant aux élus, par la proposition de loi présentée par Jean-Pierre Sueur, le pouvoir, je devrais dire le droit de décider de l’organisation et de l’avenir de leur territoire. Ensuite, c’est notre tâche d’aujourd’hui, en abrogeant le Conseiller territorial ; enfin, ce sera le processus des prochaines semaines, en organisant des Etats généraux de la démocratie locale qui permettront de jeter les bases d’une véritable réforme.
Au stade où nous en sommes, il s’agit donc, au nom du principe de précaution, de préserver notre système démocratique de ce texte hybride, sorte d’OGM politique et juridique qu’est le Conseiller territorial.
Il ne s’agit pas d’initier le procès de ce nouvel élu, plutôt de dresser, déjà, son constat de décès. Admettons-le, l’enfant n’était pas viable !
Si j’écarte les arrière-pensées dont je me suis fait l’écho tout à l’heure, comment le Gouvernement peut-il en justifier la création ? Pour l’essentiel, des arguments d’ordre « économique » !
Le Conseiller territorial aurait été le moyen d’économiser l’argent public dont Conseillers régionaux et généraux feraient un usage dispendieux. Outre son caractère outré, cet argument ne résiste pas à l’examen. L’économie attendue sur les indemnités n’a d’emblée cessé d’être minorée par le Gouvernement lui-même au point de ne plus représenter aujourd’hui qu’environ 15 millions d’euros. Cette « économie » est par ailleurs plus que compensée, c'est-à-dire dépassée, par les coûts d’infrastructures qu’elle va générer. L’Association des Régions de France a ainsi estimé à au moins 600 millions d’euros les frais indispensables à l’adaptation des hémicycles à l’accroissement de la taille de leurs assemblées. Au total, la création de Conseiller territorial coûterait donc plus cher que le fonctionnement des actuels Conseillers généraux et Conseillers régionaux.
L’économie attendue devait venir aussi d’une supposée meilleure coordination Département/Région. Placé à la jointure des deux collectivités, le Conseiller territorial aurait été en mesure d’en graisser les rouages et d’en faire mieux fonctionner les gonds. Mais il s’agit là d’une pure pétition de principe que dément l’observation pratique. Le Conseiller territorial, sauf à être membre de l’exécutif des deux collectivités, n’aura d’autres pouvoirs de décision que ceux qui appartiennent séparément aux responsables des Conseils généraux et des Conseils régionaux. La seule économie à en attendre serait une transmission plus rapide des informations recueillies par les élus sur le terrain. Plus sérieusement, la véritable réponse à cette question eut été de réviser les compétences respectives de ces deux niveaux de collectivité. Ce n’est pas la voie qui a été choisie. Ce n’est donc pas la bonne !
Justice faite des prétendues économies, quelle justification reste-t-il au Conseiller territorial ? Une justification démocratique? Ne risque-t-il pas en réalité d’accentuer la confusion dans l’esprit de nos concitoyens sur le rôle respectif des départements et des régions et d’empêcher que le scrutin appelé à en désigner les membres soit l’occasion de juger de leurs bilans, comme de leurs programmes, qui seront en réalité confondus ?
Faut-il ajouter que le choix du scrutin associé au Conseiller territorial, loin de respecter le souhait exprimé par le Sénat, aboutit à un recul de la parité dans les assemblées locales, que le scrutin proportionnel au contraire fait fortement progresser.
Enfin, le caractère pléthorique des futures assemblées régionales ne manquera pas d’alimenter polémiques et protestations d’une opinion encouragée ainsi dans sa défiance à l’égard de ses élus. Faut-il rappeler enfin que chaque fois que l’on a voulu assurer un progrès de la démocratie en renforçant certaines institutions, on a bien pris soin de les doter d’élus spécifiques ; il en est allé ainsi pour le Parlement européen en 1976 et pour le Conseil régional en 1982.
L’argument de la proximité ? Mais n’est-ce pas tout le contraire qui risque de se produire ? Chacun sait le rôle essentiel que joue le Conseiller général auprès des Maires et des habitants, en particulier en zone rurale. Sa disparition et l’extension de la superficie de la circonscription électorale dans laquelle sera élu le Conseiller territorial, la double sollicitation à laquelle sera soumis celui-ci auprès de la capitale régionale et de la capitale départementale ne pourra manquer de créer des distances regrettables que pressentent d’ailleurs les Maires ruraux fortement hostiles à cette « innovation ». Un élu pour deux collectivités : cette équation montre bien le déséquilibre introduit par un dispositif que nous vous proposons par conséquent d’abroger.
« Je suis oiseau, voyez mes ailes. Je suis souris : vivent les rats », le fabuliste nous avait déjà sagement mis en garde contre les individus hybrides auxquels La Fontaine aurait sans doute associé le Conseiller territorial.
En vous proposant simplement de revenir à l’état de Droit antérieur, nous effectuons un geste d’apaisement en direction de l’ensemble de nos collectivités territoriales et des élus locaux. Ainsi, aurons-nous en deux textes, celui de Jean-Pierre Sueur et celui de Nicole Borvo, remis à plat le paysage juridique pour nous permettre d’engager ensuite et sereinement ce qui peut et devra être la grande réforme territoriale que les progrès de la décentralisation engagée depuis 1982 nous permettent maintenant d’espérer.
Aussi votre rapporteur vous invite-t-il à adopter ce texte sous réserve de l’amendement rédactionnel que j’ai pu déposer.
Je souhaite vivement que, respectueux de la volonté du Sénat, le Gouvernement s’engage ensuite à inscrire cette proposition à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale pour que le débat, souhaité par tous les élus locaux, puisse aller à son terme.
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Monsieur le Ministre, Mes Chers Collègues,
Voilà presque cinquante ans que notre Constitution repose sur une ambiguïté ou pire un paradoxe : celui qui fait que le titulaire de la quasi-totalité des pouvoirs, (si on veut bien se souvenir des propos du Général de Gaulle lors de la fameuse conférence de presse de janvier 1964) échappe en réalité à toute forme de responsabilité. On objectera que c’est via la censure du Gouvernement que le Parlement peut exercer ses prérogatives constitutionnelles de contrôle. Mais c’est ignorer la réalité politique et le fait majoritaire. Il est d’ailleurs significatif d’observer que c’est pour protester contre l’élection du Président de la République au suffrage universel que l’Assemblée nationale a justement voté la seule censure de l’histoire de la Vème République et l’a aussitôt payé d’une dissolution qui a écarté du Parlement une bonne partie de ceux qui avaient pris une telle initiative. Autant dire que ce précédent a exercé un effet dissuasif sur leurs successeurs. Depuis lors, le processus de la Vème République est toujours allé dans le sens d’un renforcement des pouvoirs du Chef de l’Etat et d’un affaiblissement concomitant de ceux du Premier Ministre et du Parlement. Et la réforme constitutionnelle ramenant à cinq ans la durée du mandat présidentiel n’a pas fait exception à la règle.
Ce paradoxe pourtant ne cesse de nous interpeler et de nous confronter à la question du Sphinx constitutionnel : comment assurer au Président de la République la sécurité juridique qu’appellent sa fonction, comme son mode d’élection, avec la possible mise en jeu de sa responsabilité que pourrait rendre nécessaire le manquement aux devoirs de sa charge ? A cette question, la réforme de 2007 a apporté une réponse, lourde sans doute d’insatisfactions et d’imprécisions. N’organise-t-elle pas l’inviolabilité du Chef de l’Etat en matière pénale, comme en matière civile ou administrative ? Ce qui a conduit Robert Badinter à expliquer à l’époque le vote hostile de l’opposition sénatoriale, dénonçant une immunité intégrale qui va jusqu’à protéger le Président contre une éventuelle procédure de divorce, en tout cas vis-à-vis de son épouse, sinon à l’égard des Français pour lesquels la procédure me semble aujourd’hui, en revanche, bien avancée !
Mais au-delà de cette « singularité », il faut admettre que cette réforme, via le nouvel article 68 de la Constitution, modernise enfin la procédure dite « de Haute trahison », pour lui donner un fondement politique en confiant aux deux Chambres la maîtrise, d’une procédure de destitution. Malgré ses imperfections, ce dispositif avait ainsi au moins le mérite d’exister ! Sauf que par une curieuse carence de l’exécutif, il n’existe toujours pas, faute que celui-ci ait pris la peine de faire voter la loi organique en permettant l’application.
On est en droit de s’interroger sur ce retard. Le calendrier parlementaire était-il à ce point chargé qu’il a été possible de légiférer sur les chiens dangereux, ou de revisiter à plusieurs reprises les textes sur la récidive, sans trouver le temps d’examiner un texte aussi mineur que celui permettant l’entrée en vigueur d’une révision constitutionnelle et portant sur un sujet aussi mince que la mise en cause de la responsabilité du Chef de l’Etat ? S’il s’agit d’une négligence, Monsieur le Ministre, vous conviendrez qu’elle est de taille. Mais s’il s’agit d’un ordre de priorité, vous devrez admettre alors qu’elle soulève bien des questions. Les mauvais esprits, dont je ne suis pas, pourraient y voir la crainte du nouveau Chef de l’Etat de s’exposer ainsi à une éventuelle mise en cause. A tel point que je ne suis pas sûr que vous ayez rendu service à l’actuel titulaire de la charge en différant cette réforme. Et je ne suis pas sûr non plus, que vous lui rendiez aujourd’hui service en vous opposant ici même dans cet hémicycle à sa mise en œuvre. Que pourrions-nous, que devrions-nous, en effet, en déduire ?
Pour justifier votre défaillance, vous ne manquerez certes pas de faire valoir qu’un projet portant sur le même sujet est déposé à l’Assemblée nationale. Mais l’aurait-il été si nous n’avions réactivé la proposition de notre collègue Patriat ? D’autant que ce projet dont vous êtes aujourd’hui si fier, n’a été inscrit à l’ordre du jour que voici quelques heures. Mais pourquoi dès lors nous faudrait-il attendre que l’Assemblée se soit prononcée, sans d’ailleurs avoir la certitude qu’elle finira par le faire ? Pourquoi lui reconnaître une telle primauté ? Ce que ne fait pas notre Constitution ! Ou bien faudrait-il comprendre qu’un projet vaut mieux qu’une proposition de loi ? Avez-vous tant d’interrogations et de doutes sur la qualité de l’initiative parlementaire que vous ne pourriez consentir à lui laisser l’avantage ? C’est pourtant ce que vous avez fait à plusieurs reprises et sur de multiples sujets durant cette législature. Auriez-vous alors à reprocher à notre proposition de loi les éventuels excès de son contenu ? Mais il se cale très exactement sur le projet que vous avez déposé à l’Assemblée Nationale et, s’il revient sur le rôle de filtre confié à la commission de lois, il ajoute une protection supplémentaire en écartant la possibilité pour le Parlement d’engager plus d’une procédure au cours d’un même mandat présidentiel. On se perd en conjectures ! Mais l’explication tient sans doute au fait que vous n’arrivez pas à vous faire à la nouvelle situation créée par les Grands Electeurs. Vous devez désormais tenir compte d’une majorité nouvelle. Ne croyez-vous pas, dans l’intérêt de nos Institutions comme de l’image de notre République, que la suprême habileté serait pour vous de la respecter ? Et de nous permettre d’engager puis de mener à son terme ce débat qui n’a que trop tardé ? Monsieur le Ministre votre attitude montre bien qu’il s’agit d’abord pour vous d’un problème de relation du Gouvernement avec notre Assemblée (comme l’a d’ailleurs depuis rappelé M. Bertrand ce matin) alors qu’il s’agit pour nous d’accomplir la mission de législateur que le suffrage universel nous a confiée et qui ne saurait dans les domaines constitutionnels souffrir de délais ! Aussi ne puis-je que vous inviter à entrer dans le débat, à lui faire gagner un temps précieux, et en organisant la procédure prévue par l’article 68 de notre Constitution, à apporter à l’opinion un signe qui ne pourra que renforcer sa confiance aujourd’hui ébranlée dans nos Institutions.
Mardi 15 novembre 2011, débat en séance publique du Sénat
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Vous trouverez à l'adresse ci-dessous mon rapport concernant la proposition de loi visant à abroger le conseiller territorial, débattue en séance publique mercredi 16 novembre :
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