QUERTION AU GOUVERNEMENT SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET LES 35 HEURES
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
M. Gaëtan Gorce. Monsieur le Premier ministre, le premier devoir d'un chef du gouvernement, c'est d'assumer ses responsabilités. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Or vous ne le faites pas (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), puisque, depuis plusieurs mois, vous cherchez sans cesse à vous défausser : hier, c'était la conjoncture internationale ; aujourd'hui, ce sont les 35 heures !
M. Yves Nicolin. C'est vrai !
M. Gaëtan Gorce. Cette stratégie du bouc émissaire est trop commode. La preuve en est que, pour instruire ce procès à charge, j'allais dire « ce nouveau procès de Moscou » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française),...
Oui ! Oui ! M. Christian Bataille.
M. Gaëtan Gorce. ... vous n'avez pas hésité à utiliser des chiffres fantaisistes, en intégrant dans le coût des 35 heures celui des allégements décidés par M. Juppé de 1993 à 1997, tout en oubliant les gains en cotisations sociales et fiscales créés par les 350 000 emplois liés à la réduction du temps de travail. Ce sont 4 milliards d'euros qu'il faudra soustraire de votre facture !
Vous êtes si peu sûr de vous que vous avez montré peu d'enthousiasme à l'égard de la démarche du groupe socialiste visant à créer une commission d'enquête pour évaluer l'impact des 35 heures, notamment sur l'emploi, pensant sans doute que ce débat ne peut se résumer aux caricatures que nous entendons depuis quelques jours.
M. Bernard Roman. Très juste !
M. Gaëtan Gorce. Et si nous devions procéder à une évaluation, il faudrait faire aussi celle de la loi de M. Fillon. Nous demandions lors de l'examen de ce texte il y a un an combien d'emplois supplémentaires allaient être créés par l'assouplissement, comme vous le dites, des 35 heures. Aujourd'hui, nous demandons : combien de chômeurs en plus à cause de la loi qu'il a fait voter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Christian Bataille. Très juste !
M. Gaëtan Gorce. Qui ne voit aujourd'hui que remettre en cause la réduction du temps de travail, au moment où notre pays traverse une crise économique profonde, serait socialement et économiquement irresponsable ! Si vous voulez, monsieur le Premier ministre, revaloriser le travail, donnez-en à ceux qui n'en ont pas ! Ce n'est pas en augmentant le temps de travail de ceux qui en ont que vous y parviendrez ! Cette logique est économiquement absurde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Depuis plusieurs mois, vous cherchez à culpabiliser les Français ! Pour la canicule, vous culpabilisez les familles ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Pour les retraites, vous culpabilisez les fonctionnaires ! Vous voulez remettre en cause les jours fériés ! Sur l'emploi, aujourd'hui, vous culpabilisez les salariés !
Mme Martine David. Eh oui !
M. Gaëtan Gorce. Mais les Français ne sont pas coupables ! C'est vous qui êtes responsable de la situation que nous connaissons aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Noël Mamère.
Très juste !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !
M. Gaëtan Gorce. Vous nous dites vouloir le dialogue social. Eh bien, aucun des partenaires sociaux - à l'exception, peut-être, de certaines voix du MEDEF - ne demande la remise en question des 35 heures ! Plutôt que de remettre en cause les 35 heures, monsieur le Premier ministre, attaquez-vous au chômage et dites-nous comment vous allez faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Monsieur Gorce, vos anciens partenaires de la « majorité plurielle » n'auront pas manqué d'apprécier la référence aux procès de Moscou ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Pour ce qui nous concerne, nous répétons que les 35 heures resteront dans l'histoire comme le symbole d'une triple erreur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli.
On va voir !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. D'abord, une erreur de méthode. Là où vous auriez dû privilégier le dialogue social et l'adaptation aux réalités du terrain, vous avez préféré un dirigisme qui n'est plus employé dans aucun des pays développés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Ensuite, une erreur économique. En effet, cette réforme a eu un coût démesuré pour un résultat médiocre en termes d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David.
C'est faux !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les collectivités locales, les services publics, particulièrement celui de l'hôpital, et tous les Français auront payé « cash » la réforme des 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David.
Et les allégements Juppé !
M. le président. Madame David !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, une erreur pédagogique. Avec les 35 heures, vous avez laissé croire aux Français qu'en travaillant moins on pourrait résister à l'offensive de la mondialisation, alors qu'il fallait leur dire exactement le contraire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. C'est absurde !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Gorce, nous allons poursuivre notre effort patient d'assouplissement des 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Alain Néri. Cela ne marche pas !
M. Jean Glavany. Et la hausse du chômage ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et nous ferons le bilan des assouplissements votés par le Parlement au mois de juillet dernier ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce bilan montrera notamment que l'augmentation du chômage n'est pas plus élevée en 2003 qu'en 2001, époque où à la réduction du temp de travail s'ajoutait à un taux de croissance plus élevé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Plusieurs députés du groupe socialiste.
C'est faux !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous poursuivrons l'assouplissement des 35 heures avec les partenaires sociaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), lesquels viennent de vous donner une leçon de pragmatisme remarquable en acceptant que la formation professionnelle puisse se faire sur le temps de RTT ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous profiterons de cette avancée symbolique pour assouplir les 35 heures.
Mme Martine David. Si vous n'avez que cela à vous mettre sous la dent !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, nous vous proposerons, au mois de novembre prochain, un texte qui, en modifiant les conditions de validation des accords, autorisera les entreprises à négocier avec les partenaires sociaux - mais, bien entendu, selon des règles différentes de celles d'aujourd'hui - la durée et l'organisation du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Henri Emmanuelli. Que faites-vous du taux de chômage ! La CGT va apprécier !
Commentaires