Conseil National du 17 avril 2004
"Il est impossible de vouloir changer la Gauche en faisant à reculons le choix de l'Europe."
Mes chers camarades,
Le choix de l'Europe, mes chers Camarades, nous ne le faisons pas sous la contrainte, ce n'est pas non plus un choix d'opportunité : c'est un choix de raison et aussi l'expression d'une volonté.
Un choix de raison parce que nous savons combien nous sommes redevables à la construction européenne des progrès de la paix, de la solidarité et du développement à l'échelle de notre continent et combien cet enjeu reste aujourd'hui actuel !
Un choix de raison parce que nous savons que face à la montée des "continents puissances" que sont l'Amérique et l'Asie, l'Europe ne peut assurer l'avenir de son modèle social qui si elle met en commun ses ressources et d'abord sa créativité, son inventivité, sa capacité d'initiative. Mesure t-on suffisamment aujourd'hui, combien c'est le retard qui s'est créé en terme de recherche et de productivité entre notre continent, les Etats-Unis et l'Asie, qui constitue la principale menace sur le financement et l'avenir de notre système de protection sociale ?
Mais c'est aussi l'expression d'une volonté politique continue, d'un engagement constant qui identifie notre idéal avec celui de la coopération internationale, de la fraternité entre les peuples, de l'intégration européenne.
Aussi, devons-nous entrer dans le débat européen en récusant les frilosités qui ne pourraient constituer qu'un recul par rapport à nos engagements précédents, en refusant d'alimenter les peurs que suscite le changement et en recherchant au contraire, en permanence, à apporter des réponses concrètes aux interrogations légitimes de nos concitoyens. Comment pourrions-nous mêler nos voix, mêler nos doutes à ceux qui n'ont d'autre mission que de surfer sur les peurs, les craintes et les frilosités pour les exploiter démagogiquement et les retourner contre tous les éléments de solidarité qui existent entre nos peuples et au niveau de nos différents pays !
Aux bellâtres de la rénovation à qui il ne manque pas une mèche dans le personnage qu'ils se composent, je veux dire qu'il est impossible de vouloir changer la Gauche en faisant, à reculons, le choix de l'Europe, en en soupesant chaque gramme de chair, et qu'il n'est pas d'exemple dans notre histoire, que cette tentation du repli, du freinage de notre marche vers l'intégration qui n'ait débouché sur une impasse et un échec. Pour notre part, plutôt que d'ergoter dans un cadre chichement hexagonal, nous voulons au contraire travailler, agir, vouloir pour donner un nouvel élan à l'Europe.
I. A cet égard, chaque mot compte dans la bataille d'opinion qui est engagée. La façon dont nous nous exprimons ne doit pas laisser planer le moindre doute sur la force et le sens de notre engagement européen :
- Nous devons, tout d'abord, éviter les formules ambiguës et par exemple, exprimer sans détours notre soutien au projet de constitution européenne tel qu'il est issu de la convention. Non seulement parce que la refuser nous placerait dans une situation d'isolement sur la scène européenne, ce qui n'est pas négligeable, mais aussi parce que l'adoption de la constitution à l'issue de la conférence intergouvernementale, désormais probable avec le ralliement du gouvernement espagnol, nous placerait dans une position sans issue, dans une impasse. Et si nous obtenions demain, par le vote de nos concitoyens ou de nos militants, le rejet d'un texte adopté par tous les autres, état, peuple, tous les partis de gauche, nous créerions une crise politique dont les seuls bénéficiaires seraient ceux qui veulent justement moins d'Europe ou qui veulent toujours moins pour l'Europe.
- Nous devons ensuite nous défier des fausses solutions, des slogans faciles mais sans aucun contenu opérationnel, et dont la force émotive est inversement proportionnel à la force propulsive ! A commencer par l'idée d'un mandat constitutionnel que nous ne pouvons seuls donner à nos parlementaires. Comment décréter depuis Paris, et qui plus est, depuis seulement la rue de Solférino, que le Parlement dont la compétence est concurrencée par les traités, pourrait brusquement se transformer en Constituante, en Assemblée de Frankfort. Quelle crédibilité accorder à une démarche qui commencerait par une sorte de coup d'état ? Comment ne pas craindre que cette proposition fondée à priori sur le bon sens n'ait en réalité d'autre but, si l'on écarte l'hypothèse de la naïveté de ses auteurs, que de créer un blocage puisqu'il s'agirait d'attendre le bon vouloir d'une Assemblée divisée, ou par ailleurs sans compétences, pour avoir une constitution !
II. Faire de la Constitution un enjeu, cela n'aurait aujourd'hui aucun sens politique, à nous de nous tourner au contraire vers les nouveaux défis qui nous sont lancés par la construction européenne. Comment donner un nouvel élan politique, économique et social au projet européen que nous défendons ? Comment passer de l'incantation, de l'invocation à un projet commun, partagé par nos partenaires sinon en inventant une véritable euro-gauche ?
§ A cet égard, il nous faut tout d'abord écarter l'idée que la solution pourrait naître exclusivement du débat hexagonal et qu'il nous suffirait ensuite de le faire partager. Nous devons à toute force sortir du débat franco-français sur l'Europe ce qui est bien un comble ! A nous de dégager avec les autres partis, avec nos partenaires du parti socialiste européen, des espaces de réflexions et de propositions communes. Pourquoi le fameux "moteur franco-allemand" devrait-il se borner aux gouvernements ? Pourquoi ne pourrait-on lui donner un pendant sur le plan des partis, en particulier entre le parti socialiste et le SPD ? Pourquoi ne pas rechercher avec nos amis allemands un partenariat ouvert pour nous mettre d'accord sur des orientations claires à partager progressivement par d'autres et à y associer, par exemple, nos amis italiens, espagnols, ou d'autres encore ? Ainsi, si je n'éprouve que la plus grande sympathie pour le projet de traité social, il est essentiel que ce projet ne soit pas "Français" mais d'emblée discuté et partagé. Quand sortirons-nous de cette tentation de penser que ce que "France veut, Europe doit" et pire encore de cette exigence selon laquelle le "PS veut, l'euro-gauche doit".
§ A cet égard, il nous faut aussi faire le choix de politiser l'Europe et par conséquent de créer un véritable parti socialiste européen. Pour notre part, comme nous l'avons exprimé avec nos collègues allemands qui ont cosigné avec nous un appel à donner un nouvel élan à l'Europe et créer une véritable euro-gauche, nous souhaitons que notre Conseil National confère à notre délégation au congrès du PSE un vrai mandat :
Ø D'abord pour déboucher sur de vraies réformes au sein du PSE et la convocation d'un congrès refondateur.
Ø Ensuite pour mettre en place des listes transnationales en mesurant le symbole que constituerait à l'occasion des prochaines élections européennes, au moment où l'on fêtera le 60ème anniversaire du débarquement, la présence de candidats socialistes allemand en France ; en mesurant la portée du symbole que représenterait, trois mois après les attentats du 11 mars, la présence de candidats du PSOE en France, comme naturellement la présence de candidats français, sur les listes allemandes ou espagnoles par exemple.
Ø Pour désigner enfin, par un vote militant, sous la forme d'une convention à deux étages, à partir de la désignation de délégué au niveau de chacun de nos militants, notre candidat à la présidence de la commission.
III. Cette ambition, nous devons naturellement non seulement l'exprimer mais aussi la traduire concrètement et la composition de nos listes doit enfin témoigner de l'importance que nous attachons au scrutin européen. J'ai évoqué les problèmes liés à la transnationalité, je n'y reviens pas !
Je veux aussi insister sur l'importance du respect de la parité. Il ne serait pas concevable que, sur les huit listes régionales que nous allons présenter, quatre ne soient pas dirigées directement par des femmes. Enfin, nous devons faire en sorte que nous soyons représentés au Parlement européen par des députés déterminés à s'investir, à s'engager, à agir, à se faire respecter par le travail accompli. De ce point de vue, il ne serait pas normal, il n'est même pas acceptable, que soient écartés de nos listes européennes des parlementaires européens qui ont fait leurs preuves, comme notre camarade Gilles SAVARY auquel je veux témoigner mon appui et ma solidarité.
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