"Notre OUI au traité constitutionnel européen"
Intervention au club témoin
Cher(e)s Camarades,
Pour beaucoup de socialistes, l'idée semble s'être imposée que l'Europe sera sociale ou ne sera pas !
Et c'est souvent au nom de l'Europe sociale, que nous nous étions fixé comme objectif lors de la campagne européenne, que certains partisans du NON justifient leur attitude de refus. Ce positionnement est manifestement excessif !
D'abord, parce que si le social doit être un élément important de la construction européenne, celle-ci ne peut naturellement se résumer à cette seule dimension.
Ensuite, parce que l'on ne peut manquer d'observer que nous avons de l'Europe sociale une idée paradoxalement unilatérale. Le contenu que nous lui donnons n'a souvent été défini, ni en France avec les partenaires sociaux ni qui plus est, en Europe, avec nos partenaires du PSE. Comment s'étonner dès lors de certaines réticences.
Enfin, parce que l'Europe sociale existe. Nous l'avons rencontrée. Elle n'est pas à inventer. François Mitterrand et Jacques Delors, de traité en traité, et notamment avec Maastricht, y ont pourvu. Elle est en revanche à développer, à renforcer, à crédibiliser.
Encore faudrait-il que nous nous mettions d'accord sur ce que nous entendons par Europe sociale. Car, comme tous les slogans, il est d'une terrifiante imprécision.
Il ne peut tout d'abord s'agir de transférer à l'échelle européenne notre modèle français qui n'est d'ailleurs pas véritablement exemplaire. Il ne peut non plus être question de conférer à l'Union, la totalité des compétences sociales tant nos modèles, unis dans le principe, sont différents dans leurs modalités, leurs modes de financement, la place faite aux partenaires sociaux. De ce point de vue, l'unanimité présentée souvent comme un recul inacceptable dans ce traité, au contraire constitue une garantie pour les pays les plus avancés et c'est bien ainsi qu'elle est comprise par certains de nos partenaires à commencer par les socialistes scandinaves.
L'objectif devrait être, me semble t-il, de veiller tout d'abord à associer en permanence préoccupation économique et préoccupation sociale et à faire aux partenaires sociaux une place singulière aux côtés des décideurs politiques. Nous devons tout mettre en œuvre pour préserver cette sainte alliance de l'économique et du social qui fait l'originalité du modèle européen. A cet égard, le traité est le plus progressiste qui n'ont jamais été proposé : le dialogue social est significativement renforcé ; des conventions collectives européennes sont possibles et le dialogue régulé entre syndicats, notamment et pouvoirs publics européens est désormais institutionnalisé. Notre objectif doit être ensuite de garantir la cohésion sociale de l'Union, c'est-à-dire d'éviter, de corriger, de supprimer les disparités qui peuvent être liées à des écarts dans le niveau de vie et de protection sociale. Or, cette question relève autant des politiques économiques et des politiques de fonds structurels que de la compétence sociale de l'Union.
L'objectif doit être enfin, de doter tous les travailleurs de l'Union d'un socle commun de droits de protection et de garanties. La charte sociale dont a parlé Elisabeth Guigou y contribue naturellement. Le dialogue social en sera l'outil encouragé par un agenda social qu'il faut impérativement modifier, compléter et renforcer. Mais, il s'agit là d'un problème de rapport de forces politiques que le droit de pétition peut d'ailleurs permettre désormais de renforcer. L'Union, et les partenaires sociaux, utilisent déjà trop peu leur pouvoir de négocier dans le domaine essentiel des conditions de travail. Il faut souhaiter demain les voir s'engager dans la négociation au niveau des branches à l'échelle de l'ensemble de l'Union.
Bref, on le voit, l'Europe sociale est dotée d'un formidable potentiel que conforte le projet de traité constitutionnel. Aussi, ne devons-nous pas tomber dans l'erreur assez commune, en France, de considérer qu'il faudrait compenser par du droit, par des textes la faiblesse des dynamiques politiques et sociales constatées sur le terrain. C'est plus à ce niveau, au contraire, qu'il nous faut agir, encourageant, impulsant l'intervention des partenaires sociaux, gagnant aussi des majorités politiques faisant progresser notre ambition.
Et si l'on est pas sûr que l'adoption du traité constitutionnel permette à ce sujet de véritables avancées, il est certain en revanche que son rejet constituerait un véritable recul.
Je souhaite en tout cas faire partager aux socialistes ma volonté d'utiliser les opportunités offertes par le Traité pour agir et non ???. En utilisant d'abord le droit de pétition pour exiger par exemple la mise en œuvre de la loi "Cadre" sur les services publics promise par le traité constitutionnel. En amplifiant ensuite la mobilisation des socialistes européens à travers une conférence des partis socialistes européens dont nous pourrions prendre l'initiative chargée de réfléchir à la relance de l'Europe et plus particulièrement de l'Europe sociale.
Pour ma part, je souhaiterais vivement que nous puissions très vite prendre l'initiative également de proposer la constitution d'un groupe de travail sur les politiques sociales qui nous permettrait de préparer utilement le débat de cette conférence dans le cadre du PSE.
Au total, il serait paradoxal que nous refusions ce traité au nom d'une Europe sociale encore indéfinie. On pourrait comprendre que l'on ait choisi la crise après avoir tout tenter pour convaincre nos partenaires de leur faire partager un projet sur lequel nous aurions utilement et durablement travaillé. Or, ce projet n'existe qu'à l'état d'ébauche. Il reste à formuler. Ne prônons pas le refus pour masquer nos faiblesses ; utilisons au contraire ce traité comme un levier pour les compenser et faire de l'Europe sociale non pas un mythe mais un projet.
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