Proposition de loi visant à abroger l'article 4 de la loi n° 2005-158
du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation
et contribution nationale en faveur des Français rapatriés
Proposée par par MM. Bernard DEROSIER, Jacques FLOCH, Jean-Marc AYRAULT, François HOLLANDE, Victorin LUREL, Gaëtant GORCE, Jean-Paul BACQUET, Mme Hélène MIGNON, MM. Gérard BAPT, Jean GLAVANY, Mmes Odile SAUGUES, Christiane TAUBIRA, MM. Pierre COHEN, Alain NÉRI, Mme Patricia ADAM, MM. Jean-Marie AUBRON, Christian BATAILLE, Jean-Claude BEAUCHAUD, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS
Mesdames, Messieurs, Lors du débat à l'Assemblée nationale sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, l'adoption d'un amendement parlementaire portant article additionnel a dénaturé les objectifs initiaux de ce projet qui aurait dû faire consensus au sein de la représentation nationale. Cet amendement, sous-amendé en séance, devenu l'article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 a été adopté contre l'avis des socialistes et sans qu'un débat préalable et approfondi ne puisse être mené. Son contenu n'est pas acceptable. De façon anachronique et en contradiction avec les grands principes qui animent la démocratie française, le deuxième alinéa de cet article apparaît comme une reconnaissance de la colonisation française. Il dispose en effet que les programmes scolaires devront mettre l'accent sur le « rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Les auteurs de cet amendement ont volontairement ignoré la réalité de la colonisation. Cette initiative est révélatrice de l'incapacité de certains de nos compatriotes à faire face avec lucidité au passé colonial et à assumer les conséquences d'une décolonisation qui a engendré des relations difficiles avec les populations des anciennes colonies. Car ce texte est une injonction faite aux historiens d'écrire et à l'école de la République d'enseigner une histoire officielle afin de reconnaître le caractère bénéfique de la politique de colonisation française notamment en Afrique du Nord. La présence française outre-mer s'est étalée sur plusieurs siècles et a eu des effets divers. Certes cette présence a engendré des avancées dans le domaine des infrastructures, des équipements publics et autres, réalisées par le travail des travailleurs français et de ceux issus de ces territoires, mais il est difficile, a priori, de ne les voir que sous leurs seuls aspects positifs et cela ne peut justifier en soi la colonisation. En tout état de cause, il n'appartient pas au législateur d'en décider. En outre, cette affirmation marque un mépris inacceptable à l'égard des populations des pays autrefois colonisés auxquelles il n'était pas reconnu la qualité de citoyen. Cela ne manquera pas de rejaillir sur toutes les personnes issues de l'immigration originaires de ces anciennes colonies, contredisant ainsi les politiques d'intégration. Or, depuis juin 1999, les autorités françaises ont marqué leur volonté de reconnaître à l'histoire algérienne de la France et à la guerre d'Algérie, sa place dans l'histoire nationale, d'abord par sa reconnaissance officielle par l'Assemblée nationale par un vote à l'unanimité, puis par l'ouverture des archives trente ans après les faits et enfin par l'inscription de la guerre d'Algérie dans les programmes scolaires nationaux. Alors que le fait colonial est reconnu dans toutes ses manifestations même les plus brutales et les plus récentes, l'article 4 de la loi du 23 février 2005 semble un étrange revirement.
L'enseignement dispensé dans les écoles de la République doit être exemplaire et donner aux jeunes français une mémoire afin de bâtir leur avenir. Il serait indigne pour l'ensemble de la Nation de passer sous silence les exactions et les répressions policières dans les territoires colonisés comme sur le territoire métropolitain, de mentir par omission en oubliant la torture et les massacres. Or, n'avancer que le rôle positif de la présence française outre-mer et particulièrement en Afrique du Nord, sonne comme une justification de la difficulté qu'a eu la République française à reconnaître le principe de libre détermination des peuples.
De la même manière, dans son refus de regarder lucidement le passé, cet article remet en cause les avancées du travail de mémoire que la France a fait sur l'esclavage et le commerce triangulaire.
Cette disposition de la loi a déjà provoqué d'importantes réactions au sein de l'ensemble des pays concernés par la colonisation française alors que nous devons œuvrer à une réconciliation pérenne des peuples. Elle menace l'élaboration et la signature d'un indispensable traité d'amitié franco-algérien qui devrait permettre à nos deux peuples de devenir, demain, le moteur de la coopération euro-méditerranéenne comme l'a été le couple franco-allemand dans la construction européenne, après pourtant trois guerres meurtrières en 80 ans, grâce au traité d'amitié signé le 22 janvier 1963 entre la France et l'Allemagne.
L'article 4 est de ce point de vue une initiative qui met en cause l'image et le rayonnement de la France.
Tels sont les motifs pour lesquels nous vous demandons d'abroger l'article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
L'article 4 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est abrogé.
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