Proposition de loi visant à abroger le contrat de travail nouvelles embauches
Présentée par Jean-Marc AYRAULT, Gaëtan GORCE,François HOLLANDE, Jean LE GARREC, Alain VIDALIES, Jean-Louis BIANCO
La mise en cause depuis cinq ans de notre modèle social fondé sur la solidarité précarise l’emploi, remet en cause les garanties du droit du travail, stigmatise les jeunes comme les travailleurs plus âgés. Elle se caractérise par toujours plus de flexibilité sur le marché du travail et toujours moins de protection pour les salariés. Elle vise à instaurer dans l’entreprise une relation la plus individualisée possible entre chaque salarié et son employeur. La politique de l’emploi des gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin est un échec. Le chômage est toujours aussi massif indépendamment des statistiques, l’emploi précaire progresse et se généralise. Au printemps 2006, les jeunes, et avec eux tous les salariés, ont rejeté le contrat première embauche, que le gouvernement voulait imposer sans aucune concertation, parce qu’ils refusaient d’accéder au marché du travail au moyen d’un contrat au rabais et sans garanties. Avec un tel contrat, ils devenaient des salariés de seconde zone. Le contrat première embauche n’a jamais été appliqué. Ce n’est pas le cas du contrat nouvelles embauches, mise en œuvre dans le cadre du plan d’urgence pour l’emploi présenté par Dominique de Villepin dans sa déclaration de politique générale de juin 2005. Après avoir abrogé les dispositions de prévention de l’emploi face aux restructurations de la loi de modernisation sociale, après les atteintes aux 35 heures en repoussant leur application pour les entreprises de 20 salariés et moins à fin 2008 et par l’encouragement aux heures supplémentaires en portant le contingent annuel d’heures supplémentaires à 220 heures, ce plan a permis de poursuivre l’entreprise de régression sociale en s’attaquant au droit du travail et en créant un nouveau contrat de travail précaire, le contrat nouvelles embauches.
Pour éviter d’engager une véritable négociation avec les partenaires sociaux et pour éviter d’associer la représentation parlementaire, pour procéder à une telle réforme, le gouvernement a eu recours aux ordonnances. Tout en évoquant la gravité de la situation de l'emploi pour justifier ce recul démocratique, le gouvernement a oublié ses engagements d'organiser un dialogue avec les partenaires sociaux avant toute modification de la législation sociale par voie parlementaire, faits lors de la loi du 4 mai 2004 réformant le dialogue social. Le contrat nouvelles embauches est un contrat de travail qui donne la possibilité pour l'employeur de licencier à tout moment et sans motif particulier. Il n'a à évoquer ni une cause propre au salarié, ni une raison économique – les deux seuls motifs de licenciement reconnus à ce jour dans le droit du travail. Avec le contrat nouvelles embauches la décision unilatérale de l'employeur devient une nouvelle cause de licenciement inscrite dans la loi, dont le contrôle par le juge est rendu impossible, puisque la loi sur le contrat nouvelles embauches permet un licenciement sans cause qu'il faille énoncer. Antérieurement à l’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005, qui a créé le contrat nouvelles embauches, cette situation n’existait que durant la période d'essai, seul moment où l'employeur peut décider, sans avoir à en rendre compte, de mettre fin au contrat de travail. Le contrat nouvelles embauches, qualifié abusivement de contrat à durée indéterminée, prévoit en fait une période d’essai de deux ans. Cette période, décrite de manière erronée comme un temps de consolidation de l’emploi, est en fait une période d’exonération des règles ordinaires du droit du travail en matière de rupture du contrat de travail, absence d’entretien préalable, absence de possibilité d’assistance, absence d’information et de consultation des représentants des salariés, absence de motivation, difficulté de recours en cas de licenciement abusif. De plus la légalité du contrat nouvelles embauches qui est contesté par la totalité des organisations syndicales, fait l’objet de plusieurs recours auprès des instances judiciaires pour que soit notamment constatée sa non-conformité avec les recommandations de l’Organisation internationale du travail. Le champ d'application du contrat nouvelles embauches concerne toutes les entreprises jusqu'à vingt salariés et représente potentiellement quatre millions de salariés, soit 28 % des salariés du privé. Or si les employeurs sont tentés d’utiliser le contrat nouvelles embauches plus flexible dont la rupture est possible à tout moment, plutôt que le contrat à durée indéterminée ou le contrat à durée déterminée, voire le contrat de travail temporaire, ce contrat n’a absolument pas fait preuve de son efficacité en termes de créations d’emplois nouveaux. Moins de 10 % des contrats nouvelles embauches conclus correspondent à des créations de postes. L’immense majorité des contrats signés auraient fait l’objet d’embauches sous forme de contrats à durée indéterminée ou à durée déterminée. L'extension d’un tel contrat de travail conduirait à une généralisation de la précarisation du droit du travail. Les salariés et les organisations syndicales y sont totalement hostiles. Pour les Français, le contrat nouvelles embauches est synonyme de précarité et d’insécurité. Pourtant, aujourd’hui, alors que les Français ont massivement rejeté l’an dernier le contrat première embauche, et que le patronat à travers le Medef persiste à réclamer l’instauration d’un contrat unique, le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle souhaite s’inspirer du contrat nouvelles embauches pour mettre en place un contrat de travail unique. Cette proposition de contrat unique se situe dans la continuité de la politique menée depuis cinq ans. Elle symbolise le modèle social fondé sur la précarisation du travail que veut imposer Nicolas Sarkozy. Elle constitue une atteinte grave au contrat social de notre pays. Elle est à l’opposé de ce que souhaitent et attendent les Français pour lutter contre le chômage et défendre l’emploi. À la précarité et au temps partiel imposé, les socialistes opposent la sécurisation des parcours professionnels et la négociation sociale, le droit individuel à la formation tout au long de la vie et la lutte contre les emplois précaires. Le contrat de travail à durée indéterminée doit être généralisé et rester le socle du droit du travail dans notre pays. Le contrat nouvelles embauches ne peut pas être une source d’inspiration pour faire évoluer le droit du travail. Il doit être abrogé pour que soit effectivement réaffirmé avec force la primauté du contrat de travail à durée indéterminée. Une négociation sera engagée dès la promulgation de la présente proposition de loi avec les partenaires sociaux sur les conditions de requalification et de sécurisation juridique des contrats signés actuellement en cours. PROPOSITION DE LOI Article unique I. – L’ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » est abrogée. II. – Dès la promulgation de la présente loi, une négociation associant les pouvoirs publics et les partenaires sociaux est engagée sur les conditions de requalification et de sécurisation juridique des contrats de travail nouvelles embauches conclus. © Assemblée nationale
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