L'intégralité du débat avec Gaëtan Gorce, député du Parti socialiste dans la Nièvre, lundi 27 août, à 15 h 30 :
Tabula rasa : A Frangy hier, vous avez déclaré qu'il convenait de commencer par changer le fonctionnement du PS. Selon vous, quels sont les éléments de l'organisation actuelle du PS qui expliquent la défaite de mai, et quels sont par conséquent les changements qui s'imposent ?
Gaëtan Gorce : La réponse est simple : l'organisation du PS n'est pas conçue pour produire des idées, mais pour soutenir des stratégies personnelles présidentielles. Le changement qui s'impose, c'est de briser tout ce qui contribue à constituer des rentes politiques au sein du PS, à commencer par la proportionnelle. Je plaide pour une sorte de présidentialisation au PS, c'est-à-dire qu'une fois la ligne politique arrêtée, celui ou celle qui serait appelé à le diriger devrait pouvoir s'appuyer sur une majorité claire, forte, pour avoir le pouvoir de décider. Il devrait aussi avoir l'obligation de rendre des comptes à un parlement du parti qu'il faut revitaliser. Il aurait aussi l'obligation de se retirer en cas d'échec.
Mélie : Ne pensez-vous pas qu'il serait temps de fonder une opposition constructive ? L'idée du shadow cabinet était bonne mais qu'est-elle devenue ?
Gaëtan Gorce : C'est une idée que je m'étais permis de suggérer à Jean-Marc Ayrault. Elle s'est concrétisée par la nomination d'une vingtaine de vice-présidents du groupe socialiste, chacun en charge du suivi d'un département ministériel. Elle va se mettre en place plus concrètement dans les prochaines semaines. Dans mon esprit, elle devait concrétiser une répartition des tâches : la rénovation au PS, l'opposition au groupe parlementaire.
TOTOR : Le PS comprend-il que les électeurs qui l'ont fui sont avant tout énervés par son incapacité à dégager une ligne claire, au nom de la sacro-sainte synthèse et de l'unité du parti ?
Gaëtan Gorce : Je crois que c'est tout à fait vrai. C'est pourquoi je propose de modifier en profondeur nos règles de fonctionnement. Ce que j'ai appelé le système des éléphants est une coalition d'intérêts présidentiels, contradictoires, qui ne s'entendent sur rien sauf sur la nécessité de ne pas laisser bouger les choses. Ils sont protégés par un scrutin proportionnel qui garantit à chaque chef de courant ou de clan une présence politique indépendamment de son poids réel dans le pays et dans le parti.
Il faut savoir que le parlement du parti, ce qu'on appelle le Conseil national, se réunit généralement sur des ordres du jour sommaires, pour quelques heures à peine. Il donne lieu à une litanie d'interventions successives pendant que les principaux leaders s'expriment dans les couloirs, à l'extérieur, devant les médias. Cette hypermédiatisation, qui conduit à vider les instances politiques de leur rôle, est à l'origine d'une incapacité à débattre, et donc à penser et fixer une ligne politique claire.
défaite : Quelles sont selon vous les raisons de la défaite de Mme Royal ?
Gaëtan Gorce : Elles sont naturellement de plusieurs ordres. Certaines tiennent à la campagne elle-même, qui n'a sans doute pas été suffisamment maîtrisée : problèmes d'organisation, improvisation de certaines propositions, malgré des intuitions fortes.
La deuxième raison, c'est évidemment les divisions du PS, qui ont donné de celui-ci une image extrêmement négative. Au cours des mois qui avaient précédé, la bataille pour le pouvoir avait fait rage, et beaucoup de Français en ont retiré le sentiment que les socialistes était plus préoccupés par leurs ambitions que par les problèmes du pays.
La troisième série de raisons, la plus importante à mon sens, c'est qu'il y avait un décalage manifeste entre le projet du PS et les attentes des citoyens. Je vois au moins deux aspects : une fois de plus, une posture qui était non présidentielle. Comme en 2002 où Lionel Jospin, avec le "présider autrement" donnait le sentiment de vouloir éviter d'assumer totalement le pouvoir présidentiel dans ce qu'il a d'autorité personnelle, d'incarnation, la stratégie qui a été suivie cette fois, notamment autour de la démocratie participative, mais aussi tout le débat sur la réforme des institutions, la VIe République, ont donné le sentiment aux Français que les socialistes n'étaient pas prêts à assumer cette responsabilité.
D'autre part, il y avait la perception d'un manque de cohérence, l'idée que le programme des socialistes n'était pas en phase avec des demandes fortes dans l'opinion, le manque d'autorité, indiscutablement, le manque de protection notamment face aux délocalisations, demande de justice face à la montée des inégalités, et demande de soutien, d'encouragement face aux besoins qu'éprouvent beaucoup de nos concitoyens de reprendre un peu leur destin en main. Qu'on leur en donne les moyens.
Mélie : Des lois ont été votées et l'opposition n'a pas été très vive...
Gaëtan Gorce : On ne peut pas demander à l'opposition parlementaire d'être trop offensive dans les trois ou six mois qui suivent le verdict des urnes. Les Français ont voté, ont approuvé en toute connaissance de cause un programme. Il faut donc laisser le temps faire son œuvre, et c'est lorsqu'on pourra commencer à juger cette politique à ses résultats que l'opposition devra s'exprimer avec plus de vigueur. Lorsqu'elle sera prête, aussi, à présenter des contre-propositions. Une opposition systématique dénuée de perspective ou d'alternative serait mal jugée par les Français, et à juste titre. Dans l'immédiat, notre rôle est essentiellement de veiller à ce que les règles constitutionnelles, démocratiques soient respectées. Et pour le reste, à réfléchir aux raisons de notre défaite et à préparer un nouveau projet politique.
Joe_Raisse : Vous avez été, même après leur instauration, un des grands défenseurs des 35 heures. N'est-ce pas une des mesures sur lesquelles le PS a un certain mea culpa à faire pour être à nouveau crédible en matière économique ?
Gaëtan Gorce : C'est une question sur laquelle il faut avoir une approche très ouverte. De mon point de vue, il n'y a pas de tabou des 35 heures. D'abord, j'assume cette mesure. C'est une question de responsabilité politique. Je l'assume d'autant plus que lorsque nous l'avons mise en œuvre, notre objectif était de combattre un chômage qui atteignait en 1997 son niveau maximum. Il fallait donc tout tenter, et nous avons bien fait de l'essayer.
Ensuite, je considère que la question des 35 heures doit être aujourd'hui examinée en toute liberté. Et s'il y a le besoin, dans certains secteurs, d'augmenter la durée du travail, pour des raisons par exemple de pénurie de main-d'œuvre, on doit, par la négociation, pouvoir le faire. La loi ne s'y oppose d'ailleurs pas. Mais plus largement, il faut rouvrir le débat sur la question du travail. C'est moins les 35 heures qui ont été mises en accusation que leurs conséquences sur la rémunération et le pouvoir d'achat. C'est donc plus largement le problème de la promotion professionnelle qui doit être posée. La plupart des salariés se heurtent aujourd'hui à une situation de blocage, tant du point de vue de leur salaire que de leur évolution de carrière.
Les 35 heures sont mises en cause parce que la droite a pointé leur responsabilité, mais le problème est beaucoup plus large et porte d'abord, je le répète, sur ce qu'il faut appeler le blocage de la société salariale.
Phoque_veau : Faut-il encore défendre le smic à 1 500 euros ?
Gaëtan Gorce : Je pense qu'il est illusoire de croire que la question du pouvoir d'achat peut être réglée uniquement par le niveau du smic. La faiblesse de la croissance a en quelque sorte rouillé nos relations sociales en les privant de grain à moudre. C'est pourquoi le redémarrage de l'économie est si important, parce qu'il permet de remettre du mouvement dans la société, dans l'entreprise, d'ouvrir de nouvelles perspectives à la mobilité sociale. Mais la croissance n'est naturellement pas suffisante. Je le répète, il faut que la discussion puisse s'élargir dans l'entreprise à toutes les questions qui commandent l'évolution des carrières : la formation, les grilles de qualification, tout ce qui fait que l'on peut retrouver un projet professionnel et un espoir de promotion.
hibou : Le PS doit-il changer de position sur la question des sans-papiers, comme le pense votre ami Manuel Valls ?
Gaëtan Gorce : Je pense qu'il n'est pas possible de fixer une règle et d'admettre ouvertement qu'elle ne soit pas respectée. Le vrai débat porte par conséquent sur la nature et le niveau de la règle fixée. Mais imaginer qu'on puisse définir par la loi les conditions d'entrée et de séjour et renoncer en même temps à les mettre en œuvre serait non seulement irresponsable, mais a pour conséquence de priver le droit à l'institution de toute autorité. On ne peut pas se rallier à une telle conception des choses.
Jrmy : Comment lutter contre le décalage sociologique (salariés protégés, âge et niveau d'étude) du PS tant au niveau de ses militants que de son appareil ?
Gaëtan Gorce : La réponse est partiellement simple : il faut accueillir le plus grand nombre possible d'adhérents. L'arrivée des "nouveaux adhérents à 20 euros" avait déjà commencé à faire bouger les lignes. C'est dans cette perspective qu'il faut continuer à aller si l'on veut que le Parti socialiste soit le plus représentatif possible de la société. Dans le prolongement, il faut revoir ce que l'on attend d'un militant. Il est illusoire d'exiger d'un grand nombre d'adhérents un engagement total, comme le militantisme traditionnel le réclamait. Il faudra donc de plus en plus accepter qu'il y ait différentes façons d'adhérer et de militer. Enfin, il faut que chaque adhérent ait la conviction claire qu'il participe réellement à la décision au sein du Parti socialiste, d'où mon attachement à un scrutin majoritaire, qui permet donc à une majorité de s'exprimer et d'imposer sa ligne.
Joe_Raisse : Le PS ne se comporte-t-il pas comme un parti de défense des avantages acquis (par exemple sur les retraites) au détriment de la solidarité qui devrait s'imposer en faveur des jeunes générations ?
Gaëtan Gorce : Le problème du PS, c'est qu'il a d'une certaine manière la nostalgie d'un monde d'hier. Beaucoup de ses dirigeants regardent les années 1960 et 1970 comme une sorte d'âge d'or où régnaient le plein-emploi, l'intervention de l'Etat dans un cadre national, les entreprises à statut, etc. Beaucoup de socialistes ont du mal à imaginer que la société d'aujourd'hui est très différente et que les inégalités se sont déplacées. C'est ce changement de vision dont ceux qui veulent la rénovation doivent se faire les porteurs. A ce sujet, hier à Frangy, nous avons été plusieurs à nous exprimer en ce sens, pour expliquer que les socialistes ne devaient pas se bloquer sur la défense d'intérêts acquis, mais bien proposer des réformes qui prennent en compte ces nouvelles inégalités.
Ainsi Arnaud Montebourg, avec l'accord de tous, a considéré que l'harmonisation des régimes spéciaux sur le régime général était souhaitable et nécessaire, à la condition naturellement qu'elle s'accompagne de moyens nouveaux pour que puissent partir à la retraite plus tôt celles et ceux qui effectuent des travaux pénibles tout au long de leur carrière.
Mélie : Que peut-on attendre de l'université de La Rochelle ?
Gaëtan Gorce :
cheval : Etes-vous favorable à une alliance avec le MoDem pour les municipales ?
Gaëtan Gorce : Je crois que la question des alliances doit venir après celle du projet politique. La tentation est forte pour les socialistes de chercher à leurs problèmes deux types de solution de facilité : les uns sont à la recherche de l'homme ou de la femme providentiels, les autres d'un allié secourable, mais dans les deux cas il s'agit de faire l'économie d'un débat de fond.
La vraie question porte sur l'analyse de la société, les valeurs que nous défendons, les propositions que nous en déduisons. C'est donc à nous qu'il incombe de faire ce travail collectivement, comme je l'ai dit hier à Frangy, par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Si une fois ce projet politique redéfini les convergences sont possibles avec le centre, pourquoi pas ? Mais il serait puéril d'en faire un préalable.
ours : Qui peut remplacer François Hollande à la tête du PS ?
Gaëtan Gorce : Une direction collégiale. Le PS a d'abord besoin de remettre de l'ordre dans ses idées, de réorganiser son mode de fonctionnement, et c'est une tâche à laquelle tous les socialistes doivent être associés. Si nous ne l'avons pas fait depuis des années, c'est parce que ces questions ont toujours été traitées en lien avec des enjeux personnels, et parfois uniquement en fonction de ceux-ci. C'est pourquoi je préconise une sorte de période-tampon pendant laquelle la question du leadership serait mise entre parenthèses, le temps nécessaire au débat de fond. Cela pourra prendre un an et demi à deux ans, période à l'issue de laquelle, alors, il sera plus que nécessaire de se choisir un leader. Celui-ci devra l'être sans contestation possible. Il aura vocation à être à la fois le chef de l'opposition et notre candidat, ou notre candidate, à la présidentielle. Il ou elle devra avoir les moyens de diriger le parti sans en passer sans cesse par de petits compromis.
Parallèlement, le parlement du parti devra être revitalisé, c'est-à-dire régulièrement réuni, autour d'ordres du jour précis, préparés par des commissions actives, pour qu'une vraie délibération politique puisse être conduite. C'est pourquoi je n'hésite pas à employer le terme un peu provocateur de "présidentialisation" du parti. Pour passer des synthèses molles d'aujourd'hui à une direction ferme et assumée. Avant d'en arriver là, et peut-être pour permettre d'en arriver là, je pense que c'est en équipe que le travail de rénovation devra être conduit, le temps nécessaire à cette rénovation que chacun réclame et qui ne passe pas, de mon point de vue, pour l'instant, par un leader providentiel, mais d'abord par notre maturité collective.
TOTOR : Autant je trouve honteux l'immobilisme du PS sur certains sujets clivants (dette, reforme de l'Etat, retraites, TCE), autant je ne comprends pas les reproches adressés à François Hollande : n'avait-il pas eu comme mandat après le depart de Lionel Jospin de garantir l'unité d'un parti déjà en proie à de fortes tensions centrifuges ? N'est-ce pas particulièrement hypocryte de lui imputer maintenant le manque de clarté ideologique ?
Gaëtan Gorce : C'est pour cela que je ne m'en suis jamais pris, pour ce qui me concerne, au seul François Hollande. C'est à la direction du PS tout entière que j'ai demandé de démissionner. Et c'est parce qu'elle ne l'a pas fait que je l'ai quittée. Pour autant, le vrai reproche que l'on peut faire aujourd'hui à François Hollande, c'est justement de refuser d'écarter cette responsabilité collective pour se maintenir à toute force aux responsabilités. J'ai expliqué tout à l'heure les raisons internes pour lesquelles le PS s'était condamné à l'immobilisme. Et le reproche que je fais à François Hollande, c'est de refuser obstinément d'en tirer les conséquences. La rénovation à conduire, c'est justement celle qui doit permettre d'aborder de front des questions comme celles de la réforme de l'Etat ou de l'efficacité de la dépense publique.
Benoit : Comment réunir en un programme les idées de M. Melanchon et de M. Strauss-Kahn ?
Gaëtan Gorce : La question n'est pas tant de savoir ce que pense M. Mélenchon ou M. Strauss-Kahn. Encore que ce serait déjà un progrès si on pouvait le savoir tout à fait, sans hésitation, sauf fausse pudeur, sans arrière-pensée. Nous avons tous un point commun, c'est d'être socialistes. Le cadre dans lequel nous discutons est bordé par des frontières communes, que nous avons tous acceptées. Ensuite, il faut veiller qu'à l'intérieur de ce cadre, le débat soit totalement ouvert, ce qui suppose deux choses : en premier lieu, que s'effacent les gardiens du temple, ceux qui s'expriment uniquement pour défendre les tabous, pour interdire certaines formulations ou certaines références ; par exemple l'impossibilité d'évoquer, de près ou de loin, les autres socialites européens, ou de parler, en matière de retraite, de capitalisation collective, ou de dire que la question de la sécurité n'est pas seulement posée à la droite, etc.
Il faut ensuite que ces discussions ne soient plus instrumentalisées. Si nous avons du mal à nous entendre, ce n'est pas parce que, à quelques exceptions près, nous aurions des points de vue fondamentalement opposés. C'est parce que ces points de vue sont systématiquement caricaturés et utilisés, soit pour affaiblir, soit pour conforter la stratégie de telle ou telle personnalité. Si je prends l'exemple de la présidentielle, la responsabilité de Ségolène Royal n'est évoquée que pour l'accabler. Et si on la défend, on est aussitôt accusé de vouloir totalement l'exonérer. Il n'y a pas de place alors pour un débat équilibré, serein, et par conséquent productif. C'est cela qu'il faut changer.
Et si la confrontation des points de vue est menée avec sincérité, comme nous l'avons tenté hier à Frangy par exemple, alors des changements, et même des rapprochements inattendus, deviennent possibles.
Henry : Les termes "socialiste", "socialisme" vous paraissent-ils adaptés à une gauche réformatrice moderne ?
Gaëtan Gorce : C'est vrai que le mot socialiste a été plus que compromis par les errements du XXe siècle, et que la chute du "mur" lui a porté un coup. Et ceux qui ont toujours défendu un socialisme démocratique en ont à l'évidence subi les dégâts collatéraux. Pour autant, je reste attaché au mot de "socialiste" parce que je ne crois pas que celui de social-démocrate convienne pour définir une gauche moderne. La social-démocratie est elle-même en crise. Il suffit d'observer les difficultés dans lesquelles sont eux aussi empêtrés nos camarades allemands. Qui plus est, cette formule, qui suppose un fort partenariat avec le mouvement syndical, ne correspond pas à notre culture politique et sociale. S'il fallait envisager un changement, je pense que c'est le terme de "gauche", parti de la gauche, par exemple, qui pourrait le mieux convenir, si ce parti devait demain associer dans une même organisation des hommes et des femmes venant de traditions différentes, comme par exemple les écologistes. Le socialisme ne serait plus alors qu'un des rameaux, et non la branche entière.
TOTOR : A vos yeux, une éventuelle alliance avec le Modem peut-il être un vecteur de modernisation du PS ou un risque de confusion et de dénaturation du parti ?
Gaëtan Gorce : J'ai déjà dit tout à l'heure que la question prioritaire était celle du projet politique autour duquel, ensuite, dès lors que le contenu est défini, toutes les alliances peuvent être possibles. J'insiste sur le fait qu'il serait grave pour le Parti socialiste de faire le choix de sous-traiter, par exemple, sa modernisation sur le plan économique à un parti centriste. C'est à lui qu'il incombe de faire ce travail d'abord, quitte à dégager des convergences ensuite. Par ailleurs, l'existence du centre sera forcément dépendante de l'évolution du Parti socialiste. Plus celui-ci se modernisera, moins le centre aura d'espace. A moins que la droite de gouvernement ne continue de se radicaliser et ne se coupe ainsi d'une frange modérée dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle a aujourd'hui peu de visibilité. La stratégie de Nicolas Sarkozy a d'ailleurs pour objectif et pour effet, à travers l'ouverture, d'empêcher ce processus de se produire, malgré les concessions qu'il a dû faire à certains thèmes venus de l'extrême droite.
Henry : Comment, concrètement, les militants vont-ils pouvoir œuvrer à cette refondation du parti ?
Gaëtan Gorce : D'abord, il faut inviter ceux qui sont au PS à y rester, à ne pas rendre leur carte, à ne pas céder au découragement. Et tous ceux qui n'y sont pas encore et s'intéressent à son devenir, à le rejoindre. Pour que, par sa force, la base militante puisse peser plus lourd et se faire entendre. Ensuite, il faut être vigilant et refuser de se laisser entraîner dans les petits arrangements que le parti de l'immobilisme ne manquera pas de suggérer. Pour permettre par exemple de mieux préparer les municipales, etc. Enfin, il faut, je crois, intervenir, participer, et notamment demander que les militants puissent être consultés directement, par leur vote, à chaque étape du processus de rénovation annoncé. Même si l'on peut avoir les plus grands doutes sur l'efficacité et la sincérité de ce processus, il est possible de le bousculer, de le faire basculer vers un changement plus profond. Pour qu'un bloc rénovateur se constitue, dépassant les clivages actuels, et propose alors une véritable alternative au choix des militants.
sebastyen : Le PS va lancer à la rentrée trois forums consacrés à l'avenir de la solidarité, à la citoyenneté et à la mondialisation. Qu'en attendez-vous ?
Gaëtan Gorce : Assez peu de chose. Ces questions sont posées de manière trop classique pour permettre d'avancer véritablement. A mon sens, il y a cinq grandes questions auxquelles nous devons répondre.
La première, évidemment : la rénovation du parti.
La deuxième est celle de l'intérêt général. Dans quelle mesure les socialistes sont-ils prêts, sur des sujets qui engagent l'intérêt du pays sur le long terme, comme par exemple les retraites, à faire prévaloir l'intérêt général sur l'intérêt partisan, c'est-à-dire sur les tentations d'une opposition dure et systématique.
La troisième concerne notre vision de la mondialisation. Dès lors que nous aurons choisi d'agir dans la mondialisation, que nous sortirons de sa contestation idéologique, nous retrouverons des marges de manœuvres politiques, nous pourrons notamment nous réapproprier le thème de l'efficacité économique de l'entreprise, entendue non pas comme la chose des actionnaires, mais comme un tout associant investisseurs et salariés.
La quatrième concerne notre vision du social, qui doit désormais prendre en compte les nouvelles inégalités, en particulier dans l'accès au savoir, aux compétences et au pouvoir. C'est sur l'individu responsable qu'il nous faudra chercher à redéfinir nos politiques sociales, qui devront moins avoir pour but de garantir un revenu que d'offrir à chacun une vraie chance de s'en sortir.
La cinquième concernera la question des violences dont nos sociétés sont porteuses, et qui suppose que nous sachions nous réapproprier, à notre manière, les thèmes de l'ordre et de l'autorité.
Chat modéré par Matthieu Auzanneau
Bonjour,
J'ai beaucoup apprécié cet article important, très riche, clair et précis, auquel renvoyait un post sur le site de DESIRS D AVENIR (pour moi, à conserver !)
Je pense que M. GORCE va être de plus en plus écouté... et j'espère, entendu, mais il y a un problème au niveau de la configuration technique de ce site. Quand j'ai lancé l'impression, je me suis retrouvée avec 21 PAGES (!!!) le texte se trouvant au centre de la page sur une largeur de 5 CM. Quel gaspillage de papier ! Faites l'essai et, si vous pouviez y remédier, vous nous obligeriez... pour les articles suivants ! Merci !
Rédigé par : Chloé | 28 août 2007 à 19:51