80 députés, toutes tendances confondues, ont pris la plume pour rédiger "Les Echos" d'aujourd'hui. Gaëtan Gorce était l'un deux :
Une éventuelle réforme de la CDC ne devrait-elle pas conduire à dépoussiérer la commission de surveillance, à associer le Parlement à la nomination du directeur général et à préciser la stratégie de l'établissement public sous forme d'un contrat d'objectifs qui préserverait son indépendance ?
Ne serait-il pas temps de clarifier les relations entre la Caisse des Dépôts et Consignations et l'Etat ? C'est sans doute l'une des questions qui se posent au vu des derniers développements de l'affaire EADS ce week-end. L'établissement public a d'ailleurs voulu rappeler aussitôt après l'audition de vendredi de Thierry Breton devant la commission des Finances du Sénat son statut d'indépendance.
Par deux (...)
(...)
communiqués des 5 et 6 octobre, elle a souligné en effet qu'elle n'avait « ni demandé ni reçu d'autorisation de l'Etat pour l'achat de titres EADS ». Ce faisant, elle se bornait à énoncer les conditions dans lesquelles la loi l'invite à prendre ses grandes décisions d'investissement. Rien n'impose statutairement à la direction générale de la Caisse des Dépôts de consulter préalablement sur celles-ci la commission de surveillance et son président, dont le rôle est en principe limité au contrôle de la gestion des fonds d'épargne qui sont confiés à l'établissement public. Et encore moins Bercy.
Dans la pratique, les choses sont quelque peu différentes. Chacun sait que le directeur général de la Caisse rencontre chaque semaine, et c'est bien normal, son président pour l'informer sur les dossiers les plus importants, y compris ceux qui concernent ses participations. La CDC est l'un des principaux investisseurs de la place, avec 80 milliards d'euros de participations en portefeuille.
Plus délicat encore, le fait que le directeur général de la CDC est un haut fonctionnaire traditionnellement issu du ministère des Finances, dont la nomination mobilise le pouvoir politique au niveau le plus élevé. L'actuel directeur général n'est autre qu'Augustin de Romanet, ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée sous la présidence de Jacques Chirac. Il occupait d'ailleurs cette fonction fin 2005-début 2006, période durant laquelle l'Etat a autorisé, via Sogeade (holding du pôle français au capital d'EADS), le groupe Lagardère à céder 7,5 % du capital du groupe franco-allemand.
Dès lors, il n'est pas surprenant que les réactions de Christine Lagarde, locataire actuel de Bercy, suggèrent une prochaine remise à plat des règles de gouvernance de la CDC, déjà souhaitée par certains. Une éventuelle réforme ne devrait-elle pas conduire à dépoussiérer la commission de surveillance, à associer le Parlement à la nomination du directeur général et à préciser la stratégie de la CDC sous forme d'un contrat d'objectifs qui préserverait son indépendance, tout en prenant en compte les enjeux de long terme dont l'Etat ne peut pas se désintéresser. A condition toutefois, en ouvrant ce volet du dossier, de ne pas chercher à faire oublier du même coup d'autres questions plus urgentes et plus sensibles.
Vendredi, Thierry Breton a démenti avoir encouragé la CDC à acquérir les titres mis sur le marché par le groupe Lagardère. Mais à supposer même que les pouvoirs publics soient bien restés passifs, n'est-il pas légitime de s'interroger sur les raisons qui auraient pu conduire le gouvernement à laisser l'établissement public s'engager dans un investissement dont il savait déjà depuis la note transmise par l'Agence des participations de l'Etat (APE) qu'il n'était pas dénué de risques ?
Quelle que soit la réponse à cette question, la Caisse des Dépôts est en quelque sorte victime dans cette affaire. Soit de son statut, qui aurait conduit à l'instrumentaliser à son insu. Soit de ses relations incestueuses avec l'Etat, qui l'aurait mise à contribution contre ses intérêts. Le problème alors c'est que tout cela aura coûté à la CDC, et donc à l'Etat, très exactement ce que cela aura rapporté au groupe Lagardère...
Commentaires