Interview dans l'édition du 10 janvier 2008 de Libération
Pour le député (PS) Gaëtan Gorce, la remise en cause annoncée des 35 heures n’est qu’une manœuvre médiatique et politique :
Gaëtan Gorce, député socialiste de la Nièvre, et ancien rapporteur de la loi Aubry sur les 35 heures, appelle à «sortir de l’affrontement idéologique», accusant Nicolas Sarkozy d’«exploiter» la question des 35 heures pour «rassembler son camp».
Pourquoi n’entend-on pas plus le PS défendre les 35 heures ? Vous avez honte de cette réforme?
La critique est un peu injuste. Le PS a réagi très vivement, dès mardi [à l’allusion de Nicolas Sarkozy sur la fin des 35 heures, ndlr]. La question qui se pose est plutôt : pourquoi le Président brandit-il maintenant ce sujet de discorde, à un moment où il n’a pas de solutions à proposer, concernant notamment le pouvoir d’achat ? Nous ne sommes donc pas obligés de foncer tête baissée dans le jeu de rôle qu’il nous impose.
Mais la gauche ne doit-elle pas s’opposer plus franchement au souhait de Sarkozy de supprimer les 35 heures?
Si la droite avait vraiment l’intention de remettre en cause la durée légale du travail pour tous les salariés et de la remplacer par une durée conventionnelle, différente d’une entreprise à l’autre, ce serait inacceptable : cette idée serait la porte ouverte au dumping social et elle justifierait alors une opposition farouche. Mais la droite ne peut pas aller jusque-là : les Français sont attachés aux 35 heures et les entreprises n’entendent pas revenir sur les contreparties négociées.
Dans ce cas, pourquoi la droite revient-elle sur le sujet?
Nicolas Sarkozy exploite ce dossier pour des raisons médiatiques et politiques qui consistent à tenter de remobiliser son camp et de faire monter la gauche sur un sujet où elle est en difficulté dans l’opinion. Mais le fait que le Président se saisisse des 35 heures de façon provocatrice jette un doute sur sa volonté de réformer réellement le pays. Choisir comme cheval de bataille un sujet qui est derrière nous, ce n’est pas être prêt à poser les questions d’avenir.
Ne faut-il pas un débat sur une éventuelle réforme de la loi sur les 35 heures ?
Nous devons tous sortir d’un affrontement idéologique qui est d’un simplisme affligeant. Ce qui me désespère c’est que l’on passe à côté des vrais sujets en se focalisant sans arrêt sur les débats d’il y a dix ans. Il nous manque 1 point de croissance, non pas à cause des 35 heures, mais parce que nous n’investissons pas assez dans l’innovation, que le taux de chômage des seniors et des jeunes est trop élevé et qu’il n’y a pas assez de souplesse dans certains secteurs en difficulté. La droite doit cesser de faire des 35 heures un bouc émissaire de tous les problèmes économiques du pays. La gauche ne doit pas tomber dans ce piège et doit aussi cesser de laisser penser que les 35 heures seraient la panacée, en admettant plus de souplesse, à travers des accords majoritaires permettant de faire des heures supplémentaires lorsque c’est nécessaire.
Quelle est aujourd’hui la position du Parti socialiste sur les 35 heures?
Exiger actuellement une position claire du Parti socialiste est une mission impossible. En réalité, c’est en 2002 que nous n’avons peut-être pas suffisamment défendu les 35 heures: lorsque la loi Fillon les remettait pour la première fois en cause. Nous aurions dû faire plus de pédagogie. Aujourd’hui, nous devons nous opposer à la remise en cause de la durée légale du travail pour tous les salariés mais aussi défendre la nécessité d’investir dans la formation et l’élévation de la qualification des salariés. Je suggère que, plutôt que de majorer les heures supplémentaires, on majore les heures de formation. «Se former plus pour gagner plus», j’oppose ce slogan à celui de Nicolas Sarkozy.
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