Le débat qui vient de s'ouvrir à l'Assemblée nationale sur l'envoi de nouvelles troupes françaises en Afghanistan tombe, d'une certaine manière, à point nommé. On a pu craindre un moment qu'il soit détourné de son véritable objet. Cet après-midi, dans l'Hémicycle, il n'en a rien été.
Contrairement à ce qu'ont tenté de faire croire certains orateurs de la majorité, et le Président de la République lui même, la question n'est pas de savoir si la France doit ou non appuyer les efforts de la communauté internationale pour stabiliser l'Afghanistan et empêcher le retour au pouvoir des Talibans. La provocation entendue à Londres était de ce point de vue grossière. Exiger un débat, déposer une motion de censure, c'était prendre le risque d'y tomber. A ce jour, il n'en a rien été. Le problème posé va en effet, et cela a été utilement rappelé, bien au delà de la présence des forces françaises à Kaboul. Il porte sur la stratégie suivie par la communauté internationale en Afghanistan. Il porte aussi, et plus profondément, sur l'orientation que le Président de la République s'apprête ou non à donner à la politique étrangère de la France.
L'annonce faite à Londres ne peut pas ne pas être rapprochée des protestations d'affection dont le Chef de l'État accable le Président américain et des discussions en cours sur un éventuel retour de la France dans le Commandement intégré de l'Otan.
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Il est trop tôt encore pour dire s'il annonce un simple alignement sur les positions diplomatiques des États-Unis ou une conversion, plus grave, aux thèses défendues par certains, selon lesquelles devant les menaces qui s'amoncèlent, le camp occidental devrait et faire bloc et passer à l'offensive. Ce retour à une vision d'un monde bipolaire ferait fi de nos intérêts vitaux. Il mettrait l'Europe plus en danger qu'en sécurité. Celle-ci, tout en maintenant sa solidarité avec les États-Unis, doit au contraire être capable de préserver sa propre vision des choses et son autonomie d'action. C'est en ce sens que la question de l'Otan reste ambiguë, puisque le retour de la France pourrait se comprendre s'il devait s'accompagner de l'affirmation d'une véritable Europe de la défense et s'il devait conduire à l'expression, chaque fois que nécessaire, d'une stratégie autonome.
Dans tous ces domaines, il est encore trop tôt pour dire ce qu'a décidé le Président de la République. La tentation de l'alignement, visible dans ses prises de position récentes, est en effet contrebalancée par d'autres initiatives, comme par exemple les réserves exprimées à l'encontre de l'éventuelle entrée de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'Otan.
La diplomatie française se cherche t-elle ou se masque t-elle ? C'est, je l'espère, ce que nous permettra d'élucider le débat de censure, à la condition qu'il ne se limite pas à la question de l'Afghanistan et qu'il porte exclusivement sur la politique étrangère.
La France et l'Europe doivent rechercher des voies nouvelles pour leur sécurité. Il ne serait pas scandaleux que le Chef de l'État tâtonne. Il serait en revanche choquant et même dangereux qu'il ait choisi sans que le pays en ait débattu, et sans que le Parlement en ait décidé.
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